mars 21

Diamant pur

Dame oiselle sur sa branche siffle une mélodie,
Une étrange sonate aux accents purs et doux,
Un hymne printanier, profond, joyeux et fou,
Sortant un pâle soleil de sa grande léthargie.

Dame oiselle chante au monde l’air de sa renaissance,
Chassant le froid hiver et la si longue nuit.
Et la terre s’éveille, s’étire et s’embellit
A mesure que les trilles s’élèvent, gagnent en puissance.

Dans la brise légère, Dame oiselle et sa voix
Délivrent une ritournelle toute empreinte de lumière
Et le sombre poète à l’humeur mortifère
Voit son coeur allégé par cette ode à la joie.

« Si jolie Dame oiselle sur cet arbre perchée,
Toute parée de couleurs, de perles étincelantes,
En ce morne matin, par vos notes vibrantes,
Vous incarnez l’image radieuse de la Beauté. »

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mars 16

Des-intrication

Dans une contrée de brumes aux cieux ensoleillés
Où serpentent les eaux émeraude de l’oubli,
Sur une natte tressée je m’étais assoupi,
Bercé par le flot de l’onde parfumée.

Je plongeais dans les songes à l’amer saveur
Qui parfois me reviennent lorsque, l’esprit fourbu,
Je m’abats sur ma couche, hagard, à demi nu,
D’avoir trop présumé de mes forces. Malheur!

Pris dans les plis bourbeux de rêves au goût de fange,
Suffoquant chaque instant, tout prêt de me noyer,
Des ténèbres je vis une vision émerger:
Une cité radieuse, parée d’or, telle un ange.

Devant moi se trouvait la mystique Shangri-la,
Royaume des secrets, toute auréolée d’or.
Alors que je sombrais, ce fabuleux trésor
M’ouvrait tout grand ses portes, me disant: »Je suis là. »

Au seuil de l’Autre Monde, si prêt de succomber,
Dans un ultime effort, je projetais ma main,
Cherchant la moindre prise pour contrer mon destin
Et m’extraire de ces ombres venues me dévorer.

Dame Fortune voulu bien montrer de la pitié.
Par ma persévérance, je me sortis de là.
Le coeur et l’âme légère, j’avançai d’un bon pas
Vers les portes d’azur et la félicité.

Un cri venu d’ailleurs me fit me retourner:
A une lieue, dans cette mare de tourbe vénéneuse,
Je vis un être pâle à la teinte cireuse;
Mon corps, surnageant, venant d’être happé!

Sans un ultime souffle, la chair disparut
Dans les replis sinistres de la boue mortifère.
Je restai interdit, voyant mon heure dernière,
N’étant plus qu’une essence sur cette sente perdue.

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mars 14

Ange

Lorsque les brumes s’étendent sur mon âme meurtrie,
Que les ténèbres grondent, prêtes à me dévorer,
Alors l’Univers semble prendre en pitié
La pauvre créature, l’humble errant que je suis.

Dans un parc sordide où j’étais égaré,
Je vis soudain venir dans un voile de lumière
Une femme mystérieuse enveloppée d’Aether,
Créature parfaite, fille de la Beauté.

Un visage rayonnant, auréolé d’étoiles,
Un sourire envoûtant, un port fier, presque altier
Et pourtant dans les gestes, de la timidité.
Quel charme, quelle douceur en cet Être Idéal!

Rares sont ceux qui ont pu croiser les yeux d’un Ange
Alors qu’il déambule sous apparence humaine.
Son regard pénétrant, d’Azur et d’Aubes Pleines,
Vous transporte, vous chamboule, en un instant vous change.

La Divine m’accorda toute son attention
Lisant en mon esprit comme dans un livre ouvert.
Me voyant assailli par l’Ombre mortifère,
D’un geste elle chassa l’Importune sans nom.

Et d’un souffle portant toute l’essence d’elle-même
Sur un meilleur chemin, en amie me guida.
A quelques compagnons, par la suite, me confia,
Avant de s’envoler, Soleil que le vent sème.

Ah quelle plaisante visite, quel beau souvenir!
En mon coeur de poète, cet ange s’est niché
Et, comme en sa demeure, il s’est installé
Pour un jour, je l’espère, enfin me revenir.

Dieux, quel coeur insolent pour oser L’espérer!
D’une déesse, il s’émeut, voudrait se voir l’amant.
Il se sait bien petit, bien faible, insignifiant;
Mais toujours il s’emporte lorsqu’il veut Aimer.

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mars 12

Siggi

Dans le val d’Izimich serpente une rivière
Dont le murmure secret évoque le nom d’une femme.
Une princesse slave ayant connu mille drames,
Et l’infinie souffrance d’un amour éphémère.

Elle était jeune et fraîche quand apparu l’émoi
Sous forme d’un bel homme qui bientôt fit sa cour.
Œil de braise, voix de miel et langue de velours,
En quelques belles paroles, son cœur il déroba.

Avec quelle promptitude les noces furent scellées!
Le père, tout comme la belle, en un mot fut séduit.
Il ne pouvait rêver pour elle meilleur parti
Que ce noble jeune homme jurant sa loyauté.

Le contrat fut signé et l’acte consommé
Avec bien trop de hâte et si légèrement.
Le père succomba à un mal foudroyant
Aussitôt que ce prince, sa fille eut épousé.

Dans la nuit, sans surprise, le prince s’envola.
Avec lui la dot, les terres, l’héritage.
La belle trouva un mot de cet amant volage
Où il disait l’aimer toujours malgré cela.

Un message au matin vint briser son bonheur:
« J’exige votre domaine, veuillez donc le quitter !
Car est mort ce matin, tué par mon épée,
Le prince Avenati, gentilhomme sans honneur. »

Un voisin orgueilleux, rejeté par la dame
Profitait honteusement de la situation
Pour humilier la femme, sa famille et leur nom
Et les fouler au pied, tournant l’histoire au drame.

Le chagrin, la douleur, ses espoirs brisés,
La princesse en sa tour à l’extrême poussée,
Du haut de ses remparts dans l’onde se jeta

Dans ses replis cachés, le torrent l’emporta.
On dit qu’elle dort encore dans le courant glacé,
Attendant que sa honte et son nom soient lavés.

mars 9

Tragicomédia

Trop longtemps j’ai été le serviteur d’un fou!
Un aveugle s’enflammant pour l’ombre d’un regard,
Un sourire charmeur, une tendresse illusoire,
Se faisant piétiner, se traînant à genoux.

Pour un simple soupir, il dressait un autel,
Composait un sonnet, une ode, une élégie,
N’obtenant pour aumône pas même un simple « oui »,
De la simple passante ou de la demoiselle.

Il prenait pour sa peine, sans férir, mille blessures.
Coups de griffes, de poignard, poisons, jusqu’à la lie,
Rien ne le détournait de sa tendre égérie.
Il revenait sans cesse, l’oeil brillant, sans armure.

Mais le temps, les douleurs, l’ont à présent usé.
Sa flamme s’est étouffée sans plus de combustible;
Il est trop abîmé par des maux indicibles.
Une seule palpitation pourrait le voir brisé.

Dans son écrin de chair, il donne son chant du cygne,
Pleurant tous ses débris bien trop éparpillés.
Le pleutre agonise d’avoir trop brûlé
Et d’implorer l’Amour sans en savoir les signes.

Finie sa dictature, place à la liberté!
Sous son affreuse contrainte, j’ai trop longtemps honni
La solitude simple de ma seule compagnie.
De son joug infernal, me voici délivré!

Mais quel mal soudain de sa main vient m’étreindre?
Pourquoi mes larmes coulent quand le gredin se serre?
Est-ce Mélancolie qui de son voile m’enserre?
Ne suis-je donc que chagrin quand mon coeur va s’éteindre?

mars 8

L’abandonnée

Aux heures agonisantes d’un jour triste et gris,
M’éclipsant d’une fête tournant aux bacchanales,
J’avisais sur un pont la silhouette pâle
D’une bien jolie femme détrempée par la pluie.

Ses yeux couleur de perle semblaient deux océans
Dont le flot débordait sur ce monde silencieux.
Sa chevelure auburn voyait noyer ses feux
Par l’onde abondante de cette nuit de printemps.

La belle entre ses mains tenait une missive
D’où l’encre dégouttait, emportée par les eaux.
Sur la page inondée, on lisait quelques mots:
« Trouvez-moi à minuit chemin de l’autre rive. »

« Madame, puis-je ici, vous prêter assistance? »
Demandais-je tout de go, ému par sa vision.
L’inconnue répondit d’un souffle, à peine un son:
« Nous avions rendez-vous, monsieur, depuis l’enfance. »

Par les dieux, quelle surprise! J’en restais tout saisi.
Ses doux traits, en effet, me semblaient familiers.
Défaisant mon manteau, je vins l’en abriter
Car le bleu de ses lèvres me la disait transie.

« Belle dame, puis-je savoir, quel est donc votre nom? »
« Emily » me dit-elle, soudainement épuisée.
Et alors que j’allais mon bras lui proposer,
La beauté disparue sans autre sommation.

Sous l’averse ne restait qu’une infime fragrance,
L’ombre de son parfum, un billet en charpie,
Et moi, pauvre poète, en mon coeur meurtri.
La belle était fantôme de ma désespérance.

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mars 7

Fascinante revenante

Un soir lorsque j’étais penché sur l’écritoire
Rédigeant aux étoiles un billet enflammé,
Une étrange langueur soudain vint m’emporter
Cédant à son caprice, la plume je laissais choir.

Comme alourdies des brumes du sable de Morphée,
Mes paupières battirent, tombant tels rideaux
Et ma tête chargée du poids de mille mots
Me fit plier la nuque, pantin au fil coupé.

Contre mon vieux fauteuil, mon corps se fit pesant;
L’assaut de la fatigue mainte fois repoussée
Emportant la victoire contre ma volonté
Et bientôt en eaux troubles, je me vis naviguant.

Entre néant et songe, mon esprit hésitait,
Ne sachant vers quelles rives voguait son frêle navire.
Un séduisant murmure me vit alors frémir!
A mon corps assoupi, une femme susurrait:

« Dormez, pâle poète, sous la lune d’argent.
Laissez-là vos soucis, apaisez vos tourments.
Sous ma douce caresse, votre âme reposez;
Contre un souffle de vie, je viens vous cajoler… »

De surprise mes yeux luttèrent pour s’ouvrir
Distinguant comme une ombre me tenant enlacé.
Sous ma chemise béante, sa main blanche glissée
Et tout contre mon cou ses lèvres se blottirent.

D’effroi je sursautais, mon cœur battant chamade.
La belle, effarouchée, dans l’ombre recula.
L’éclat d’un regard bleu alors me figea,
Une mèche d’argent blond s’offrant à mon œillade.

Un parfum capiteux, une bouche rubis
Révélés par Sélène à mon être affolé,
D’un battement de cils se virent effacés.
A peine apparue, la belle était partie.

Comment décrire l’effet de cette apparition
Sur mon chancelant esprit, tout empli de chimères?
Cette étrange visiteuse, que donc venait-elle faire
Sans s’être présentée? Quelle surprenante façon!

J’en restais tout transi pendant de longues heures
Ne pouvant expliquer cette bizarre présence.
Repoussant le sommeil, depuis, je veille, en transe,
Espérant son retour en ma vieille demeure.

mars 6

Luxinspirat

Dans les flammes rubicondes de sulfureux falots,
Sous les si vastes voûtes de profondes cavernes
Se métamorphosant en étranges tavernes
J’ai vu boire et danser belles dames et héros.

En des lieux de silence, chargés de recueillement,
De frondaisons vermeilles en lourds toits de pierre,
J’ai vu tomber des anges et s’ouvrir l’Enfer
Aux sons des milles trompettes annonçant le Jugement.

De temples reculés en cités bourdonnantes,
Mes errances me mènent sur des routes cachées
Parsemées de pavées ou tout juste esquissées,
De cryptes oubliées en salles étouffantes.

Sous terre j’ai dansé avec les féeries :
Faunettes, elfes gracieuses, succubes enjôleuses…
J’ai trinqué avec elles, bu leurs liqueurs mielleuses
Et bien failli me perdre avec leurs jeux maudits.

Oublieux des tourments et de ce qui me pèse,
J’ai retrouvé le goût de plaisirs oubliés,
Ravivant pour une heure l’âme de mes jeunes années,
Jouant avec le feu sous leurs baisers de braises.

Et lorsqu’au jour venu, mes yeux se sont rouverts,
J’ai salué cette aube, le cœur plus léger.
J’ai ris au souvenir de ces heures, apaisé,
Puis j’ai repris ma route, guidé par la lumière.

Après des nuits d’errances sous une pluie cendreuse,
Des jours d’isolement dans une tour en ruines,
J’ai trouvé, recouvert d’une poussière fine,
Un joyau, un cadeau d’une âme généreuse.

« C’est là tout le trésor que recherche ton cœur,
L’ultime récompense à ta quête insensée!
C’est le Fruit de l’Amour, l’Orbe de la Beauté,
La Quintessence Divine, ton Graal de Douceur.

Garde le précieusement de toute avidité,
Offre généreusement à tous sa chaleur.
Elle est le feu secret qui pense les douleurs
Et redonne la force aux âmes annihilées. »

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décembre 13

Double

Par une brumeuse nuit de nébuleuse mémoire
Alors qu’appesanti par une longue veille
Lassé de ne pouvoir esquisser mes merveilles
Soudain je m’assoupis sur mon vieil écritoire

Une clarté lunaire venue d’on ne sait où
M’extrait de ma torpeur, attirant mon regard
Vers un mur délavé et le pâle miroir
Où flottait le reflet de mon propre dégoût.

L’évanescent panneau tout de verre fumé
Brillait tel un soleil dans cette pièce ténébreuse.
L’image rayonnait sur l’âme fuligineuse
De ce triste accessoire emprunt de vanité.

Ah, l’étrange tableau qui se dessinait là!
Au milieu du néant, une table dressée.
Un être mystérieux à chaque extrémité
Étudiant le plateau d’un échiquier de bois.

D’un geste négligeant chacun déplace une pièce
Qui donne en s’animant une fugace vision,
Un écho surgissant de mon être profond
Ranimant avec lui désire, douleur ou liesse.

Devant mon corps transi, ces deux êtres s’affrontent
L’un de pure lumière, l’autre d’obscurité.
Mais entre ces deux anges, nul mot échangé
Juste cette tension, plus rien d’autre ne compte.

« Mais quel est donc l’enjeu de cette partie funeste?
Pourquoi donner à voir à un homme brisé
L’horrible pantomime que joue la Destinée
Et le sinistre jeu que disputent les Célestes? »

Ainsi, dans ce silence, éclata mon mépris
Pour cet éloge des dupes qui se voient dirigés.
La réponse vint bien vite, cruelle, méritée
Comme une gifle infligée à mon orgueil meurtri.

De l’ombre environnante surgit une voyageuse,
Une entité ancienne sur laquelle rien n’a prise.
Dans un soupir, elle dit, sans une once de surprise:
« C’est ton âme qu’ils jouent, petite flamme ombrageuse. »

Sur la surface lisse, deux anges se faisaient face,
Dévidant devant moi le fil de l’existence.
Lors d’un ultime instant, prêts à rendre sentence
Le temps les emporta sans laisser une trace.

Alors la réflexion de mon regard changea:
Un œil devint blanc, l’autre de noir s’orna.
Les paroles de l’oracle me saisirent d’effroi
Et le sens secret de cette scène me frappa.

« Deux loup sommeillent en nous, l’un lumineux, l’autre sombre.
Qui l’emporte sur l’autre? Celui que l’on nourrit. »
Sagesse amérindienne.

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novembre 28

Le secret

Toi qui vient dans mes songes, que tendrement j’enlace, mêlant nos souffles chauds et nos douces pensés

Où donc disparais-tu quand le jour est levé? Pourquoi me laisse-tu sans lumière, sombre, vide?

J’aimerais tant avec toi vivre plus que cela, que ces étreintes en rêves, ces éphémères instants.

Ne peux-tu point rester ? Suis-je si mauvais amant? Ou bien un triste sort te tient-il enchaînée?

Chaque fois que disparaît ton apaisante présence, mon cœur manque un battement, un peu plus se fissure.

Je m’éveille en sursaut, loin du rêve chassé et laisse sur mes joues pâles tant de larmes couler.

Alors, l’œil rougis, je te recherche en vain.

Dans l’ombre d’un regard, dans le pli d’une main, chaque minute qui passe je crois te découvrir.

Mais les belles demoiselles qui me rendent sourires pâtissent de ton ombre, ne tiennent comparaison.

Prisonnier de tes yeux, de ta subtile fragrance, mon cœur blessé, aveugle, sourdement les rejette.

Et dans ma solitude, dans cette douleur secrète, mon être dépérit, je m’annihile lentement.

C’est le manque! Cette tendresse que je ne puis donner tourne à me rendre fou, brouille mes jugements.

Mon âme hurle en silence tout ce qu’elle ne peut dire, contrainte de rêver à une douce existence.

Je vis écartelé, drapé dans ma souffrance, mes souhaits se disloquant contre la réalité.