juillet 22

Fascination

Dans la bulle d’un rêve étrange et merveilleux
Au détour d’un voile à la teinte émeraude
Je surpris, allongée sur une dalle de pierre chaude
Une fascinante naïade au regard bienheureux.

Je me fis silencieux pour ne point déranger
Cette sublime créature à l’humeur nonchalante,
Saisi par son charme, sa beauté envoûtante.
Un regard de la belle eût mon âme emporté.

Je voulais me faire pierre, oiseau ou pousse d’herbe
Pour approcher un peu de cette apparition.
D’une caresse la frôler, lui voler un frisson
Effleurer furtivement sa peau pâle et superbe.

Mais le cœur me manquait. Craignant de la froisser,
De voir son beau visage de colère se creuser,
Je restais immobile, en pleine contemplation,
Ne sachant quelle étoile prier pour ce don.

Des éclats de lumière sur l’onde avoisinante
Venaient couvrir son corps de volutes cuivrée,
Sinueuses arabesques sur ses courbes posées,
Croisant ici ou là quelques encres vivantes.

L’ondine avait au flanc un mystérieux dessin,
Carte de ses merveilles à peine dissimulée.
Mes yeux y revenaient, sans cesse, comme happés,
Cherchant en ces symboles une réponse, en vain.

Le bruissement d’une aile dans un arbre voisin
Tirant soudain la belle de son assoupissement,
Elle me vit, s’empourpra, d’un geste se couvrant,
Et comme on tire un voile, disparut sur le champ.

« Pardonnez-moi, ondine aux yeux de jade et d’or,
Je ne suis qu’un errant dans ces contrés de songe.
Si je vous offensais, ordonnez, je m’allonge,
Et sur cette pierre, disposez de mon corps. »

« Votre aura était telle qu’elle me laissa transi,
Et qu’à l’eau de vos lèvres, je voulus m’abreuver.
Mes rîmes et mon âme sont ma seule monnaie.
Prenez, je vous les cède. Vous perdre, je ne puis. »

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mai 14

Madone

Ulysse eut-il vu ainsi sa Pénélope,
Ni aventure, ni guerre, fuse-t-il déshonoré,
Il n’est aucun navire qui eut pu l’emporter
Loin de sa dulcinée, pas même le Cyclope.

Hadès lui-même faisant à Orphée le pari
De ne se retourner qu’hors de son domaine
Pour mirer Eurydice nouvellement humaine
Que face à cette icône il eut cédé aussi.

Il n’est ni dieu, ni homme, devant tant de noblesse
Qui n’eut courbé le buste et rendu sa couronne
Pour un simple regard de cette douce madone
Et d’un tendre sourire saisir la caresse.

De Vinci devant elle renie Mona Lisa;
Don Juan en son enfer loin d’elle se morfond;
Sans cette Muse, le poète dans l’abîme se fond;

Mais voyez sa langueur, cette pleine mélancolie,
Ce voile de pudeur qui la drape et l’emplit…
Son âme ne se livre qu’à qui la chérira.

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mars 20

Esper

En un âge où mon être n’était qu’ombre et chaos
Dans cette ville souterraine peuplée de pâles âmes,
Un jour je t’ai croisée, lumière faite femme
Au cœur de ces ténèbres, brillante comme un flambeau.

Nous avions en commun une fugitive amie
Et nos routes se trouvaient pour la seconde fois.
Sur l’instant, trop pensif, je ne te reconnus pas
Mais tu m’as salué, approché et souris.

Ta longue chevelure couleur de blé bruni,
Ton regards dont l’éclat dissimulait la teinte,
Ta rayonnante aura dans cette grise Corinthe,
Tout en toi disait: « Viens, parles-moi, je te suis… »

Moi, prisonnier des noires brumes m’environnant,
Je n’ai rien su te dire, à peine t’ai-je regardée.
Ma bouche ne sut que taire ce qu’aurait exprimé
Mon cœur réchauffé par ton sourire aimant.

Que ne t’ai-je accueilli avec plus de douceur?
Qui sait ce qu’il advint si, cette fois, j’eus osé?
Puisses-tu lire ces lignes et bien me pardonner,
Accepter aujourd’hui ces vers en ton honneur.

Dans les opaques méandres de mon musée interne,
Tu sièges en bonne place parmi les heures heureuses.
Le si doux souvenir de ta flamme radieuse
Eclaire à tout jamais ce dédale aux murs ternes.

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mars 15

Beladonna

Dans le fond du tiroir d’un poussiéreux bureau,
J’ai trouvé, relégué parmi de vieux papiers,
Un portrait aux couleurs depuis longtemps passées
Vestige d’un autre temps, si vivant et si beau.

Le visage estompé d’une fugitive amante,
Regard de perles sombres, teint pâle, satinée,
Chevelure d’ébène en chignon relevé
Révélant une nuque délicate et troublante.

Avec elle dormaient mille souvenirs d’antan
De brûlantes passions, de cours enfiévrées.
Elle fût la gardienne d’un cœur déboussolé;
Oncques ne vit jamais de plus belle en son temps.

Depuis ce pâle cadre, cette beauté lumineuse
Fait surgir en mon sein de tendres émotions;
Toutes teintées de tristesse, mordantes comme tisons,
Et comme au premier jour ébranlent mon âme rêveuse.

Qu’est devenu l’amante lorsque l’amour à fui ?
A-t-elle voulu mourir? A-t-elle pardonné ?
Qui d’autre par son charme s’est laissé envoûté?
La belle vit-elle encor, heureuse, aujourd’hui?

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décembre 7

Minotaure

Dans une danse lente, cantate minérale,
Les jours passent, se ressemble, s’assemblent, identiques.
J’erre dans mon dédale, m’épuisant, apathique,
En quête d’une issue à ce monde carcéral.

A mesure que, sur moi, s’abat la froide saison,
L’air se fait plus rare, les évasions s’espacent.
Une ombre impitoyable d’un voile glacé m’enlace
Repoussant loin au large l’astre aux si doux rayons.

Une flaque bourbeuse me renvoi le reflet
D’un cycle répété, fait de fragments épars:
Quelques songes fanés; des voies où je m’égare;
Des serments oubliés, sièges de lourds regrets.

Bien peu de ces débris sont chargés de lumière;
De bien petits éclats imprégnés de gaieté.
Ils s’épuisent si vite, s’essoufflent, balayés
Par l’aveuglement creux d’illusions mortifères.

Dans ce morcellement se reflète une absence,
Un manque où cristallise l’insidieux germe du doute,
Un vide rongeant l’âme, poussant à la déroute
Mon être consumé par tant de dépendance.

Sans soleil je m’étiole, sans flamme je m’éteins;
Mon esprit n’est en paix que son gouffre comblé.
Où sont passés mes rêves ? Où les ai-je oubliés?
Suis-je de ceux que seule la tristesse étreint?

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août 17

Eole

J’ai vu tant de ténèbres et si peu de merveilles,
Tant d’ombres silencieuses et si peu de soleil
Que d’une noire humeur mon coeur reste marqué.
Une gangue mortifère que je souhaite briser.

J’ai trop longtemps eu mal, arpenté mes enfers,
Inhalé tant de souffre et de larmes amères
Qu’à présent je ne puis plus leur poids supporter.
J’aspire à d’autres lieux, une vie renouvelée.

Loin des miasmes putrides, de l’écoeurante bile,
Je veux m’émerveiller de sons, d’éclats subtils,
D’alléchantes saveurs, de couleurs rayonnantes,
Effacer la douleur par des joies apaisantes.

Une entité solaire débordant d’énergie
M’insuffle sa puissance, chasse ma léthargie.
Elle réveille en moi l’envie de liberté,
La soif de découvrir, de vivre et de rêver.

Sous son radieux regard, je sens mes peurs mourir,
Mes blessures passer et mes larmes tarir.
Sa détermination et sa ténacité
Ont ressoudé mon coeur et mes ailes déchirées.

J’attends l’instant propice, le moment de l’envol
Pour enfin m’élever, m’arracher à ce sol.

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juin 8

Hydres

Tant de questionnements, de craintes et de doutes!
Un maelstrom sans fin brouillant l’esprit, les sens,
Me coupe de mes songes et me ronge, en silence.
Incessante rumeur, d’où vient que je t’écoute?

Ta persistante danse sape mon énergie,
Me laisse sans repos, hagard, sans repères.
J’en oublie qui je suis. Lentement, je me perds.
Je ne sais certains jours si suis mort ou en vie.

Mes émotions, troublées, s’éteignent. Apathie.
La plume, l’encre, le beau, plus rien ne trouve grâce.
En moi tant de chaos que mon être se glace.
Mon coeur bat-il toujours ou bien tout est fini?

Suis-je capable encore de sentir, de vibrer?
Tout me semble trop fade, trop pâle, sans saveur.
Mon âme brûle-t-elle encore? Et le feu de mon coeur?
Vivre sans ressentir, est-ce encore exister?

Allons, cesse, tempête! Il me faut me reprendre!
Je veux revoir la Joie, l’Amour, la Beauté!
Les sentir en mon être fleurir et m’apaiser!
Hideuse morosité, je m’en vais te pourfendre!

J’ai trop vécu l’Ennui, le Spleen et la Tristesse!
Il me faut maintenant comme nippes les quitter.
Dès lors, s’ils s’approchent, je m’en vais les chasser
Pour qu’enfin, en mon âme, le bonheur renaisse.

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avril 12

Primasombra

Qu’il serait bon ce soir de m’en aller danser.
Humer les fleurs sauvages sous la voûte étoilée;
Sentir tout contre moi les bras d’une tendre amante
Et m’enivrer d’amour; combler mon âme absente.

Ces temps de renouveau agitent en mon coeur
D’étranges souvenirs, une sensation d’ailleurs;
Comme s’il souhaitait encore pouvoir s’embraser,
Devenir fébrile, se remettre à aimer.

Héla, pauvre inconscient, tu sembles avoir omis
Que tu n’es que fragments maltraités par la vie!
Oublies-tu les blessures, les mille et une douleurs
Que chaque jour tu endures? Aimer est ton malheur!

L’amante que tu espères n’existe qu’en pensées.
Si ce n’était le cas, vous vous seriez trouvés.
Et puis que ferait-elle d’un amant aussi sombre ?
En toi ne siègent plus qu’éclats épars d’ombre.

Je le sais, tu voudrais, pour alléger tes peurs,
Embrasser un instant la promesse du bonheur.
Allons, cesse et admire plutôt les beaux amants.
La tristesse est ton lot, à eux voeux et serments.

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avril 5

Mnémophobia

Il est certains instants, lorsque descend le soir,
Où les ombres passées deviennent par trop pesantes.
C’est l’heure des vieilles blessures, des ténèbres suintantes,
Quand les maux oubliés repeuplent les cauchemars.

Dans son antique grenier, l’âme de mes errances
Se tortille, s’agite, se sentant assaillie
Par les mille souvenirs qui hantent son abri,
Les rêves effacés, les vaines espérances.

Au fond d’un coffre ancien aux boiseries vermoulues
Un cristal brisé pleure des larmes de sang.
Chacun de ses éclats est le témoin vivant
D’une souffrance masquée, d’un espoir déçu.

Entre les meubles croulant sous l’encre et la poussière
Se dresse une psyché scintillante et polie.
Dans ses eaux, ma mémoire projette sans répit
Mon manque, mes erreurs, tous mes moments amers.

Dans cette obscurité brûle une pâle chandelle,
L’unique point de lumière m’empêchant de sombrer,
Une main sur mon épaule, un sourire donné,
Quelques paroles amies quand mon esprit chancelle.

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mars 31

Demeträ

Un jour que mes pas m’avaient mené au loin,
L’esprit enténébré par de lourdes pensées,
Je m’égarai bientôt sur une sente cachée
S’ouvrant sur un vallon mystérieux et divin.

Deux lacs d’azur clair, étincelantes eaux,
Couronnés par les flammes d’une forêt mordorée.
Au loin, une plissure, teinte ocre et veloutée,
Où scintillait la nacre de ruisselants coraux.

Attiré par le calme de cette douce contrée,
Je m’approchai bien vite des miroitants lagons
Et le regard happé par leurs milliers de tons,
Je me plongeai en eux, saisi et fasciné.

D’abyssales profondeurs en flots illuminés,
De fonds marmoréens en veines d’argent terni,
Emportée par les vagues,mon âme se perdit
Et d’un battement de cils mon coeur fut prisonnier.

Bercé par l’onde sereine, doucement je sombrais;
Son murmure à l’oreille, tel un souffle apaisant,
Me décrivait les cieux aux horizons ardents
Alors que, lentement, ses bras fins m’enlaçaient.

Ce contact soudain m’extrait de ma torpeur.
J’ouvris tout grands les yeux, cherchant cette présence:
Une forme éthérée s’esquissait en silence
Se mêlant à mon ombre, corps à corps, coeur à coeur.

« Je suis Ambre de Lune, antique apparition.
Vous foulez mon domaine, contemplez ma beauté.
De l’éternel sommeil, votre être m’a tiré,
A vous je suis liée jusqu’à l’Armageddon. »

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