Iris
Vous souvient-il, chère amie
Du soir où votre cœur faiblit
Vous chancelâtes dans mes bras
Perdue par quelque vif émoi
Vos yeux dont le mauve se voila
Quels autres cieux virent-ils là ?
Pour ne point vous voir à terre
Je maintins votre taille légère
Et contre mon épaule virile
Reposait votre cou gracile
L’ébène de votre chevelure
Rehaussant votre pâle nature
Pour vos couleurs retrouver
J’ai votre gorge libérée
Du carcan de votre col droit
L’ouvrant un peu plus pour cela
C’est là que le sens m’a manqué
À l’éclat de cette peau nacrée
Au creux de ce cou palpitant
Sans remords j’ai plongé les dents
La divine liqueur carmin
Attisant largement ma faim
À la fontaine de votre vie
Je me suis goulûment servi
Un frémissement de vos doux cils
Me surprit en cet acte vil
Dans vos yeux je vis la frayeur
À leurs bords l’esquisse de pleurs
Saisi par une grande émotion
Je sus mon abomination
Et comme au sortir d’un cauchemar
Me détournai de vos regards
J’appliquai une main sur vos plaies
Leur sang bien vite coagulait
Et vous voyant vous ressaisir
Je vous priai de me maudire
À ma surprise vous n’en fîtes rien
Plaçant sur mon bras votre main
D’une parole vous m’absolviez
Et d’un doux geste vous me sauviez
Si je rappelle ce souvenir
C’est qu’il me fait bien trop souffrir
N’aurai-je point dû vous achever
Plutôt que comme moi vous damner?