mars 6

Divine grâce

J’errais parmi les brumes grises
sur les chemins de Solitude,
le cœur de plomb, vieille habitude,
se chargeant de rêves qui se brisent.

Quand les volutes arachnéennes
s’ouvrirent à une apparition,
dissipant l’abattement profond
et les pensés lourdes de peines.

Un rais de lumière féerique
accrocha mon sombre regard.
Devant moi, perçant le brouillard
vint une vision magnifique.

Drapée dans une robe d’azur
s’avançait une elfe aux yeux d’or,
l’instant d’avant chantant encor,
les lèvres closes sur un murmure.

De longues boucles couleur de jais
encadrant sa peau opaline,
un port de princesse levantine,
une bouche d’un carmin parfait.

Mon être demeura saisi
par sa beauté évanescente
et les brumes tourbillonnantes
en un souffle l’eurent engloutie.

Aurais-je dû lui dire un mot?
Toucher sa main délicatement?
Lui confier mon sentiment
en pépiant tel un oiseau?

Mon âme pleure l’instant perdu
et ce bonheur évanoui;
mais le triste aède que je suis
eut-il pu plaire à cette élue?

novembre 19

Désolation

Sous la voûte d’un ciel chargé de plomb fondu
planent les oiseaux sombres portant leur déchéance,
survolant une plaine de cendres et de souffrance
où trône une tour en ruine aux murailles fendues.

Dans la tour, pas un bruit, seul règne le silence.
De vieux feuillets moisissent près d’une plume brisée,
dessins, esquisses pourrissent sur un sol détrempé.
Le lieux est dévasté, en pleine déliquescence.

Au sous-sol erre une ombre, souvenir de l’occupant,
piétinant les débris d’un cristal en miettes
où il croit voir danser les images muettes,
le rêve illusoire de ce qu’il fut avant.

Lentement, le fantôme tourne dans son caveau lugubre
se jetant sur la moindre parcelle de lumière,
la consumant bien vite d’un souffle délétère,
retournant aux ténèbres de sa tombe insalubre.

A quelques pas de là gît une enveloppe vide,
berceau d’un être éteint, dévoré par la mort.
Il a enlevé aux Moires la trame de son sort
pour la jeter lui-même dans une abîme avide.

L’être, l’enveloppe et l’ombre étaient un, autrefois,
avant que la Tristesse n’ait en eux tout brûlé,
avant que la folie ne vienne les scinder,
puis les anéantir, d’un cri empli d’effroi.

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mai 28

Ephémère

Oh si lointaines terres recouvertes de brumes,
Lorsque s’élève l’astre marquant le point du jour.
Oh champs immaculés parés de mils atours,
Par ces résilles d’argent plus légers que des plumes.

Mes étranges contrées peuplées d’êtres de songes,
Baignant dans la douceur d’éclats crépusculaires.
Ouvrez-moi le passage, fier peuple des chimères,
Laissez-moi oublier le mal qui me ronge.

Dans le pays du rêve, je souhaite retourner.
Loin des rumeurs d’un monde qui râle d’agonie.
Quand donc sonnera l’heure où les esprits honnis
Verront leur rédemption et leurs fautes lavées?

Derrière le voile léger tissé de rais stellaires,
Je distingue un visage attendant ma venue.
Une dame faite d’ombre dont le regard ému
Renferme la beauté de secrets univers.

Empêtré dans les mailles de ma prison de chair,
J’ai vu sa main se tendre jusqu’à presque me frôler.
Mais je n’ai pu l’atteindre, elle s’est évaporée,
Ne laissant derrière elle qu’un souvenir amer.

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mai 19

Melmoth – extrait

Court passage d’une histoire à laquelle je travaille:

Le démon mit plusieurs minutes à trouver l’endroit qu’il cherchait : c’était un hangar métallique situé dans une partie peu fréquentée des halles.

« L’endroit parfait pour une embuscade. »Pensa-t-il.

De solides grilles d’acier barraient l’entrée principale mais une fenêtre laissée imprudemment ouverte permit au diable de se faufiler à l’intérieur. Les lieux étaient plongés dans l’obscurité, ce qui n’était pas un vrai problème pour Melmoth. L’odeur flottant dans le bâtiment, par contre, était plus gênante. L’endroit devait être un abattoir car l’air était chargé de relents évoquant le sang et les carcasses récemment découpées. Cela rendait le diable nerveux. Tout son corps était parcouru de minuscules décharges électriques.

Ce qui l’entourait avait tout d’un bureau et ne comportait rien de particulier. Aussi franchit-il une porte qui le conduisit dans l’abattoir proprement dit. Des rails courraient au plafond, sur lesquels étaient placés de grands crochets. Tous ou presque supportaient des quartiers d’animaux prêts à la découpe. L’odeur ici était plus forte que dans la pièce adjacente. Pourtant Melmoth discerna au milieu de celle-ci une seconde fragrance tout aussi familière : une odeur de charogne qui n’avait rien à voir avec celles exhalées par les carcasses. Dans l’obscurité, il se dirigea vers la source de cette odeur. Cette dernière le conduisit au sous-sol d’une troisième pièce, accessible grâce à une trappe de fer s’ouvrant sur un escalier. Dans cette cave, les ténèbres étaient encore plus épaisses et l’odeur absolument écœurante. Mais le démon en avait vu d’autres.

Parvenu dans ce qui devait être le centre de cette pièce au sous-sol, Melmoth distingua une forme suspendue au plafond. A n’en pas douter, c’était la source de cette fragrance inhabituelle. D’autres se mêlaient à cette dernière : une odeur d’humidité, la senteur épaisse de la cire chauffée mais également celle plus minérale de la craie.

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mai 7

Sièdh

Mon âme reviendrait bien vers ce chemin d’émeraude,
Ces hautes frondaisons et ce tranquille silence.
Ce lieu où rien ne compte, ni erreurs, ni absence
Juste l’instant présent où la douceur rôde.

L’on est bien, hors du temps, dans cette secrète bulle
Loin des douleurs du monde et de sa fausseté.
L’espace d’un battement de cils, dans cette enclave sacrée,
On se prend à rêver une vie qui nous émule.

La course n’a plus cours au coeur de ce miracle.
C’est le rythme de l’arbre, le bruissement du vent
Qui marque le passage, les saisons défilants,
Loin des rumeurs du monde et de tous ses obstacles.

Dans cet amphithéâtre au milieu des fougères,
Entouré des esprits venus des temps passés,
Chaque fibre de mon être se sentait apaisée.
J’y retournerai donc avant mon heure dernière.

Je retrouverai cette voie nichée entre les pierres
Où mon coeur hurlant soudainement s’est tut,
Dansant entre les feuilles, c’est la paix que j’ai vu,
Invitant à goutter un repos éphémère.

C’est le chant de la terre qui, là-bas, me mènera,
Suivant les astres errants et les cieux enchantés.
Alors se regrouperont les amis tant cherchés…
Si je reprends la marche, alors, qui me suivra ?

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mai 5

Ordo ad chaos

Il est de ces regards dont on tombe amoureux en l’espace d’un instant.
Il est de ces sourires qui font fondre le cœur et manquer un battement.
Quel délice alors lorsque ces miracles vous viennent de l’être aimé!
Plus rien d’autre ne compte en ces si doux instants que de s’émerveiller.

Il est de ces ténèbres qui vous enveloppe le cœur et vous enserrent l’âme,
Plantant leurs larges griffes et vous empoisonnant plus que n’importe quelle lame.
Brumes malévolent rongeant plus qu’un acide la moindre des pensées,
Entraînant vers l’abîme un esprit faiblissant pour mieux l’y consumer.

Chaque jour, Cœur errant espère l’un, trouve l’autre,
S’enlise dans la fange de ses égarements,
Cherchant un équilibre entre ces sentiments,
Pris dans des ouragans que ne perçoivent les autres.

Raison n’y comprend goutte et ne sait que penser.
Ne voyant en ce trouble qu’esprit désordonné,
Elle veut régenter l’âme pour apaiser ce fou,
Contenir ce chaos dont tout l’être se fout.

Combien proche est la chute, la totale implosion
Avant que Fol esprit refrène ses émotions,
Qu’il ramène sur leurs rails ses ersatz dérangés
Jusqu’au nouveau séisme venant tout bouleverser.

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mai 4

Cycle

De si jolis regards, de subtiles mouvements
Plongent un coeur meurtri dans un délicieux trouble,
Réveillent les fantômes d’une existence double
D’un être dont l’essence s’éteignait lentement.

Quelle secrète cruauté peut bien pousser la vie
A se moquer ainsi d’un esprit languissant:
Lui donner à croiser le tableau saisissant
D’une tranquille beauté tendrement assoupie.

Quel jeu sadique et froid que d’obliger un mort
A contempler une belle sortant droit de ses songes
Pour voir renaître un mal qui sourdement le ronge:
Aimer trop et sans l’être, tel est son triste sort.

Pourquoi cette torture ? L’âme est déjà brisée!
Le siège de son amour gît au sol, en morceaux.
Encore il va errer vers cette spirale de maux
Qui le laisseront hagard, faible, prêt à pleurer.

Lui voulait seulement trouver enfin repos,
Oublier cette passion pour mieux s’annihilier.
Son armure protectrice vient de se fissurer
Il court après des ombres, se perdant à nouveau.

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mars 3

L’Orchidée Pourpre – extrait

Un petit extrait d’une nouvelle sur laquelle je travaille en ce moment:

Lorsqu’il entra dans la pièce, la première chose que remarqua l’inspecteur Reginald Stout était le désordre. Les meubles étaient renversés, des papiers éparpillés dans tous les coins et de nombreux éclats de céramique encombraient le sol.

« Eh beh, pas très ordonnée pour une fée ! » Lança-t-il au sergent Fueler.

L’autre haussa simplement les épaules. Fueler était un authentique descendant du peuple nain, bourru et peu enclin à l’humour pendant ses heures de service, surtout si les traits d’humour venaient de Stout. Depuis qu’ils étaient amenés à collaborer, le farfadet s’était habitué à l’humeur maussade du nain. Aussi ne se formalisa-t-il pas de cette absence de réaction. Fueler ne semblait pas comprendre qu’un trait d’esprit pouvait alléger un peu l’atmosphère pesante qui régnait lorsqu’ils se rendaient sur une scène de crime.

Tirant une cigarette de son paquet, Stout la porta à ses lèvres et se concentra sur ce qu’il avait sous les yeux. Le jour se levait à peine et ses yeux fatigués le brûlaient.

Comme à chaque fois qu’il était de permanence nocturne, les choses se passaient mal. Il avait passé une bonne partie de la nuit à remplir des rapports administratifs à son bureau avant qu’une patrouille n’appelle le poste, au petit matin. Dès qu’il entendit la voix du collègue résonner à la radio, Stout sût que sa journée ne faisait que commencer. Une patrouille avait été appelée dans un quartier plutôt calme par des résidents inquiets. Quelque chose se passait chez leur voisine. Ils avaient entendu des cris et des bruits d’objets qui se brisent. Le standardiste avait tenté de les apaiser jusqu’à ce qu’ils lui communiquent le nom de ladite voisine : Valfuria Sonatine, plus connue sous le pseudonyme de l’Orchidée Pourpre. Ce nom avait retenti comme une explosion. Aussitôt, l’opérateur avait transmis l’adresse à une patrouille qui avait filé sur place toutes sirènes dehors. L’Orchidée Pourpre était une vedette montante issue de la communauté des fées et son dirigeant était très influent, cela malgré l’écroulement du royaume des rêves et l’exil des créatures merveilleuses dans le monde des humains.

Aux balbutiements de l’officier, Stout avait détecté que l’affaire était grave. Aussi ne fut-il pas surpris lorsqu’il fut envoyé sur place. Et voilà pourquoi, alors que le jour se levait, il se trouvait dans un appartement luxueux, en train d’observer une pièce en désordre plutôt qu’à savourer un alcool de baies installé dans son fauteuil favori.

S’extrayant de ses pensés, l’inspecteur Stout se redressa et interpella l’un des officiers arrivé en premier sur les lieux.

« Léonide, tu as prévenu Simon ? »

« Oui, inspecteur. Le légiste est en route. » répondit le gnome en uniforme.

« Je crains qu’il n’y ait plus que lui qui puisse faire quelque chose pour cette belle plante. »

En effet, devant les yeux dorés du farfadet s’étalait le splendide corps diaphane de la fée. Elle était allongée sur le sol, enveloppée dans une nuisette de dentelle légère, les lèvres ouvertes sur un cri muet. Une profonde entaille courait de la base de son cou vers sa poitrine d’où son sang translucide s’écoulait lentement, engluant ses ailes diamantines déployées sur le parquet. Le petit rubis qui ornait habituellement son front avait été arraché et demeurait invisible. A sa place s’ouvrait un trou béant dans le crâne de la belle.

Stout détourna le regard quand un nouveau venu fit son entrée dans la pièce. Le docteur Simon Leary était un humain pure souche mais il avait volontairement décidé de travailler avec les peuples merveilleux. Aussi, et contrairement à ses congénères, avait -il rapidement attiré la sympathie de ceux qui avaient affaire à lui.

« Salut Regy. Sergent Fueler… »

« Salut Simon. La cliente n’est pas ordinaire. Alors si tu pouvais faire vite… »

« Ne t’inquiète pas, Reg. Je sais ce qu’il se passe si l’on tarde trop avec les fées. Un instant elles sont là et le suivant il ne reste que de la poussière de lune… »

Le légiste enfila une paire de gants et sortit une bombe aérosol de sa sacoche. Il se pencha ensuite sur le cadavre et vaporisa quelques gouttes de son spray vers le corps de la défunte. Une fine couche de cire se déploya, enveloppant le cadavre comme dans une toile et durcit rapidement, empêchant son évaporation. La nature volatile et insaisissable des créatures fantastiques avait obligé les humains à mettre au point quelques stratagèmes pour les empêcher de disparaître.

Une fois sa vaporisation terminée, Leary se releva et prit de nombreuses photos en détail du corps et de la chambre. Puis il emballa délicatement le cadavre dans une housse de transport et le transféra dans son véhicule, avant de prendre la direction de la morgue.

« Je te donne mes conclusions aussi vite que possible, Regy. » Dit-il avant de démarrer.

« J’y compte bien. Je finis ici et je te rejoins directement dans ton antre. » Répondit le farfadet en rajustant son chapeau.

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février 10

Titania

Dans le coeur secret d’une forêt sans nom
où mes pas hésitants m’ont un jour porté
j’ai aperçu soudain une grâce incarnée
qu’une douce lumière d’or drapait d’éclats de son.

Les images fugaces d’une tranquille rêverie
dansaient dans le reflet de son regard serein
bruns joyaux apportés d’un horizon lointain
ornés de bris d’étoiles dérobés à la nuit

Une automnale couronne rousse de son plaisir
venait auréoler son diaphane visage
et comme déposée sur ce calme rivage
sa bouche de nacre rose esquissait un sourire.

En ce jardin perdu, elle demeurait, songeuse
me laissant à loisir longtemps la contempler.
Merveilleuse créature, étrange divinité
éloignant pour un temps mes pensés nébuleuses.

Lorsque l’ombre tomba, elle repartit sans bruit
pour une belle contré d’elle seule connue.
Je vis s’évanouir l’innocente ingénue
emportant avec elle son étrange magie.

……………………………………………………….

Je dédie ces mots à une muse dont les images m’ont inspiré.

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février 9

Atone

Dans la lumière grisâtre d’un monde sans soleil
le miroir me renvoi l’image d’un astre éteint.
Les eaux brunes où surnagent quelques charbons défunts
vestiges d’un âtre mort sans souffle qui l’éveille.

Sur le reflet serpentent d’invisibles fêlures
dont les ombres dessinent des myriades d’étoiles
éclats d’argent furtifs sur le derme au teint pâle
dévoilant l’être en ruines que dissimule l’armure.

Sous la carcasse de marbre tout est peine et chaos:
les nerfs se distordent, se contractent et se tendent,
les organes convulsent en une folle sarabande
sans plus suivre du cœur le rythme ou les échos.

Autour du muscle usé, maladif, défraîchi,
des lambeaux de dentelle noirâtres et huileux
suintent le suc amer, le venin insidieux
qui alourdit la chair, lentement la pétrifient.

Dans sa sphère de ténèbres et de lamentations
se délite l’esprit au cœur de ses cauchemars.
Noyé par la tristesse d’une lutte sans espoirs
il dépose les armes et cède à l’abandon.

Cette tour n’est plus qu’une mécanique vide,
horloge dont les rouages persistent à tourner.
Les feux qui l’animaient ont cessé de brûler.
Ne restent que des cendres derrière ses murs livides.

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