février 21

Coeur de papier

La source de mes mots, siège de mes émotions
Le mystérieux joyau où dorment mes pensées
Esclave de ses passions et des cieux étoilés
Adopte telle une plante le rythme des saisons

Au printemps il fleurit, déploie doucement ses feuilles
Lentement les nourri d’encre pour mieux les affermir
Les protège jalousement, les laisse s’épanouir
Et les tient en bourgeons comme un précieux recueil

L’été les voit s’ouvrir, révéler leur beauté
Etirer leurs corolles de lignes entrelacées
Exposant aux regards leurs pages colorés
De milles empreintes de plumes pleines et déliées

Lorsque l’automne point, leurs contours se flétrissent
Les feuilles déclinant libèrent leur sombre humeur
Les poèmes chantant laissent leurs places aux pleurs
Et dans les longues ombres leurs fibres se racornissent

Dans le froid de l’hiver les lignes sont gelées
Le sang d’encre se fige sur les pétales glacés
Le givre s’insinue dans le cœur de papier
Paralysant la vie de ce creuset d’idées

Ce cœur à l’apparence d’un étrange végétal
Au cycle des saisons se voit bien malmené
Rose aux pétales d’encre lorsque vient l’été
Il devient l’hiver d’une froideur minérale.

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février 14

Le fil

Jour après jour j’avance sur cette longue allée

Sur cette étrange route qu’arpente tout un chacun

J’erre entre les ornières, les trous inopportuns

Scrutant vers le couchant sans savoir où aller

 

Malgré le temps qui passe je ne sais toujours pas

Quelle est l’issue finale, quel est le but caché

De ce si long chemin que je dois emprunter

Je ne distingue pas où cette voie me mènera

 

Je ne fais que la suivre sans jamais la quitter

Sans regard en arrière, par peur du résultat

Par peur de ne plus voir l’empreinte de mes pas

Mais seulement le vide et les erreurs passées

 

Je traine mon fardeau plus pesant chaque jour

Le poids de mes échecs, des douleurs inconnues

De ces chemins fermés à peine apparus

Et à chaque enjambée mon cœur se fait plus lourd

 

Derrière moi les fantômes des jours de bonheur

Agitent leurs linceuls, me couvrent de hurlements

Me vouent au Gémonies, crient leur ressentiment

M’enveloppent de leur ombre pour faire mon malheur

 

Devant moi l’inconnu et son profond mystère

Où tout peut arriver, où tout peut me briser

A la faveur d’un souffle l’esprit peut s’effondrer

Et se perdre à jamais au milieu des chimères

 

Dans mon crâne flottent les doutes, les innombrables « Et si ? »

Des milliers de possibles s’entrechoquent et se mêlent

Dans un imbroglio où mon cerveau s’emmêle

Jusqu’au renoncement, l’inévitable « Tant pis. »

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février 3

L’autre part

Dans mes rêves je gagne un autre territoire
Fait de mont nuageux aux sommets enneigés
A leur base s’étendent de profondes vallées
Où serpentent des rivières aux allures de miroirs

De riches plaines bordent ces fleuves aux eaux cuivrées
Parées de vert émeraude, d’arbres au feuillage immense
Où des volées d’oiseaux virevoltent en tous sens
Habillant les nuées de leurs plumes irisées

D’étranges constructions oscillent entre les branches
Assemblages de lianes, de feuilles entrecroisées
Ce sont là les abris du petit peuple ailé
Où se tisse leur histoire dans une brume blanche

Glissants dans le courant des rivières chimériques
Quelques fines goélettes aux voiles déployées
Emportent vers le large les elfes premiers nés
Ils s’en vont découvrir d’autres rives oniriques

Les hommes n’ont pas ici apporté leurs conflits
Point de rage, de fureur, d’interminables guerres
Point de violentes clameurs, de bruyantes colères
Ces lieux ne connaissent pas l’horreur et l’infamie

Sur ces calmes rivages fleurissent les merveilles
De magnifiques demeures où vivent art et beauté
Où les seuls maitres mots sont douceur et bonté
Où aucune maison ne jalouse le soleil

Et du haut de mon nid, mon île dans les nuages
Je contemple chaque jour ces splendides contrées
M’émerveille de pouvoir venir m’y ressourcer
Et m’éloigner du monde où règnent les sauvages.

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janvier 24

Ombre et lumière

Sous la lune de diamant dansent des ombres fines
Des nymphes drapées de brume au corps fuselé
Dans les rais de lumière elles viennent virevolter
Pour mieux se dérober, magnifiques mutines

Sur les rives dans un voile fait d’algues et de roseaux
Glissent de timides elfes, observant les ondines
S’enivrant de leurs jeux et de leurs voix divines
Ils n’osent s’aventurer parmi les vertes eaux

Les arbres centenaires doucement tendent leurs branches
Pour profiter un peu de l’énergie céleste
Renvoyée par cet astre à l’allure funeste
Refuge des âmes perdues, désert de poussière blanche

Un rayon égaré fait briller le plumage
D’un corbeau noir de jais au regard sévère
L’oiseau lisse ses plumes sous la clarté lunaire
Avant de s’envoler vers d’étranges rivages

Le joyeux babillage des aqueuses demoiselles
Se trouve soudain troublé par son rauque croassement
Un instant son aile sombre masque le rayonnement
Du joyau argenté, intrigant les donzelles

Assis dans la pénombre sur mon trône d’obsidienne
Caché parmi les troncs d’une forêt oubliée
J’observe leur manège de mon regard d’acier
Echafaudant un plan pour enfin les faire miennes

Leurs amusements n’ont que bien trop durés
Moi le roi des ténèbres, père de l’obscurité
Je vais voiler le ciel et cet astre enchanté
Et saisir dans mon poing leur tendre peau nacrée

Je vais les enfermer, en faire mes enfants
Dérober leur teint pâle, leur chevelure d’argent
Les rendre pareil à moi, corrompre leur pureté
Leur offrir mes richesses pour mieux les enchainer

Lorsqu’enfin leur essence sera dénaturée
Que ma toute puissance les maintiendra soumises
La Nature ploiera sous ma terrible emprise
Et je m’emparerai de l’univers entier.

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janvier 17

Prisonnier du songe

La nuit qui m’environne me semble éternelle
Pas un brin de lumière ne filtre sous les croisées
Dans le ciel d’hiver, le soleil est masqué
Sa clarté éphémère brille d’une absence cruelle

Je tourne et me retourne dans cette obscurité
Espérant le sommeil ou l’illumination
Pour m’extraire de ce rêve, cette sombre illusion
Qui m’oppresse un peu plus et veut m’emprisonner

Empêtré dans ce songe qui m’entraine plus profond
Dans l’insondable abysse de mes désillusions
Là où même se perdent le sens et la raison
Où disparaissent aussi les moindres émotions

Autour de moi les ombres se déforment et se plient
Dansant une sarabande infernale, entêtante
Elles veulent me faire entrer dans leur valse épuisante
Marquant ma pauvre chaire de leur essence honnie

Chahuté et meurtri par leurs coups incessants
Poussé de tous côtés, l’esprit prêt à sombrer
Je regagne bien vite ma couche aux draps glacés
Souhaitant que s’évanouissent ces esprits encombrants

Alors me revient ma triste condition
Je distingue à nouveau ma chambre aux murs de pierre
Des remugles d’humus viennent appesantir l’air
Et cet enfermement ma longue punition

Je suis l’ombre d’un homme, le fantôme oublié
J’ai nié mon trépas, tout fait pour l’adoucir
Dans mon antique caveau je n’ai plus qu’un désir
Un corps pour réchauffer mon épiderme gelé.

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janvier 9

Belle du néant

Les nuits sans lune la rose d’opale
Danse sur un fil fraichement tissé
Une soyeuse toile d’araignée
Tendue sur le soir, tel un voile

Capricieuse, elle s’épanouit
Lorsque du ciel tombent les anges
Que la couleur des eaux change
Et que le soleil s’obscurcit

Ses racines plongent dans un abyme
Aussi profond que mystérieux
Elle y puise le sang ténébreux
Qui lui donne sa teinte sublime

L’apogée de l’obscurité
Diffuse son parfum unique
Exhale sa fragrance mirifique
Ravivant des ombres oubliées

Ces fantômes sortis du néant
Se mêlent aux rêves des malheureux
Assoupis trop près de ces lieux
Où fleurit ce joyau sanglant

Leurs essences se voient aspirées
Par les noires fantasmagories
Que la plante ramène à la vie
Et soumet à sa volonté

Les pauvres passants égarés
Iront nourrir l’épais humus
Que ce sombre végétal suce
Pour croitre encore et perdurer.

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janvier 6

Mystère du vivant

Sous les cicatrices d’encre et l’épiderme pâle
Sous le muscle atrophié et la vivante chair
Derrière l’os abîmé et le tissu de nerfs
S’épanouit la puissance d’un mirifique graal

Derrière le brun miroir de ces grandes pupilles
Entre les masses grises, les circonvolutions
Sous les neurones qui brulent, s’enflamment avec passion
Une simple étincelle lentement s’allume et brille

Dans ce cœur vivace ou palpite le sang
Dans l’insondable puits où s’agite la vie
Où se créent tous les maux et toutes les folies
Se forme un maelstrom d’énergie persistant

Derrière ce sourire, ces lèvres au teint nacré
Ce doux remerciement, cette tendre attention
Un mécanisme étrange, un millier d’émotions
Cohabitent ensemble pour mieux se succéder

Derrière ce masque où passent d’innombrables expressions
Où dansent l’une et l’autre au rythme des battements
D’une machine formidable, un cœur papillonnant
S’affrontent sans répits légèreté et raison

Dans ce pantin de chairs, d’ossements enchevêtrés
Caché au plus profond de ce corps meurtri
Une âme mystérieuse repose, assoupie
Dans ses rêves murissent de bien étranges idées.

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janvier 6

Jeu de dupes

Pupilles d’onyx sur peau nacrée
Cheveux de jais, lèvres carmin
Au poignet une touche de jasmin
A son cou elle glisse un camée

Drapée dans une robe turquoise
Sur son front un diadème d’or fin
Une ombrelle doublée de satin
La tient dans l’ombre qu’elle apprivoise

Lui le visage couleur de cendre
Le cheveu tirant vers l’argent
Le regard d’un bleu océan
Une mine que lui seul peut comprendre

Une veste de velours rubis
Passée sur un jabot ivoire
Appuyé sur une canne noire
La contemple avec grande envie

Dans les ténèbres l’un guette l’autre
Prêt à tout pour la posséder
Il pare ses mots de teintes sucrées
Pour mieux la pousser à la faute

Lorsqu’elle est prête à succomber
Qu’il tient dans sa main son doux cœur
Etanchant sa soif de bonheur
Au cou de la pauvre affolée

En lui s’écoule tel un brasier
Le feu de la vie qu’il lui vole
S’en délectant comme d’un alcool
Il sent son corps se glacer

L’ingénue s’est fait dame de mort
Sous la passion de son baiser
Elle a rejoint l’espèce damnée
De l’être contre qui elle s’endort.

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décembre 20

Par delà l’obscurité

Par une nuit lugubre d’un hiver glacé
Dans un bois d’arbres sombres aux branches raides de givre
Où mes pas m’emportèrent, pareil à un homme ivre
Un sinistre murmure par le vent fut porté

Tiré de mes pensées par cet engoulevent
Je vis par devers moi une lumière danser
Entre les troncs noueux, elle semblait sautiller
S’éteindre et rejaillir dans un bref rougeoiement

Attiré par ces feux dans la froideur nocturne
Et par le son étrange d’une flute funèbre
Je m’approchais d’un lieu envahi de ténèbres
Une vaste clairière aux allures de Saturne

Un sol de terre nue planté de pierres dressées
Où glissaient quelques formes parées de capes sombres
Le visage masqué par des loups voilés d’ombres
Se tordant en un cercle où brulait un foyer

D’étranges borborygmes s’élevaient de cette foule
Des accords gutturaux, des formules scandées
D’horribles gargouillis et des voix déformées
Une affreuse assemblée de sorciers et de goules

Soudain, en un mouvement le groupe se figea
Le silence se fit, lourd et menaçant
Dans l’air résonna un étrange bourdonnement
Et la trame du monde lentement se déchira

Emergeant de l’abyme où elle fut enfermée
Appelée par les chants aux accords chaotiques
Et les lamentations d’adeptes extatiques
Une indicible horreur se trouvait libérée

Tenaillée par la peur, je fus cloué au sol
Incapable de lâcher le regard de la chose
Je la vis engloutir goulument la chair rose
D’un prêtre présidant à cette assemblée folle

Mon esprit combattant mon corps tétanisé
Cherchant l’échappatoire à l’horreur approchant
Je ne pus qu’assister, malade et impuissant
Au répugnant festin du monstre affamé

Ne pouvant qu’abréger l’inévitable sort
Désireux d’éviter de trop longues souffrances
Je plongeais, seul maître de ma courte existence
Dans la gueule béante de la Bête aux yeux morts

Dans l’immonde gosier le cœur me manqua
Ma conscience s’éteint, mon âme s’évanouit
Sombrant dans le néant je chutais de mon lit
Sortant de ce cauchemar empêtré dans mes draps

Un détail pourtant troublait mon horizon
Une forme indistincte perçue du coin de l’œil
Quelques notes funèbres, un froissement de feuilles
Me remémorent ce rêve et rongent ma raison.

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décembre 16

Souffle ardent

Au plus profond de cette terre
Dans une caverne oubliée
Au cœur d’un temple délabré
Sommeil une ombre millénaire

Son puissant souffle embrase la pierre
Brûlant jusqu’à la vitrifier
Un trésor repose à ses pieds
Fait d’or et de joyaux stellaires

Gesticulant dans sa torpeur
Le monstre ébranle les vieux murs
Le plus petit de ses murmures
Tonne à vous faire mourir de peur

Veillant sur ses grandes richesses
Il les couve d’un œil gourmand
Les défendant férocement
Dans cette sombre forteresse

Bien peu savent son existence
Perdue dans un lointain passé
Les anciens maîtres ont succombé
Sous le poids de leur ignorance

En creusant ils l’ont éveillé
Voulant s’emparer de ses feux
Faire de son sang miraculeux
L’esclave de leur éternité

D’un regard il les a soufflés
Tous ces héros devenus cendres
Ces prêtres qui voulaient le prendre
Devenus os calcinés

Prudence, sieurs aventuriers
Ne venez point chercher querelle
Nul guerrier même immortel
N’a jamais de lui triomphé

Sous les montagnes abandonnées
Dort le dragon aux écailles d’or
Longtemps il veillera encore
Après l’ère des hommes achevée.

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