juin 8

Gisant

Sous une pluie froide et battante
L’un après l’autre ils s’en viennent
Jeter un peu de terre ancienne
Dans cette fosse, valse lente

Plus tôt, l’un des leurs est tombé
Laissant en eux un vaste vide
Défilé de visages livides
Sinistre sort, fatalité

Parfois l’un laisse plutôt une fleur
Pétale blanc sur sol sombre
Eclat brillant sur un voile d’ombre
Dernier hommage venu du cœur

Au dessus du tertre est posée
Une vaste dalle de lourde pierre
Surplombée, gardant ses mystères
Par l’image de l’inhumé

Taillée dans une roche massive
Ce gardien semble s’émouvoir
Mais sans moyen pour se mouvoir
Il reste figé loin des rives

Pourtant lorsque le jour s’éteint
Et que s’éloigne la procession
Une inexplicable émotion
Déforme ses traits inhumains

De ses yeux de granit peints
S’écoulent des larmes, gouttes de pluie
Mêlées à l’averse qui finit
Que personne ne verra demain

Devant sa dernière demeure
Le défunt chaque nuit sanglote
Et sans bruit ses lèvres tremblotent

Il pleure sa famille perdue
Pour qui il est disparu
Il reste seul, dans son horreur.

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juin 4

Vanité

Sous mes yeux fatigués, brulés par le soleil
Lentement tombent les restes d’une civilisation
Murs brisés, temple en ruine, fer et rocs à foison
Carcasses étendues dans un dernier sommeil

Les immeubles éventrés livrent dans un soupir
Leurs entrailles secrètes, ouvertes à tout venant
De grands panneaux de verre hier resplendissant
Retournent à la poussière sans même un souvenir

Des désirs de grandeur d’une race orgueilleuse
Ne restent que débris et structures corrodées
Le temps, les éléments auront tout dévoré
Ne laissant presque rien d’une cité ambitieuse

Depuis l’aube des temps la grande espèce humaine
Voudrait tout conquérir pour régner sans partage
Repoussant les limites jusqu’à ce grand naufrage
Où noyée sous le sable la Nature la réfrène

Au cœur des flots du Temps, chacun veut faire sa marque
Laisser dans les mémoires son invincible empreinte
Nous qui ne somme rien, poupées d’argile peintes
Cherchons tous les moyens pour échapper aux Parques

Nous gonflons nos egos, désirons maitriser
Des forces qui nous échappent pour nous diviniser.

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juin 2

Danseténèbres

Il est un lieu maudit où règnent obscurité
Mauvaises énergies, chaos, cacophonie
Au bout d’une voie sinistre, empoisonnant la vie
Au cœur d’un gouffre infâme empli de noirs pensées

C’est la dernière demeure pour les âmes amères
Que la rage dévore, nourrissant leur brasier
Rejetant dans les flammes leur culpabilité
Pour mieux se consumer au feu de leur colère

Sur une colline abjecte trône un sanglant autel
Où l’on broie et déchire les chairs d’un condamné
Coupable simplement de s’être égaré
Ses pas l’on entrainé vers les pleurs éternels

Ses viscères sont servis dans un grand plat de fer
Noirci par la cendre dont le sol est jonché
C’est l’horrible repas des esprits affamés
Qui gravitent en ces lieux, antichambres d’Enfer

Au pied d’un monticule ou s’empilent les charognes
Dansent des ombres frénétiques dans un glorieux sabbat
Chantant leurs louanges à l’oreille de leur Roi
Le Maître des Douleurs, le Seigneur MasseCogne

Toute cette sinistre foule n’œuvre que pour servir
Ce rejeton dément des entrailles infernales
Dont un seul regard peut vous être fatal
Cette grande assemble ne cherche qu’à vous nuire

Si d’aventure une nuit vous croisez ce chemin
Faites vite demi tour, fuyez vers le levant
Laissez dans votre dos ces êtres chahutant
Courrez à perdre haleine, Danseténèbre vient!

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mai 30

La mort de l’innocence

Sous un rayon de Lune brille le champ de neige
Blancheur immaculée où dansent des gouttes d’argent
A la lisière du bois, une biche au doux flanc
S’avance lentement, guettant le moindre piège

Elle a longtemps couru, à travers les fourrés
Frémissante, en alerte, attentive à chaque bruit
Sentant les prédateurs se glisser dans la nuit
Evitant leur présence pour moins les attirer

Un sabot après l’autre elle ose s’aventurer
Sur cet espace vierge qu’aucun souffle ne trouble
Prudemment elle progresse, de vigilance redouble
A travers ce désert de sensations glacées

Soudain, dans le lointain, résonne un claquement
Surprise, la tendre bête se fige, clignant de l’œil
Les naseaux frémissant, cherchant parmi les feuilles
L’indice qui révélera l’invisible assaillant

Dans un battement de cils l’animal s’effondre
Sans comprendre, elle râle, rend son dernier soupir
L’encolure percée, trace noir sur son cuir
Laissée par une balle qu’un homme vient de fondre

Alors que l’aube se lève, la biche a trépassé
Fendu de part en part, son cœur agonisant
Répand sur la neige fraiche la chaleur de son sang
Et l’assassin s’avance pour prendre son trophée

De sa besace il sort une coupe d’acier
L’appliquant sur la plaie, il prélève son dû
Puis la porte à ses lèvres et savourer, repu
La vie de l’innocence qu’il vient de sacrifier.

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mai 25

Dame Fortune

C’est une lame avide aux tranchants affutés
Sur l’un on lit « Justice », sur l’autre « Vérité »
Le symbole légendaire d’une divinité
Dont le regard est vide et le sens émoussé

Coupable ou innocent, tous périssent sur son fil
Hommes sincères ou menteurs, personne n’est épargné
Son jugement fait loi, sa voix incontestée
Mais sont aveuglement fait craindre maints périls

On la dit impartiale mais elle peut être achetée
Par tous les puissants qui disent la servir
Ne cherchant qu’un moyen de plus pour s’enrichir
Elle devient marionnette dans leurs mains entachées

En son nom le sang coule, le frère tue le frère
Les nations s’y conforment pour mieux la trahir
S’en prenant l’une à l’autre plutôt que de s’unir
Tous s’empoignent et se meurent pour la bien satisfaire

A ses mots l’on se plie pour ne point succomber
Et l’on fait étendard de son glorieux blason
Devant sa volonté on est que moucheron
Rejeté dans la fange par son poing d’acier

On lui prête mils rôles: honneur, fierté, patrie
Droit divin, main de Roi, ordre ancien ou nouveau
Elle n’est que paravent pour nos si grand égos
Le masque vertueux de notre hypocrisie.

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mai 19

Ode à la nuit

Lorsque se voilent les cieux de noir
Piqueté de gemmes lumineuses
Et que les visions merveilleuses
S’épanouissent, quand vient le soir

Lorsque la voûte est constellée
De mils fragments de miroir
Que tant de rêves emplis d’espoir
Fleurissent à l’esprit fatigué

Mon cœur se met à s’agiter
Et je sens mes ailes disparues
Dans leur prison de chair nue
Tenter de battre pour s’envoler

Mon essence se souvient alors
De sa nature aérienne
Une légèreté très ancienne
S’empare soudain de tout mon corps

Je veux voler dans cet azur
Sous les étoiles batifoler
Retrouver cette liberté
Que porte une âme de forme pure

Je veux retrouver les éthers
Les charmes simples et certains
Voguer dans les flots aquilins
Si loin de ce monde de poussière

Mon enveloppe argileuse
Se fendille lorsque vient la nuit
Et réveille en moi des envies
D’errances apaisantes, bienheureuses.

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mai 19

Séléné maudite

Quand la Lune opaline dans les cieux s’arrondit

Que sa lumière blafarde domine l’obscurité

Eclairant la campagne d’un voile éthéré

Mes sens exacerbés m’annoncent une longue nuit

Mes nerfs se contractent, me rendent électrique

Je deviens foudre, mon cœur battant comme tonnerre

Emplit de son fracas ma tête toute entière

Tout mon corps résonne sous ses coups frénétiques

Dans mon esprit s’emmêlent les songes oubliés

Les mondes imaginaires s’entrechoquent en vibrant

Se brisent comme cristal, dispersant leurs fragments

Emplissant ma cervelle de débris par milliers
Sous les assauts furieux de cette vague, dans l’air

Ma chair se délite au rythme des roulements

Mes os dansent la gigue, craquent sinistrement

Et mon sang s’évapore, brûlant dans l’atmosphère

Je ne suis plus qu’une onde, un sursaut démoniaque

Un ouragan humain, ardent, dégénéré

Un typhon d’énergie longtemps accumulée

Qui pourrait consumer l’Enfer d’une claque

Rien ne peut m’apaiser, tout acte devient torture

Je fuis mon écritoire, honnissant mes pages vides

Je maudis les humains, mes congénères avides

Je redeviens ermite, quand reviennent les murmures
L’inquiétant occupant de mon miroir obscur

Se manifeste alors, m’inondant de pensés

Me glissant des horreurs et des insanités

Pour mieux rire de moi, raviver mes blessures

Alors recommence une valse morbide

Où j’empoigne mes peurs, mes défauts avérés

Pour mieux les enfouir dans un noir mausolée

Le sinistre caveau de mon double putride.

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mai 12

Coven

Dans le ciel resplendit la déesse Cybèle

Parfaite sphère d’ivoire dans la nuit étoilée

Elle est notre fanal, étendard argenté

Liseuse de destinées attendant ses fidèles

 

La voûte aux sept piliers irradie de lumière

Au cœur des bois obscurs où elle fût érigée

Et sur chacun des trônes un pair s’est installé

Attendant le signal pour célébrer ses frères

 

Longtemps fût oublié ce rituel païen

Fruit des règles secrètes régissant l’univers

Lorsque les premiers êtres vénéraient la terre

Et se réunissaient pour resserrer leurs liens

 

Au cœur de l’heptagramme mes amis m’ont placé

Reproduisant les gestes de prestigieux anciens

Sur mon corps ont laissé l’empreinte de leurs mains

Avec une lourde chaîne ils m’ont entravé

 

Bientôt dans le silence s’éleva leur prière

Dans la langue ancestrale des maîtres magiciens

Ils ont murmuré leurs craintes, leur chagrin

Brisant dans mon esprit leurs sceaux et leurs barrières

 

Et soudain s’est produit le miracle espéré

Une à une mes menottes sont tombés en poussière

Les forces me sont venues des entrailles de l’éther

De ma prison de chair mes frères m’ont libéré

 

Le temps est revenu d’accomplir ma mission

Dans ces époques troublées trop de dangers menacent

Devant mon héritage les voiles maintenant s’effacent

D’un ultime mot d’espoir je suis l’incarnation.

 

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mai 12

Félice

De votre doux pelage, sublime félidé

J’apprécie la caresse, le frémissement soyeux

Votre bas ronronnement m’est un chant mélodieux

Et vos minauderies un discours raffiné

 

Vous êtes si insouciant, libre et toujours tranquille

Le temps glisse sur vous, sans prise, effrayant

Vous laissant inchangé, inexorablement

Sa Majesté le Chat demeure sur son île

 

Dans un lent mouvement, leste, vous défilez

Méprisant la lumière, vous vous faites de nuit

Impassible, sur cette terre, vous abhorrez l’ennui

D’infimes vibrations ne cessent de vous guider

 

Créature malicieuse, avide d’indépendance

Vous marchez sur les toits, délicieux funambule

Trottinant joyeusement, poursuivant une bulle

Vous tolérez seulement notre encombrante présence

 

Lorsque le froid et l’eau tentent de vous saisir

D’un calme petit bond vous vous escamotez

Surgissant de nulle part, devant une cheminée

A la chaleur de l’âtre vous venez vous blottir

 

Devant vos grands yeux clairs s’ébattent mille mondes

Mais vous restez de marbre, toujours indifférent

Posant votre regard, peu vous importe quand

Sur vos esclaves humains s’agitant dans une ronde

 

Vous êtes une merveille, beauté faite animal

L’intelligence brille dans vos globes d’argent

Etes-vous bien de ce monde ou n’êtes que passant

Voyageur insouciant escortant les étoiles ?

 

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mai 10

L’Ancêtre

Le monde m’a vu naitre au creux de sa jeunesse

Alors que rien encore ne l’avait agité

Il attendait, paisible, ses enfant premiers nés

Prêt à leur enseigner son ancestrale sagesse

 

Mère, qu’ils étaient beaux, ces êtres encore purs

Façonnés dans la glaise sous un ciel radieux

Portant étoiles au front, lumière dans leurs cheveux

Parés des mille splendeurs de la Dame Nature

 

Ensuite vinrent les fils du roc et des montagnes

Forgeurs de merveilles extraites des sous-sols

Arborant des parures aux arabesques folles

Adoucissant leurs traits, la lourdeur de leur poigne

 

Tant d’autres après cela, chimères et créatures

Sylphes, dragons et fées, en une grande ribambelle

Bientôt tous rejetés par une espèce nouvelle

Issue de mils croisements: l’humain au cœur dur

 

En à peine une vie, tous les autres l’ont fuit

Battus ou exilés dans d’autres dimensions

Tant d’êtres se sont éteints sous sa domination

Seulement arrêtée par sa peur de la Nuit

 

J’ai vu tellement d’horreur, d’innommables actions

Perpétré par ces hommes, ces démons trop humains

Dans ma tour isolée, j’ai protesté en vain

Appelé les Ancêtres, imploré leurs visions

 

Devant leur cruauté, j’ai du briser mes vœux

Reniant ma réserve, je me suis condamné

J’ai envoyé sur eux ma colère, sans pitié

Pour que cessent les massacres, j’ai déchiré les cieux

 

Les quelques survivants sont repartis de rien

Apprenant à subir les lois de la Nature

Beaucoup ont succombé sans espoir de futur

Mais au fil des âges, ils ont appris le bien

 

Et moi dans la prison où mes frères m’ont jeté

Enchaîné où personne n’est jamais venu

Pour une simple leçon qu’ils n’avaient jamais eue

J’ai perdu la jouissance de mon éternité

 

Seuls me restent les rêves où je puis m’épanouir

Evoluer sans entraves au cœur de l’Ether

Contempler simplement les millions d’univers

Attendant que ce cycle me voit enfin mourir.

 

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