février 24

Vortex

Lorsque le jour s’éteint, que cesse l’agitation,
A l’heure où le sommeil devrait porter l’oubli,
Une plante à sombre épine sort de sa léthargie;
Elle croit, s’épanouit, vidant mes émotions.

Sa sève empoisonnée, lentement, instille le doute,
Ternit ma pâle gaieté sous de noirs souvenirs,
Nourrissant ma tristesse jusqu’à m’en voir gémir,
Elle alourdi mon cœur pour le mettre en déroute.

Énumérant mes peines, le poids de mes échecs,
Elle tisse sa grise toile de souffrances passées,
Renvoi tel un miroir mes peurs d’inadapté,
Enserrant mon esprit jusqu’à le laisser sec.

Alors les heures s’allongent, noyées par le chagrin,
Le prix de mes erreurs, les incompréhensions,
Les « Et si », les « peut-être », toutes les folles illusions,
Autant de grains de pleurs sur mon piètre chemin.

Alimentant le Vide, cette Fleur de Solitude
Emprisonne mon âme en sinistres pensées;
Las, mon sang se fige; j’erre, mon être brisé,
Pris dans ce songe amer, pétri d’incertitudes.

Comprimé et contraint par ses lianes fibreuses,
Mon corps se congestionne, se tord, se fissure;
A mesure qu’elle déploie ses liens, des meurtrissures
Éveillent des douleurs à l’ardeur ténébreuse.

Lorsqu’à nouveau reviennent les cieux illuminés,
De cette nuit de souffrances, je ressors apathique.
Tout mon être est de pierre, minéral, mutique,
Comme si vie et joie s’étaient annihilées.

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janvier 19

Rêveries

Que ne donnerais-je pas pour prendre dans mes bras
La belle aux yeux de nuits dont mon cœur se languit.
Je ne suis en ce monde qu’une goutte dans l’onde
Tant mon esprit est las lorsqu’elle est loin de moi.

Sur sa peau, tels plumes, mes doigts sont arabesques,
Esquissant en volutes, ses plaines, ses vallées.
Tel un délice, son grain finement velouté
Se dessine sous ma paume en la consumant presque.

Sous mes lèvres, sa fragrance, nectar de mon ivresse,
Doucement se révèle, m’emplissant de senteurs;
Tout un monde de parfums, vibrants, plein de couleurs,
Enveloppe son être, effaçant ma tristesse.

Les échos de sa voix s’élèvent en symphonie,
Baignant mon âme brisée en un sublime chant.
L’ombre se fait lumière, d’un charme m’enlaçant;
En son souffle, elle mêle les accords de la vie.

Elle est l’eau des étoiles infusée de violettes
Et ses fleurs ont un goût de miel multicolore.
Sur ma langue, elle confond les saveurs de son corps;
En mille éclats de rire, sa chaleur me complète.

Dans sa chevelure dansent les reflets de la lune,
Mouvantes ondulations à la fraîcheur de soie;
Et sur son front d’ivoire, le soleil flamboie;
Elle est mon univers, mon ciel et ma fortune.

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décembre 6

Caliban

En mon cœur réside un jardin fait de rocs;
Sous une pluie battante, leurs arrêtes brisées
Poignardent l’air à vif d’un tranchant effilé,
Coupant l’averse huileuse comme la terre sous un soc.

En mon ventre s’agite un océan de larmes,
Fragment de chagrins aux entrailles tourbeuses
Où flottent entre deux eaux les formes fuligineuses
De passés à venir dépouillés de leurs charmes.

En mon être fleuri une prairie vénéneuse
Où de pesantes brumes à la saveur de sable
Rampent entre les franges d’une herbe abominable
Dévorant les rayons d’une lune gibbeuse.

En mon esprit serpentent mille spectres oubliés
Comme dans un cimetière, dansant une sarabande;
Passant entre les tombes, leurs tristes chants ils scandent;
D’innombrables possibles, ils inondent mes pensées.

En mon âme s’entrechoquent tant et tant d’univers
Que ma conscience ne sait auquel elle appartient;
Miroir d’infinité, qui donc est ton gardien ?
Un démon? Un poète ? Une entité lunaire ?

En mon image vibre cet étrange assemblage,
Ce monstrueux big bang aux ondes lumineuses,
Construction improbable aux ténèbres fangeuses
Qui se tourne et retourne derrière ce visage.

Je suis un songe unique recherchant son reflet,
Cette horreur vagabonde, chargé de mille tourments,
Qui ne fait qu’apparaître l’espace d’un instant
Puis redevient fumée car à nulle il ne plaît.

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novembre 22

Belle endormie

Par la fenêtre passe un rais chamarré d’or
Glissant sur la blanche nacre d’une épaule dénudée;
Quelques mèches obsidiennes viennent la caresser
Qui bientôt rejoindront l’oreiller où tu dors.

La soie d’une cotonnade couvre le doux satin
De ta gorge délicieuse, paisible, alanguie;
Tel le frôlement d’une vague sur la dune assoupie
La frêle étoffe dessine la coupole de ton sein.

La cambrure de ton flanc, la rondeur de tes hanches
S’esquissent en légerté sous le tissu complice;
Leurs courbures secrètes où nul ne s’immisce
Laissent entr’apercevoir un val où l’aube s’épanche.

Y a-t-il plus grandiose œuvre célébrant la Beauté
Que te voir étendue sous ce voile pudique ?
Gisante ensommeillée dans la lumière unique
D’un rouge matin d’automne au soleil mordoré.

Les cieux qui te contemplent ont-il seulement conscience
Du cadeau que tu offres en ton calme sommeil ?
Que ne donnerais-je point pour vivre cette merveille;
Pâle, le souffle court, sans oser un mouvement.

Allongé sur ta couche, à quelques mains de toi,
Immobile, de peur de briser cet instant,
Je resterais figé, craignant qu’en te touchant
Le beau songe ne s’efface, s’envole loin de moi.

Alors, ouvrant les yeux, je verrais ton absence,
Cette place déserte, ce vide inavouable.
Laissez-moi mon doux rêve, magique, inaltérable!
C’est un baume apaisant pour mon cœur en souffrance.

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septembre 20

Théâtre d’ombres

Dans les sombres méandres de ma prison mentale,
J’erre, pâle, l’âme exsangue, environné de spectres,
Figures de brouillard que mon néant fait naître
Pour combler mes absences en ce vide dédale.

Ces semblants d’existence, tissés en voiles d’ombres,
Étirent leurs blêmes trames en ce qui pourrait être,
Jouant leurs pantomimes, ne cessant de paraître,
Ébauches d’un vivant théâtre au cœur de décombres.

Ici s’étende le fil, toile d’une autre vie
Faite de tremblants échos, souvenirs illusoires,
Là, sur de beaux chemins que mes yeux n’ont su voir,
Un Autre dort dans les bras d’une nymphe épanouie.

Admirez ce conteur, ce barde aux mille chants,
Adulé, adoré pour ses mots magnifiques!
L’Artiste de son Temps aux écrits prolifiques,
Laissant aux rimailleurs une bribe de son talent.

Et ce grand philosophe aux idées novatrices!
Le superbe orateur que tant d’esprits encensent;
Le génial musicien ayant extrait l’essence
D’une ode à l’univers, aux étoiles complices.

Tout cela et tant d’autres, fugitives visions,
Emplissent ce labyrinthe pour masquer mes lacunes.
Elles défilent, innombrables, mais je n’en cherche qu’une:
Celle qui effacera ma tristesse sans nom.

Existe-t-elle seulement ? L’ai-je déjà croisée?
Mais pris dans mes tourments je l’aurais ignorée?
Ou bien serait-ce celle à qui je ne sais avouer
Mes sentiments profonds, craignant de la peiner?

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septembre 12

Monolithe

Sur un rivage vide de ce vaste océan,
Le regard dans le vague, perdu vers l’horizon,
Je sens tourner le monde, défiler les saisons,
Immobile, figé, dans un repli du Temps.

J’ai vu tant de navires faire voile vers l’aurore
Et revenir chargés d’histoires et de merveilles,
Se lier tant de cœurs, tant d’amours qui s’éveillent…
Pourtant, seul, je demeure, minéral, presque mort.

J’entends encore les rires des nymphes du Printemps
Passant par devers moi pour s’en aller danser
Aux fêtes de l’équinoxe puis au bal de l’été;
Mais jamais elles ne m’ont associé à leurs chants.

Je ne sais ni les mots qu’attendent les amantes,
Ni les douces mélodies pour leurs âmes charmer.
Je reste sans parole, de peur de les brusquer,
Leurs gestes restent mystères à mon âme défaillante.

Et lorsque les oiseaux, amoureux, lancent leurs trilles
Vers les cieux éclairés par le jour radieux,
J’étouffe les sanglots de ce corps souffreteux,
Attendant qu’à la nuit les belles étoiles brillent.

A elles, je confie mon mal, mes tourments,
Baignant ma vie blessée à leur douce lumière,
Et laisse couler les larmes, perles sombres et amères,
L’encre marquant les pages de ce triste roman.

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juin 29

Aveu à la Lune

A vous, perle d’argent, astre des nuits brumeuses
Je confie les secrets, les paroles non dites,
De peur d’une maladresse, les gestes que j’évite
Et les tristes blessures en mienne âme amoureuse.

Je sais une belle de flamme que je salue souvent
Qui trop émeut mon cœur mais ne le connaît point;
Mes pensées volent vers elle mais ma langue les restreint
Car perdre son sourire serait un déchirement.

Connaissant mon esprit si prompt aux illusions,
Me sachant plein de doutes, j’ai voulu l’oublier;
Mais d’incessants échos en mes songes l’ont ancrée;
L’impulsion passagère s’est faite vive émotion.

Je ne sais si, pour elle, nos brefs échanges importent;
Ne comprenant les codes, les étranges artifices
Par lesquels une rose exprime les délices
Que font naître en elle les regards qu’on lui porte.

Est-ce excès de pudeur ou crainte de déplaire ?
J’enferme en moi les mots qui lentement me dévorent;
J’étouffe mes sentiments, trop vifs, et scelle mon sort,
Alourdissant mon être de peines qu’il me faut taire.

Alors, dame Séléné, et vous, tendres étoiles,
C’est vers vous que je tourne mes yeux perlés de larmes,
Pour évoquer encore sa douceur, ses mille charmes,
L’espérance qu’un jour, cet amour se dévoile.

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juin 17

Escamoteur

Mon esprit hoquetant, tressautant, vacillant,
Ne sait si, à cette heure, il peut encore songer.
Tant de choses lui semblent étrangement murmurées,
Des échos, des hoquets, des images rémanentes.

Et mon cœur trop malade, sombrement éprouvé
S’interroge : Est-ce signes, subtiles indications ?
Ou n’est-ce donc que chaos, futiles illusions ?
Trop d’espérances trompeuses l’ont durement blessé.

Oscillant entre rêves et tristesse pesante,
Ballotté par les flots de mon indécision,
Mon être virevolte de joie en dérisions,
Se fissure, se morcelle en humeurs changeantes.

Tel un radeau perdu sur l’océan immense,
Naufragé condamné si l’eau devient furie,
Ne sachant que choisir, j’opte pour l’inertie
Connaissant ma folie, j’en subi les errances.

Elle n’existe pas, n’est qu’un reflet conçu
Pour masquer la souffrance, l’isolement, la douleur.
Ma psyché l’a produite pour conjurer mes pleurs,
Effacer une absence, une vie non vécue.

J’aime une projection sans savoir le réel,
M’enfuis dans un refuge mental et fracturé,
N’ayant pas l’énergie pour me voir confronté
A un rejet possible, une peur matérielle.

Pathétique magicien enfermé dans mes ombres,
J’y réplique le monde pour mieux le façonner,
Le plier, le contraindre à ma propre pensée
Plutôt que d’ajouter une blessure en surnombre.

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avril 20

Pulsar

Sur les chemins de brume et d’ombre,
Depuis des temps immémoriaux,
Je traîne pesamment mes vieux os,
Toujours livide et l’âme sombre.

Chassant d’impalpables lueurs
Pour échapper à mes ténèbres,
Je fuis l’antre aux songes funèbres
Qui se meut parfois en mon cœur.

J’ai croisé mille et mille lumières,
La flamboyante à l’iris fauve,
La belle espiègle à l’œil mauve,
La flamme d’or aux yeux si clairs,

La brune madone en eaux d’azur,
Toute m’ont envoûté, fasciné.
Pourtant, jamais, je n’ai risqué
D’approcher ces merveilles si pures.

La longue solitude m’a rongé,
Dévoré l’esprit et le corps;
J’ai trop erré parmi les morts,
Leur nuit éternelle m’a marqué.

Pourtant, sans cause ni raison,
Au fond de moi gît un espoir,
Pâle étincelle sur toile noire
Maintenant sans fin son illusion.

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mars 8

Bris

Sur ce pâle ruban où défilent mes jours
Je chemine lentement, silencieux, atonique,
L’esprit, le cœur pesants, alourdis, léthargiques,
Le corps vieillissant, l’âme vidée d’amour.

Je n’ai plus l’étincelle, la sublime énergie
Qui nourrissait mes rêves, éveillait mes espoirs;
J’avance par habitude, dans un demi cauchemars,
Croisant des spectres blêmes, entre effroi et ennui.

Les yeux trop grand ouverts sur mes propres fêlures,
Mystérieux et fuyant, je masque mes émois.
Ennemi du miroir pour ce qu’il me renvoi
Je m’oublie loin du monde, de ses lentes tortures.

Je suis inadapté, ambivalent, unique,
Cherchant ma propre voie dans cette mascarade,
N’ayant pas les bons mots, les codes, la bonne façade
Tant mon être est zébré de déchirures iniques.

A vous, les milles âmes que mon cœur embrasa,
J’aurais aimé vous dire les flots de sentiments
Qui agitaient sans cesse ce djinn impénitent
Si j’avais su comment dominer l’embarras.

Le fat a fait long feu; depuis il est atone;
Quelques larmes ont coulées pour tout ce que j’ai tu
Mais à la solitude, à force, on s’habitue
Et dans les brumes du Temps la mémoire se cantonne.

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