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L’Orchidée Pourpre – extrait

Un petit extrait d’une nouvelle sur laquelle je travaille en ce moment:

Lorsqu’il entra dans la pièce, la première chose que remarqua l’inspecteur Reginald Stout était le désordre. Les meubles étaient renversés, des papiers éparpillés dans tous les coins et de nombreux éclats de céramique encombraient le sol.

« Eh beh, pas très ordonnée pour une fée ! » Lança-t-il au sergent Fueler.

L’autre haussa simplement les épaules. Fueler était un authentique descendant du peuple nain, bourru et peu enclin à l’humour pendant ses heures de service, surtout si les traits d’humour venaient de Stout. Depuis qu’ils étaient amenés à collaborer, le farfadet s’était habitué à l’humeur maussade du nain. Aussi ne se formalisa-t-il pas de cette absence de réaction. Fueler ne semblait pas comprendre qu’un trait d’esprit pouvait alléger un peu l’atmosphère pesante qui régnait lorsqu’ils se rendaient sur une scène de crime.

Tirant une cigarette de son paquet, Stout la porta à ses lèvres et se concentra sur ce qu’il avait sous les yeux. Le jour se levait à peine et ses yeux fatigués le brûlaient.

Comme à chaque fois qu’il était de permanence nocturne, les choses se passaient mal. Il avait passé une bonne partie de la nuit à remplir des rapports administratifs à son bureau avant qu’une patrouille n’appelle le poste, au petit matin. Dès qu’il entendit la voix du collègue résonner à la radio, Stout sût que sa journée ne faisait que commencer. Une patrouille avait été appelée dans un quartier plutôt calme par des résidents inquiets. Quelque chose se passait chez leur voisine. Ils avaient entendu des cris et des bruits d’objets qui se brisent. Le standardiste avait tenté de les apaiser jusqu’à ce qu’ils lui communiquent le nom de ladite voisine : Valfuria Sonatine, plus connue sous le pseudonyme de l’Orchidée Pourpre. Ce nom avait retenti comme une explosion. Aussitôt, l’opérateur avait transmis l’adresse à une patrouille qui avait filé sur place toutes sirènes dehors. L’Orchidée Pourpre était une vedette montante issue de la communauté des fées et son dirigeant était très influent, cela malgré l’écroulement du royaume des rêves et l’exil des créatures merveilleuses dans le monde des humains.

Aux balbutiements de l’officier, Stout avait détecté que l’affaire était grave. Aussi ne fut-il pas surpris lorsqu’il fut envoyé sur place. Et voilà pourquoi, alors que le jour se levait, il se trouvait dans un appartement luxueux, en train d’observer une pièce en désordre plutôt qu’à savourer un alcool de baies installé dans son fauteuil favori.

S’extrayant de ses pensés, l’inspecteur Stout se redressa et interpella l’un des officiers arrivé en premier sur les lieux.

« Léonide, tu as prévenu Simon ? »

« Oui, inspecteur. Le légiste est en route. » répondit le gnome en uniforme.

« Je crains qu’il n’y ait plus que lui qui puisse faire quelque chose pour cette belle plante. »

En effet, devant les yeux dorés du farfadet s’étalait le splendide corps diaphane de la fée. Elle était allongée sur le sol, enveloppée dans une nuisette de dentelle légère, les lèvres ouvertes sur un cri muet. Une profonde entaille courait de la base de son cou vers sa poitrine d’où son sang translucide s’écoulait lentement, engluant ses ailes diamantines déployées sur le parquet. Le petit rubis qui ornait habituellement son front avait été arraché et demeurait invisible. A sa place s’ouvrait un trou béant dans le crâne de la belle.

Stout détourna le regard quand un nouveau venu fit son entrée dans la pièce. Le docteur Simon Leary était un humain pure souche mais il avait volontairement décidé de travailler avec les peuples merveilleux. Aussi, et contrairement à ses congénères, avait -il rapidement attiré la sympathie de ceux qui avaient affaire à lui.

« Salut Regy. Sergent Fueler… »

« Salut Simon. La cliente n’est pas ordinaire. Alors si tu pouvais faire vite… »

« Ne t’inquiète pas, Reg. Je sais ce qu’il se passe si l’on tarde trop avec les fées. Un instant elles sont là et le suivant il ne reste que de la poussière de lune… »

Le légiste enfila une paire de gants et sortit une bombe aérosol de sa sacoche. Il se pencha ensuite sur le cadavre et vaporisa quelques gouttes de son spray vers le corps de la défunte. Une fine couche de cire se déploya, enveloppant le cadavre comme dans une toile et durcit rapidement, empêchant son évaporation. La nature volatile et insaisissable des créatures fantastiques avait obligé les humains à mettre au point quelques stratagèmes pour les empêcher de disparaître.

Une fois sa vaporisation terminée, Leary se releva et prit de nombreuses photos en détail du corps et de la chambre. Puis il emballa délicatement le cadavre dans une housse de transport et le transféra dans son véhicule, avant de prendre la direction de la morgue.

« Je te donne mes conclusions aussi vite que possible, Regy. » Dit-il avant de démarrer.

« J’y compte bien. Je finis ici et je te rejoins directement dans ton antre. » Répondit le farfadet en rajustant son chapeau.


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Ecrit 3 mars 2015 par Damian dans la catégorie "Eclats d'âme", "Extraits

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