Eternel
Sur une côte de granit balayée par les vents
Une triste chimère se tient face à la mer
Dans son pâle regard brulent des larmes amères
Le poids des souvenirs, les blessures du temps
Cherchant sur l’horizon une étincelle d’espoir
La créature se laisse fouetter par les embruns
Une question l’obsède, toujours sur son chemin
Occultant son jugement, l’enveloppant d’un voile noir
« Suis-je seul de cette espèce, essai infructueux? »
« Un songe abandonné dans ce monde tragique? »
« Quel est donc mon rôle dans cette farce inique? »
« Suis-je donc condamné à vivre malheureux? »
Dans son crâne s’entrechoquent ces interrogations
Jour et nuit elles tournent, rongeant lentement son âme
Epuisant peu à peu son essence de leurs lames
Car même depuis les cieux personne n’y répond
Lassée de ce manège, regardant vers le vide
La chimère a franchi le bord de la falaise
Sur les pics rocheux elle jette son malaise
Abandonnant la lutte, elle choisit la fuite
A peine a-t-elle senti son corps se déchirer
La douleur se répandre dans son moindre fragment
Qu’aussitôt elle retrouve les morsures des vents
Sur le bord du gouffre elle a été ramenée
Il ne reste de sa chute que quelques cicatrices
Un désespoir profond d’être toujours ici
Ses fautes oubliées la condamnent à la vie
Elle qui voudrait trouver une mort salvatrice.