mai 18

Aes sidhe

Dans le triste chaos d’une grise cité
Aux murs lézardés par le temps et l’usure
J’erre, pantin mutique, dans la fange et l’ordure
Courant après un spectre, mirage d’un être aimé.

D’une illusion à l’autre, je titube, sans repos
Bercé par un espoir, délirant, hypnotique:
Celui de la revoir, ma chimère, mon unique
Et de trouver enfin ce qui me fait défaut.

Dans cette ville éteinte, la vie se fait absence;
L’écho seul de mes pas résonne à mon oreille.
Pourtant je suis un son d’un éclat sans pareil,
La cascade musicale d’un rire dans ce silence.

« Tu l’as laissée partir! » crie mon cœur blessé;
« Alors que tu sentais émerger l’émotion! »
Ce creuset passionné me traite de bouffon
Alors même que je cherche l’issue pour m’amender.

Sous le ciel inclément versant une pluie saumâtre
Je poursuis cette quête, refusant de plier.
Je m’échine, m’entête à chaque difficulté
Méprisant les obstacle, persistant à me battre.

Si je demeure ainsi dans mon obstination,
C’est parce que je ne puis un instant oublier
Le baume qu’à offert à mon essence brisée
Cette discrète sidhe au regard profond.

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mai 9

Hanté

Sur les ailes d’un oiseau arpentant les nuées
En route pour le domaine où plongent mes racines,
J’ai croisé le chemin d’une étrange Mélusine
Qui d’un éclat de rire a mon cœur engeôlé.

Instants divins et simples où nous pûmes deviser
Tout deux, nous commençâmes à nous livrer un peu.
Les eaux de son regard brillant de mille feux
Lentement m’envoûtèrent pour ne plus me quitter.

Hélas, le charme prit fin, le temps reprit son cours
Ma craintive nature, l’infâme, me rattrapa.
Au terme du voyage, je l’abandonnait là
Sur les rives de cette ville où sombrent les amours.

« Faible! Vil couard! Tu t’en repentiras! »
M’apostrophe mon cœur en son feu ravivé.
Cette erreur me consume, plaisamment attisée:
Ses yeux couleur d’émeraude me brûlent de leur éclat.

J’en appelle aux puissances régissant l’univers:
Accordez-moi la chance de corriger ce choix!
Laissez-moi humblement revenir sur mes pas,
Révéler à la belle l’émotion qui m’enserre!

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avril 24

Ys

Il est un océan d’étincelantes couleurs
Où mon âme sans repos aime venir se noyer;
Le jaspe et l’émeraude ses eaux ont colorés,
Mêlant leurs milles nuances en flot enchanteur.

Son onde au gré des vents se trouble et puis s’agite
Parsemant sa surface de vagues aux crêtes d’argent.
Dans l’abysse profond se forment des courants
Comme le cri silencieux des forces qui l’habitent.

Tantôt tempétueux ou bien calme mer d’huile,
Dans sa contemplation, toujours, je me perds.
En cet étrange havre, quelque magie s’opère
M’abreuvant de visions, telle une antique sibylle.

L’énergie bouillonnante sous le paisible espace
Régénère mon corps si souvent affaibli.
C’est une cure de jouvence, une secrète alchimie
Qui me lie à ce lieu où les douleurs s’effacent.

J’abandonne sans honte bien des heures de ma vie
Contre quelques instants perdu dans ce miroir.
Il est si fascinant, ce merveilleux regard;
Jamais je ne me lasse de me plonger en lui.

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avril 20

Le Voyageur

Absorbé par l’éclat des astres au firmament
Le regard attaché à la voûte céleste
Le poète se rêve loin du monde terrestre
Onirique météore vers l’Éther filant.

Dans le feu des étoiles il cherche une lumière
Pouvant rivaliser avec les grands yeux d’or
D’un être merveilleux, un ange ayant pris corps
Dissipant ses ténèbres comme une brise légère.

De sa plume il invoque la secrète déesse
Qui d’un battement de cils chavirerait son cœur
Il lui prête les traits délicats, enjôleurs
De mille demoiselles, lavandières ou duchesses.

Il emprunte aux comètes quelques fils d’argent
Pour tisser à sa belle une royale parure
De gemmes fantastiques dont les eaux sont si pures
Que la nuit dans ses voiles les garde jalousement.

C’est là son seul plaisir, sa seule fantaisie,
Esquisser un portrait, s’inventer un amour
Car depuis bien longtemps, presque depuis toujours
Il erre seul sur les voies que lui tracent la vie.

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mars 13

Euryale

Une nuit caniculaire baignée d’astres sanglants,
Tout mon être poissé de fiévreuses visions,
Je bondis hors des songes comme d’un abîme profond
La cervelle enflammée, le cœur trop palpitant.

J’avais suivi dans l’Ombre une voie dissimulée
M’aventurant bien loin des féeries coutumières;
Perdu dans mes pensés, j’ignorai les frontières
Que nul ne doit franchir sans en être marqué.

Sans le savoir, j’errai aux portes de l’Hadès,
N’accordant à ses spectre une once d’attention
Lorsqu’un souffle subtil montant hors des tréfonds
Glissa sur mon épaule l’esquisse d’une caresse.

Ce frôlement silencieux porta en mon oreille
Le frissonnant murmure d’une voix oubliée.
Je levais le regard, mon esprit ébranlé
Par le souvenir vague d’une femme sans pareille.

Je me trouvais saisi de la découvrir là
Alors que, comme tant d’autres, elle n’était que chimère.
J’avais vu son essence se perdre dans l’Éther
Lorsqu’elle avait croisé la maîtresse du Trépas.

Ma plume l’avait pleurée longtemps, inconsolable
Et j’avais tant souhaité un instant la revoir
Que cette vibrante empreinte en ces lieux de cauchemars
M’emplit le cœur d’effroi, faiblesse insupportable.

Je tournais les talons, ce spectre sur mes pas
Sentant sur mon échine courir ses doigts glacés;
La belle des ténèbres cherchait à m’agripper,
M’entraîner dans un monde où la lumière ne va.

Une promesse brisée, la cause de son ire;
Moi, coupable parjure, fuyant ma punition;
Je touchais aux limites de ma faible raison;
Seules les portes du Songe pourraient me secourir.

Je quittais avec force ce rêve enténébré
Et, atteignant l’éveil, j’ouvris les yeux, pantelant
La nuque me brûlait comme au feu d’un volcan
Depuis lors, je demeure sans repos, l’âme hantée.

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mars 5

Belle à sa fenêtre

Lorsqu’un blême soir d’hiver, dans ce bus désolé
Où m’avait déposé l’ombre d’une vie d’errance,
Je surpris le reflet d’une détresse intense
Sur les traits d’une belle à la candeur fanée

Il me vint en mémoire un souvenir fugace:
Un visage aperçu pendant un bref instant,
La grâce d’une épaule au contour attrayant
Et l’eau bleu d’un regard qu’un léger voile efface.

Répondant en écho à cette apparition
Comme sur une onde claire s’étendent les ridules,
Mon cœur fit un écart, tintant comme pendule,
Soumis à une ancienne et vibrante émotion.

Mon esprit fit renaître l’atome d’un parfum,
Une fragrance enivrante aux arômes uniques;
Agrumes, citron doux… Mélange magnifique!
Sa seule propriétaire au malheureux destin…

Le claquement d’un ressort sonna dans ma poitrine
Alors que jaillissait l’histoire de cette beauté.
Oh, toi, si tendre spectre de ces temps reculés,
Qu’est-il donc advenu de ta personne divine ?

Nous étions jeunes alors, si jeunes et insouciants…
Prêts à tout nous promettre, ne jamais oublier.
Le Temps nous a trahis, l’existence est passée
Emportant avec elle nos amours d’enfants.

Toi qui doit être une autre, qu’es-tu donc devenue?
Toi qui était mon autre, ma charmante ingénue…
Par delà cet abîme que les siècles ont dressé,
Je songe à toi, ma chère, ma troublante Alithée.

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février 12

Horlaïs

J’ai souvent chaviré sous l’éclat d’un regard
Et abreuvé ma plume à l’encre de mon cœur;
D’un battement de cils vu s’envoler les heures
Lorsqu’une belle amie m’accordait quelque égard.

J’ai espéré ma vie peuplée de belles romances
Joué, compté fleurettes à quelques jolies fées;
Plus souvent qu’à mon tour me retrouvais blessé
Ayant vu s’effondrer de vaines espérances.

Au feu de mes souffrances, j’ai forgé mon armure
Et par des yeux amis identifié mes failles;
Parfois me suis nié, me suis livré bataille
Pour étouffer en moi jusqu’au moindre murmure.

J’ai voulu rejeter ma brûlante nature,
Devenir un rocher, silencieux, immobile,
Laisser glisser le monde et ses ombres futiles
Sur une peau minérale qui jamais ne fissure.

La roche n’a pas tenue, le pavois s’est brisé
A la première secousse d’une vive émotion.
J’ai volé en éclats, vu l’abîme profond
Où mon âme sombrait, distante, isolée.

J’entends encore parfois résonner en mon être
Les sinistres échos de la mélancolie.
Lorsque tombe sur moi un pesant voile d’ennui
De noirs essaims reviennent de mon mal se repaître.

Je m’enferme en moi-même, fuyant la société,
Ne voyant l’existence que comme un odieux bagne
Et ne me reste plus qu’une triste compagne
Consumant mon essence pour me mieux posséder.

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janvier 21

Fleur de Melancol

Dans un ancien manoir au charme suranné
Vivait une maîtresse femme, telle une princesse antique
Le cœur et l’âme baignés de sagesse mystique:
Fleur de Melancol, dame de belle renommée.

A l’écart du monde, en son vaste domaine,
Elle étudiait, dit-on, des vestiges oubliés
Pour apporter aux Hommes la connaissance passée
Apaiser les souffrances et alléger les peines.

Sur ses terres, nulle chasse aux êtres vagabonds.
Elle accueillait chacun, soulageait les fardeaux
Faisait soigner les plaies et circonscrire les maux
Usant de son savoir de la médication.

Pourtant nul ne savait pénétrer ses pensés.
La belle parcourait seule ses grands laboratoires.
N’accordant à personne les clefs de son boudoir,
Elle tenait farouchement à on intimité.

Un matin où les cieux avaient porté tempête
Dans ses jardins gisait une pâle créature.
Une silhouette humaine dont l’étrange ossature
Semblait toute poudrée de poussière de comète.

Fleur de Melancol la fit mener céans
A l’abri du manoir, dans une chambre orpheline.
Elle réchauffa les chaires toutes teintes d’opaline
Alors la vie revint à cet agonisant.

Consacrant chaque jour à sa convalescence,
La dame se négligea, assistant sans répits
L’être venu d’ailleurs, brûlant son énergie
Jusqu’à y consumer les feux de son essence.

Le mystérieux malade, peu à peu, s’éprit d’elle
Mais alors qu’il allait lui dire toute sa pensée
La belle s’effondra, par le mal terrassée
Consciente que le Sort jouait un tour cruel.

Les yeux emplis de larmes dans la douce lumière,
Un sourire éclairant son visage angélique,
La dame baptisa son amant féerique
Rendant son dernier souffle sans une parole amère.

Longtemps encor vécu l’étrange voyageur,
On peut l’apercevoir le soir au clair de lune.
Il chante vers les astres de la belle l’infortune;
Jamais il n’oublia celle qui sauva son cœur.

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janvier 8

Splendens

Par delà les brumes pâles qui recouvrent le monde,
Entre les grises volutes qu’habille l’obscurité,
Pour qui sait voir plus loin que ce voile léger
Scintille la lumière d’une aube plus profonde.

Dans cet autre univers tout auréolé d’or
Chaque être brille d’une flamme où dansent mille couleurs.
Au gré des émotions leurs feux rayonnent sans heurts
Et les nuits sont ornées de sublimes aurores.

En cet étrange lieu où chaque mot est musique,
Où toute vie s’accorde à la Grande Symphonie,
Il est une île paisible où l’âme s’épanouit
Et s’abreuve à la source de sagesses antiques.

Sur cette secrète terre, parfois, je m’aventure
pour côtoyer les muses et apaiser mon cœur.
Tant de merveilles cachées y révèlent leur douceur,
Offrant aux égarés des baumes pour leurs blessures.

Ce havre abrite une fée, charmante souveraine
Qui accueillit un jour un roi à l’agonie.
Ce vieillard de passage jamais ne repartit
Tant il fut séduit par l’hôte et son domaine.

A la cour de cette reine demeure une humble dame,
Une perle d’empathie au teint rose et nacré.
Des le premier instant où je l’ai rencontrée
Mon essence se fit sienne, ma peau son oriflamme.

L’errance m’a poussé si loin de ces rivages
Dans la lueur opaque d’un pesant demi-jour.
Pourtant, j’espère encor rejoindre mon amour,
Lui offrir les cieux en un vibrant hommage.

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décembre 28

Möbius

Vous souvient-il d’un soir lorsque, jeune âmes encor,
Devisant près d’un lac où fleurissent les ajoncs,
Je vous fis un aveu, l’œil brûlant de passion,
Révélant aux étoiles un songe en plein essor.

Un serment prononcé qui vous vit faire silence
Et plonger en vous-même pendant de longs instants.
Mon cœur impétueux manqua un battement
Suspendus à vos lèvres mille joie? mille tourments ?

La Lune en est témoin, jamais je ne dédis
Ce paroles que vous fûtes la seule à écouter.
Au cours de tous ces siècles, de toutes ces vies passées
Cette secrète promesse, jamais je ne rompis.

Tant d’heures s’écoulant passées à vous attendre,
A guetter votre approche, le bruissement de vos pas…
Nul billet, nulle missive, de l’éveil au trépas,
Les murmures même du vent ne purent rient m’apprendre.

Alors, un jour, à bout, de l’inaction lassé
Je cédais à l’ivresse, étreignant d’autres bras.
Une sirène, puis deux vinrent partager mes draps.
Perdu dans leurs regards, je vous ai oubliée.

J’ai repris ma parole, délié mon serment,
Recommencé à vivre, loin de votre fantôme.
Quelques belles attentions à mon cœur furent un baume.
Mon esprit s’allégea de cet antique tourment.

Pourtant, certaines nuits, lorsque coule la brume,
J’aperçois sur le banc près des eaux miroitantes
Le spectre de ce soir où mon âme naissante
Vous révéla le feu qui , encor, la consume.

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