mai 19

Pauvre faune et belle dâme

Au pays des troubadours, une nuit où j’allais danser
Je surpris une complainte par un faune déclamée
L’histoire d’une damoiselle qui l’amour ne trouvait
Car d’elle point n’était digne et pourtant la courtisaient

D’un chevalier mort loin la belle s’était éprise
Et malgré l’homme défunt, elle demeurait sa promise
Héritiers de ce dernier, oncle, frère ou beau cousin
Tous visaient la demoiselle toute entière à son chagrin

Hors le spectre du chevalier à un faune s’était confié
Lui donnant la lourde tâche de sa dame protéger
Esprit jeune et insouciant, faune avait donnée parole
Espérant briser ce pacte par une folle cabriole

De ce choix bien malhabile il fut malavisé
Car Dame Nature elle même prit la belle en pitié
« Toi Faune si prompt à rien, je te nomme son Gardien. »
« Tu serviras la donzelle jusqu’à ce qu’amour soit fait sien. »

Dès lors le libre esprit à la belle fut attaché
Son espoir de regagner un jour sa liberté
Tout bellâtre vint à passer qui bien vite fut rejeté
A toute force de ses sabots, le faune envoyait bouler

Digne fils de Dame Nature, il descellait en leurs cœurs
La tromperie, la fausseté, l’ombre noir du déshonneur
A aucun prix ne voulait que la belle soit flouée
Car deux serments le liaient au sort de la jeune beauté

Et chaque nuit il venait dans ce bosquet isolé
Conter cette tragédie et son malheur pleurer
Car nul sur cette terre n’était digne de briser
Le deuil de la demoiselle et son fantôme chasser.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter
mai 5

Course vers la liberté

J’ai pris la route pour Onyria
Bien décidé à la trouver
Ne sachant vraiment où chercher
Mes songes ont dû guider mes pas

Sur le chemin j’ai rencontré
D’étranges êtres à la peau blême
Vagabonds marqués d’anathème
Aux yeux vitreux, l’âme égarée

J’ai croisé des rêveurs perdus
Subjugués par quelques ondines
Chimères aux membres longilignes
S’en repaissant comme sangsues

Plus loin voguait la nef des morts
Barque oblongue aux couleurs passées
Où terminent tous les égarés
Qui ont renoncé à leur corps

Au loin brillait, derrière un voile
Le phare brulant de la cité
Où toute idée lentement se crée
Et l’univers puisse sa moelle

Onyria, la ville de cristal
Où naissent les plus beaux enfants
Issus du repos des vivants
Puisant dans leur essence vitale

A la frontière des dimensions
J’ai frôlé l’onde à la toucher
Sous mes doigts s’est désagrégée
La sphère du rêve en extension

Sous mon regard s’est effondrée
Le dernier refuge de l’esprit
Me laissant seul, à ma folie
Livrés aux peines de mon passé.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter
avril 24

Couard

J’ai usé mon regard sur des documents creux
Fatigué mon esprit sur des pensées vides
Perdu mon énergie, rendu ma peau livide
Lancé contre des murs s’élevant jusqu’aux cieux

Je me suis acharné contre leur robustesse
Frappant contre leur pierre ma chair jusqu’au sang
Epuisé mon esprit à me rendre dément
Sans jamais diminuer d’un brin leur rudesse

J’ai longtemps combattu mille moulins à vent
Ecrasant ma carcasse contre leurs grandes ailes
Cabossant mon armure, les chargeant de plus belle
Ils ont brisé mes armes d’un air indifférent

Tous ces échecs rongent mon opiniâtreté
Mon courage s’envole à mesure que vient l’âge
Avec lui mon essence s’étiole davantage
Et me fuit toute envie de vouloir avancer

Lentement, peu à peu, je cède à l’abandon
Mes espoirs se fanent, ne laissent que néant
Sans but, sans objectif, j’erre sur cet océan
Jusqu’à ce que m’engloutisse l’ivresse des grands fonds

Chaque instant mes ténèbres absorbent ma lumière
Alors ma vie s’enfonce dans cette obscurité
Ne voyant plus que l’ombre dans toutes mes idées
Je souhaite, non sans peur, que la mort me libère

Meurtri par mes erreurs, j’ai cessé le combat
Ainsi scellant mon sort, j’ai bien vite succombé
Mon âme s’est éteinte, mon esprit s’est noyé
Alors que la défaite s’emparait de moi.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter
avril 20

Aux amours mortes

Dans l’onde immaculée dort la douce Ophélia
Perdue par sa folie d’avoir trop aimé
Un prince inconséquent au verbe acéré
Aussi dur que la lame qu’en elle il ficha

Ce monarque dément avait cru voir en elle
Un fantôme dangereux, ombre de son passé
Il fit tout ce qu’il put pour s’en débarrasser
Il paya ce forfait de regrets éternels

Nulle tombe pour la belle, rien qu’un cercueil mouvant
Une stèle sous marine glissant au fil de l’eau
Nuls hommages, nulles couronnes pour fleurir son tombeau
Cet amour tragique méritait bien un chant

Moi, le sombre rimeur, poète des cimetières
Errant parmi les dalles, silencieux mausolées
J’écris ces quelques vers aux amours oubliés
Aux romances tragiques, aux funestes chimères

Et je songe à tous ceux qui parcourent ce monde
A vitesse de comète, sans jamais percevoir
Que leurs vœux les plus chers, leurs ultimes espoirs
Se dressent devant eux, que le bonheur abonde

A qui sait le saisir lorsqu’il vient à passer
L’instant peut révéler toutes ses beautés cachées.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter
avril 17

Coeur agité

Mon cœur se tourne et se retourne dans sa cage
Agité par des pensées, des réflexions
Il remue, se contracte, plein d’interrogations
Me laisse sans repos par son remue ménage

Etrange entité, organe indépendant
Il se laisse emporter par sa moindre émotion
Je lutte chaque instant pour qu’il entende raison
Et cesse de vibrer à chaque battement

Il fait ce qui lui plait, vivant dans l’insouciance
Menace en permanence mon précaire équilibre
Se voit comme un rebelle, la dernière âme libre
Il quitterait ce corps pour tenter sa chance

Si j’étais un pantin il m’aurait immolé
Et lorsqu’auraient fondu les chairs qui l’emprisonnent
Indemne et sans regret, ce cœur qui déraisonne
Hors de ma dépouille se serait envolé

Pour palier à ses maux, je n’ai que peu de choix
Ma bien faible raison ne tiendrait pas longtemps
Sur le papier s’écoule le flot de ses tourments
Je l’enchaine à mes mots pour museler sa voix

Je ne suis que sa main, son fragile instrument
Dans ses plis il détient ma force et mon essence
Un caprice de lui me serait une souffrance
Si l’envie lui prenait d’altérer son battement

La mystérieuse symbiose qui relie ses envies
A tous mes vieux démons, les ombres qui me hantent
Et rythme cette lutte en une étrange entente
Est le dilemme secret qui empoisonne ma vie.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter
avril 6

Le doute

Certaines nuits revient le mal qui dort en moi
Cette bête qui me ronge, m’agite et me malmène
Au rythme de mes maux il hurle et se déchaine
Transforme en cauchemars le moindre de mes choix

Lorsque ce mal sommeil la vie sait se faire douce
Rien pour empoisonner le fil de mes pensées
Mais lorsqu’il s’éveille et se met à gronder
Mon esprit se fissure, brisé par ses secousses

De la sérénité il vient sonner le glas
S’amusant à gâcher tout projet, toute envie
Plantant fort ses mâchoires où ma raison faiblit
Il sème le chaos et dissipe la joie

Peu à peu en mon être son influence s’étend
Plantant dans mon échine les graines du malheur
Il me change lentement, me submergeant d’horreurs
Instille en chaque cellule un peu de mon tourment

Il y a bien longtemps sur moi il a placé
Sa marque indélébile, ses idées parasites
Il revient à l’assaut lorsque mon cœur hésite
Toujours plus profond il revient m’enfoncer

Lors de rares triomphes, toujours je crois renaitre
Mais bien vite je sens ses germes croitre en moi
Et ses sombres humeurs m’emplir de désarroi
Pour voir sombrer mon âme, goulument s’en repaitre

Il est ma punition, l’antithèse de mon don
Sans cesse m’imposant son ire, sa volonté
Tôt ou tard il m’aura totalement consumé
Enserrant mon futur de sa malédiction.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter
mars 28

Rouge

Sur un soyeux tapis à la couleur carmin
Se dresse un mannequin fièrement apprêté
Sa gabardine rose négligemment posée
Sur des épaules rondes au délicat dessin

Un chemisier brun roux enveloppe sa poitrine
Parcouru de dentelles d’un joli blanc ivoire
Un ruban rouge vif ou elle porte en sautoir
Un camé couleur crème enlace sa gorge fine

D’un regard on saisit son sourire nacré
Et ses grands yeux noisette qui lentement se voilent
Une goutte écarlate glisse sur son front pâle
Et termine sa course sur l’arrête de son nez

Sur ses mains des gants bruns aux coutures argentées
Dessinent des arabesques sur ses muscles gracieux
Elle a glissé ses jambes dans des bas délicieux
Galbant sa silhouette de teintes harmonisées

Ses pieds sont enveloppés de ballerines chair
Venant atténuer son allure élancée
On voit dans sa tenue toute sa volonté
Et dans l’arrangement de sa chevelure claire

Debout dans cette pièce elle demeure figée
Comme si le temps l’avait privée de réaction
Sur un mur un message en lettres de néon
« Voici que se révèle la beauté dénudée. »

Son œuvre terminée, l’artiste s’est enfui
Laissant aux yeux de tous sa nouvelle création
Impatient de connaitre du public l’émotion
Il a laissé sur place tous ses pinceaux rougis.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter
mars 28

Origine

A l’ombre des lunes noires et des étoiles gelées
Dans les brumes pourpres aux fragrances hypnotiques
Sous les roches millénaires aux allures méphitiques
Je dors dans la poussière et les cendres glacées

Au contre-firmament, là où meurt la lumière
Dans la clarté blafarde des géantes gazeuses
Mes rêves se dessinent, images fuligineuses
Lentement se délitent dans la lourde atmosphère

Les charognards s’agitent, leur cohorte se rassemble
Pour bruler mon essence, n’en laisser aucune part
Et laisser ma dépouille dans ce lieu de cauchemar
A la merci des ombres, nous pourrirons ensemble

L’amour et la pitié ignorent cet endroit
Cette anti-fln du monde où vit l’Aberration
Père de tous les monstres et abominations
Qui peuple l’univers de frayeur et de froid

Cet ici que cadavre, je naquis à la mort
Bercé par l’illusion et le temps inversé
A de sombres magies je me vis initié
De sombres rituels présidant à mon sort

Sous les noirs soleils vint mon élévation
Vers d’autres dimensions je me suis projeté
Au profond de mon cœur ma noirceur fut gravée
Afin que je répande sa sinistre oraison

Messager des ténèbres, porteur d’antiques terreurs
Glissant sous l’apparence d’un ange égaré
J’ai pour unique but d’amener l’obscurité
Et de noyer les mondes sous un millier de pleurs.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter
mars 24

Mon absurdité

Mon esprit est un secrétaire
Empli de tiroirs à secrets
Où dorment idées et projets
Souvenirs doux ou bien amers

Ce meuble usé croule sous le poids
De bribes d’écrits qui s’entassent
De feuilles volantes qui se prélassent
Entre ses montants de vieux bois

Tout est mots, images volatiles
Qui virevoltent dans sa carcasse
S’entrechoquent où s’affaissent, lasses
Chassés par un acte futile

Tous ces mouvements d’agitation
Ne suivent aucun rythme commun
Un ermite fol et malsain
Supervise cette aberration

Il y voit une grande symphonie
Faite de sons entrelacés
Un mélange étrange et biaisé
Par le truchement de sa folie

Le cheminement de mes pensées
S’en trouve altéré, chaotique
Tel un concerto diabolique
Tout m’apparait entremêlé

L’imbroglio où naissent mes songes
Cette cacophonie discordante
Dansent une valse étourdissante
Qui, lentement, ma raison ronge.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter
mars 17

Détenu

Je viens d’un autre monde, étrange et mystérieux
Ange aux ailes d’argent et au cœur de papier
Mon nom et mon histoire, tout me fut arraché
Quand j’ai franchi le voile d’un bond majestueux

Mes ailes dans ce monde sont un lourd fardeau
Mon cœur de papier se froisse au moindre accroc
S’imprègne telle une éponge d’émotions, de sanglots
Mon esprit onirique s’en voit chargé de maux

Sur mes anciennes terres, l’air était mon essence
Une simple inspiration m’emportait au levant
J’embrassais les nuées de l’aube au couchant
Ici mes pas sont lourds, mon corps n’est que souffrance

Votre épaisse atmosphère est froide et étouffante
Les courants d’altitude sont emplis de poussière
Vos oiseaux de métal saturent les hémisphères
De leur cacophonie, de leurs fumées brulantes

Votre réalité n’est que bruit et fureur
Si éloignée de ma si harmonieuse sphère
Où cohabitent les ombres et les cœurs de lumière
Dans une mélodie aux rythmes enchanteurs

Impossible pour moi de regagner les songes
Ma cellule de chair est trop bien agencée
Elle piège mon énergie, ne la laisse pas filtrer
Pour mieux s’en repaitre, lentement elle la ronge

Je suis un onirien arraché à son rêve
Attiré dans ce monde par son chatoiement
Mon être fantasmatique s’est lié au vivant
La chair m’emprisonne, ma liberté s’achève.

Catégorie : Eclats d'âme | Commenter