Mort et vif
Couché sur la pierre lisse de mon triste tombeau
Entre les bras glacés de Dame Solitude
J’écoute résonner le cri d’un noir corbeau
Qui égraine longuement ses mille vicissitudes
Ici-bas seuls demeurent l’Absence et le Vide
Mon esprit, mort pourtant, se peuple de pensées
Alors que les vers rongent mon cadavre livide
Mon âme prisonnière ne voit qu’obscurité
Tout ce que l’on raconte à propos du trépas
N’est que pure invention! Ni lumière, ni oubli!
Pour preuve ce caveau où l’on me déposa
Je ne l’ai pas quitté quand s’est enfuie ma vie
Dans mes sombres orbites nagent des rêves meurtris
Sous l’os de mon crâne s’entrechoquent les songes
Restant à mes cotés dans ma lente agonie
Ils sont pris dans la toile de ténèbres où je plonge
J’ai perdu la Beauté, j’ai perdu l’étincelle
Entrainant avec moi mes merveilleuses chimères
Mon unique bonheur, n’avoir mené ma Belle
Dans la terre grasse et lourde de cet odieux cimetière.