octobre 14

Ecervelée

Vous êtes, chère enfant, si doucement naïve
Votre fraiche innocence en attire plus d’un
Un vol de vautours, une coupe à la main
Prêts à vous éblouir avec de riches missives

Leur faste n’est qu’apparence, plaisantes illusions
Derrière leurs belles paroles se cachent stupre et envie
La seule chose qu’ils espèrent est vous voir dans leurs lits
Faisant de vous bien vite l’objet de leurs pulsions

Sitôt lassés de vous, bien vite ils s’en iront
Trouver une autre oie blanche aux charmes juvéniles
Pour servir à nouveau leurs dessins si vils
Vous effaçant bien vite, ils vous abandonneront

Alors, présentant l’amant qui vous néglige
L’homme qui vous ignore, vous ayant possédée
Entrera sur la scène le poète dévoyé
Vivant à vos crochets, vantant votre prestige

Il ne fera guère mieux, et, vous ayant ruinée
S’en ira pour autre encore cousue d’or
Délaissant vos beautés pour de plus grands trésors
Prêt à toute bassesse pour la célébrité

Alors, le cœur lourd et vos charmes fanés
Vous maudirez les hommes, auteurs de tous vos maux
Répugnant de les voir, vous isolant bientôt
Nourrissant vos rancœurs, vous vous enfermerez

Perdue dans vos malheurs vous ne remarquerez pas
Celui qui dans votre ombre toujours s’est tenu
Nourrissant pour vos yeux des sentiments émus
Craignant de vous faire fuir s’il ne les taisait pas

Pour ne pas vous troubler, s’estimant trop indigne
Jamais il n’osera saisir la moindre chance
Mais toujours fidèle, même dans la souffrance
Dévoué à votre âme, il attendra un signe

Sachez que tous les hommes ne mènent pas de jeu
Certains se trouvent trop humble pour oser se montrer
Ils craignent de déplaire ou bien d’embarrasser
Et préfèrent en secret bruler de mille feux.

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octobre 10

Le jeu

Encore une tentative, une nouvelle route
Sauter d’une ligne à l’autre en espérant un mieux
S’élancer dans le vide pour effleurer les cieux
Et tenter de tenir, toujours, face au doute

Approcher l’équilibre sur un fil ténu
Se battre à tout instant pour ne pas basculer
Se courber sous les vents contraires et courroucés
S’empêcher de sombrer dans le vide absolu

Se raccrocher aux maigres étincelles d’espoir
Souhaiter la réussite pour mieux s’y préparer
Maintenir le cap pour ne pas s’égarer
Ou se perdre sur une voie malsaine et illusoire

Eriger pas à pas une tour, un refuge
Un havre de salut que l’ombre n’atteint pas
Tâche bien périlleuse lorsqu’elle est en soi
S’infiltrant lentement, usant de subterfuges

Construire ce que l’on peut tant que dure l’accalmie
Assembler chaque fragment de tranquille quiétude
En un tableau solide face aux vicissitudes
Pour ne pas tout voir irrémédiablement détruit

Lutter contre les vagues de ténèbres lancinantes
Qui reprennent sans cesse le siège de mon esprit
Désireuses de le voir à jamais englouti
Basculant dans l’abyme où toute vie est absente

« Arrière, reculez, laissez-moi, cette nuit!
Je ne vous cèderai pas, cessez de m’éprouver!
Je ne laisserai pas mon âme succomber
Il est encore trop tôt pour sombrer dans l’oubli! »

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octobre 7

La tisseuse

Dans un recoin dissimulé
D’un monde plus ancien que l’Aether
Tous les secrets de l’univers
S’entrecroisent pour mieux se mêler

Dans cette étrange officine
Œuvre une fileuse de génie
Qui assemble les fibres de vie
En une trame cristalline

Ses tissages sont tout irisés
Ornés de gemmes scintillantes
Ici une perle rutilante
Là une pierre aux teints ambrés

Entre ses doigts naissent des merveilles
Ses gestes sont nets et précis
Pas d’accros dans la mélodie
La lente danse de cette abeille

Elle bondit d’un brin à l’autre
Infatigable travailleuse
Liant par des passes malicieuses
Les fils d’un destin à un autre

Elle déploie tel un mirage
Les mils savoirs qui lui permettent
De faire d’une galaxie complète
Un simple nœud sur son ouvrage

Ses mains entrelacent l’infini
Pour créer l’écheveau du monde
Le voile sur lequel tout se fonde
Tendu sur l’abyme et l’oubli.

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septembre 26

Le chantre réprouvé

« Sous la rigide carapace
Le sentiment se fait moins fort
Comme si l’être à demi mort
Se figeait soudain sous la glace »

Attablé dans un recoin sombre
Les yeux rougis et fatigués
Le jeune poète désabusé
Effiloche ses vers dans l’ombre

Il a déjà tout fait, tout vu
Reprenant toujours à son compte
Les mésaventures et les hontes
Des clients ayant un peu bu

Il a connu mille amantes
Dormi dans des couches de toutes sortes
Eprouvé des passions si fortes
Livré son cœur à des passantes

Tant de fois il s’est vu défié
Par tous ces maris bafoués
Qu’il devrait être agonisant
Dans un quelconque fossé béant

S’il avait seulement l’honnêteté
De livrer ses vraies émotions
Et ne pas faire le fanfaron
Alors ses vœux seraient comblés

Il cache sous ses airs de dandy
Une blessure jamais fermée
La fleur maudite de sa lâcheté
Son grand amour, il l’a fuit

Des mots qu’il n’a pu prononcer
Il s’est fait une Némésis
Et savoure comme un délice
Chaque douleur qu’il se crée

Ses écrits sont sa catharsis
Cette table la scène de son déclin
Sa plume se nourrit de chagrins
Qu’il transforme en maléfices

Prise dans le voile de son cynisme
Son âme s’est vue dénaturée
Il reste seul et ignoré
Engoncé dans son égoïsme.

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août 26

Espace

Par une nuit sans lune, mon âme s’est envolée
Dans les courants d’Aether, elle s’est engouffrée
Emportée dans la danse des pulsations stellaires
Elle filait vers les astres, happée par leur lumière

Entrainée par la course d’un torrent invisible
Elle fut propulsée, comète indestructible
Bien loin de nos rivages, hors de notre univers
Là où les rêves se fondent en une masse éphémère

Dans un domaine où croissent les formes immatérielles
Une matrice du songe donnant corps au réel
Là règnent des horreurs maitresses de l’illusion
Assemblant lentement des entités sans nom

Le voyage continuait à travers ce magma
Pour aucune raison, je ne m’arrêterais là
Traversant d’un mouvement des espaces infinis
Je finis par atteindre une galaxie d’oublis

Ici se désagrègent dans un immense trou noir
Les vies, les souvenirs, les peurs et les espoirs
Les esprits sortent neufs de cet affreux néant
Reprenant leur chemin à un rythme épuisant

Et atteignent enfin le terme de leur périple
Sous les rayons intenses d’une étoile terrible
Devant eux se déploie un lieu d’émerveillement
Et l’étape finale de leur accomplissement

En ce lieu ils fusionnent en une conscience unique
Rejoignant l’unité d’un être fantastique
Ils accèdent en l’instant à la Félicité
Contemplant d’un regard toute l’éternité.

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août 1

Walkyries

Sous la férule du Dieu Tonnerre
Nous voici donc frappant les cieux
Nos lances brillant de mille feux
Fendant les astres millénaires

Même le plus brave des guerriers
Crains notre ire, redoute nos lames
Sa rage s’éteint face à nos flammes
Sa force tremble sous nos pieds

Chevauchant les mouvements d’air
Souple et agile comme le serpent
Nous déchaînons les éléments
Dans un jaillissement de lumière

Changeantes, indomptables, sauvages
Notre puissance est redoutée
Rien ne peut la canaliser
Où nous réduire en esclavage

Nous n’obéissons qu’à nos lois
Nous embrasant à notre guise
De tous nous sommes la hantise
Le ciel résonne de nos combats

Seule une chose nous apaise
Peut mettre fin à nos querelles
Un sacrifice rituel
Le don d’une âme qui nous plaise

Nous sommes enfants de la colère
Filles des nuées, maitresses des vents
Marquant de nos pas flamboyants
Les limites du monde de l’Ether.

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juillet 15

L’estaminet des naufragés

Dans les bas quartiers d’Ombrelune
Danse la plèbe débraillée
Partout on peut s’encanailler
S’enivrer ou chercher fortune

Sous les vieilles voutes de pierres
S’entassent brutes et coquins
Grands voyageurs et musiciens
En quête de bonheurs éphémères

Il y a là la belle Saréla
Danseuse au corps toujours mouvant
Qui vous compte tout en ondulant
Ce qui la fit tomber si bas

La douce avait un prétendant
Qui lui contait monts et merveilles
Et disparu dans son sommeil
La veille des noces, au jour levant

Devant le bar se tient Bert
Aventurier des terres du Nord
Que l’appétit pour les trésors
A poussé trop près des Enfers

Il boitille sur sa jambe de fer
En recomptant ses pièces d’or
Maugréant sur le mauvais sort
Noyant sa morgue dans la bière

Dans un recoin dissimulé
Se tient la bande de Dermignon
Menteurs, voleurs et maquignons
La vilénie personnifiée

Toujours sur un coup fumant
De tous les complots, les braquages
Ces spécialistes en filoutage
Craignent la potence à tout instant

Dans cette faune alcoolisée
Je louvoie silencieusement
Tel une ombre, glisse lentement
Vers une table isolée

Je viens ici pour m’oublier
Faire taire mon âme et ses plaintes
Avec les espérances défuntes
De ceux que l’on a rejetés

Comme eux j’ai perdu tous mes rêves
Brisés sous le poing du malheur
J’attends que vienne ma dernière heure
Et qu’enfin mon histoire s’achève.

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juin 24

Mirage antique

Dans une tour aux mille marches
Sur une terre abandonnée
D’étranges chants sonnent sous les arches
Bribes de souvenirs oubliés

Ces fragments de mémoire volètent
Dansent en tous sens, en liberté
Au cœur d’un monde où tout s’arrête
Ravivant les feux du passé

Dans ce silence de mausolée
Résonnent odes et lamentations
Eclats de joie, belles amitiés
Passions intenses, rêves profonds

Ces sons venus du fond des âges
Se mêlent à la réalité du monde
Tissant le somptueux plumage
D’un oiseau lyre à la crête blonde

Le chant de l’oiseau merveilleux
Fait vibrer la trame du ciel
Ouvrant un passage fabuleux
Vers des étoiles immatérielles

Lorsque l’oiseau déploie ses ailes
Faites de voiles éthérés
Tout un univers se révèle
A qui veut bien s’émerveiller

Etre des songes, fleur de mon âme
Laisse-moi contempler ton iris
M’abîmer dans sa divine flamme
Pour m’extraire enfin de l’abysse

Je veux retrouver les nuées
Quitter ce fleuve de souffrance
Ne plus m’abreuver au Léthé
Combler pour toujours cette absence

Mes rimes sont pâles ombres de ton chant
Mes mots si faibles face à tes trilles
Phébus éternelle inconstant
Qu’en moi, à nouveau, ton feu brille

Laisse-moi encore charmer de mon sang
Reines et rois de toutes les contrés
D’un ultime trait d’esprit charmant
Sceller les anciennes amitiés.

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mai 3

Calice des Maudits

A l’aube des premiers temps, dans la jeunesse du monde
Lorsque les premières lunes la nuit resplendissaient
Dans un antique temple où je m’aventurais
Trônait une relique plongée au cœur de l’onde

Curieux et intrigué j’approchai du trésor
Tendant vers l’objet une main hésitante
Jusqu’à presque toucher la merveille brillante
J’aperçu tout soudain un brulant météore

L’étoile fendait le ciel comme un avertissement
Une divine mise en garde devant mon intérêt
Ma soudaine passion pour cet étrange objet
Les cieux me menaçaient en ce crucial instant

Alors que je saisi le mystérieux calice
L’astre s’évanouit, dissimulant ses feux
Des fantômes apparurent, figés, devant mes yeux
Tous tenant la coupe, d’un bizarre mimétisme

Entrainé par mon geste, je portai à mes lèvres
Le surprenant calice, soudainement assoiffé
J’avalais goulument une grande gorgée
Et mon esprit s’ouvrit comme le jour se lève

Je reconnu chaque forme comme étant de mes pairs
Frères et sœurs à l’âme depuis lors marquée
Par l’eau de cette coupe et ses propriétés
Compagnons d’infortune aux destinées amères

Tels des Prométhée nous volâmes aux dieux
Un savoir interdit, une connaissance cachée
Nous ouvrant un accès aux mondes dissimulés
Nous liant par là même à un sort malheureux.

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avril 18

Figé

Le réel m’entrave de ses lourds liens d’acier
M’éloignant de ma plume et de mon encrier
Chargeant chaque heure qui passe d’amertume, de conflits
Enchaînant mes passions, les vouant aux gémonies

Les rêves fuient mon chemin, me privent d’illusions
M’enlèvent le merveilleux, assèchent mes émotions
Ne restent que colère, triste désenchantement
Délesté de ses songes mon cœur devient méchant

Je confine au cynisme, moquant, grinçant des dents
Charge mes mots d’acide, d’acerbes ressentiments
Je jalouse les rêveurs, éternels innocents
J’envie leurs belles rimes, leur prodigieux talent

Je traine comme un poids mort mon âme emprisonnée
Dans un carcan de fer et de regrets mêlés
Mon esprit se repait de futiles distractions
Pour mieux tromper le vide, atroce sensation

Lorsque les chants se taisent, que la flamme s’éteint
Le néant conquérant reprend son lent dessein
Il ronge peu à peu barricades et armures
Leurrant ses partisans d’un renouveau futur.

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