novembre 22

Belle endormie

Par la fenêtre passe un rais chamarré d’or
Glissant sur la blanche nacre d’une épaule dénudée;
Quelques mèches obsidiennes viennent la caresser
Qui bientôt rejoindront l’oreiller où tu dors.

La soie d’une cotonnade couvre le doux satin
De ta gorge délicieuse, paisible, alanguie;
Tel le frôlement d’une vague sur la dune assoupie
La frêle étoffe dessine la coupole de ton sein.

La cambrure de ton flanc, la rondeur de tes hanches
S’esquissent en légerté sous le tissu complice;
Leurs courbures secrètes où nul ne s’immisce
Laissent entr’apercevoir un val où l’aube s’épanche.

Y a-t-il plus grandiose œuvre célébrant la Beauté
Que te voir étendue sous ce voile pudique ?
Gisante ensommeillée dans la lumière unique
D’un rouge matin d’automne au soleil mordoré.

Les cieux qui te contemplent ont-il seulement conscience
Du cadeau que tu offres en ton calme sommeil ?
Que ne donnerais-je point pour vivre cette merveille;
Pâle, le souffle court, sans oser un mouvement.

Allongé sur ta couche, à quelques mains de toi,
Immobile, de peur de briser cet instant,
Je resterais figé, craignant qu’en te touchant
Le beau songe ne s’efface, s’envole loin de moi.

Alors, ouvrant les yeux, je verrais ton absence,
Cette place déserte, ce vide inavouable.
Laissez-moi mon doux rêve, magique, inaltérable!
C’est un baume apaisant pour mon cœur en souffrance.

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septembre 20

Théâtre d’ombres

Dans les sombres méandres de ma prison mentale,
J’erre, pâle, l’âme exsangue, environné de spectres,
Figures de brouillard que mon néant fait naître
Pour combler mes absences en ce vide dédale.

Ces semblants d’existence, tissés en voiles d’ombres,
Étirent leurs blêmes trames en ce qui pourrait être,
Jouant leurs pantomimes, ne cessant de paraître,
Ébauches d’un vivant théâtre au cœur de décombres.

Ici s’étende le fil, toile d’une autre vie
Faite de tremblants échos, souvenirs illusoires,
Là, sur de beaux chemins que mes yeux n’ont su voir,
Un Autre dort dans les bras d’une nymphe épanouie.

Admirez ce conteur, ce barde aux mille chants,
Adulé, adoré pour ses mots magnifiques!
L’Artiste de son Temps aux écrits prolifiques,
Laissant aux rimailleurs une bribe de son talent.

Et ce grand philosophe aux idées novatrices!
Le superbe orateur que tant d’esprits encensent;
Le génial musicien ayant extrait l’essence
D’une ode à l’univers, aux étoiles complices.

Tout cela et tant d’autres, fugitives visions,
Emplissent ce labyrinthe pour masquer mes lacunes.
Elles défilent, innombrables, mais je n’en cherche qu’une:
Celle qui effacera ma tristesse sans nom.

Existe-t-elle seulement ? L’ai-je déjà croisée?
Mais pris dans mes tourments je l’aurais ignorée?
Ou bien serait-ce celle à qui je ne sais avouer
Mes sentiments profonds, craignant de la peiner?

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septembre 12

Monolithe

Sur un rivage vide de ce vaste océan,
Le regard dans le vague, perdu vers l’horizon,
Je sens tourner le monde, défiler les saisons,
Immobile, figé, dans un repli du Temps.

J’ai vu tant de navires faire voile vers l’aurore
Et revenir chargés d’histoires et de merveilles,
Se lier tant de cœurs, tant d’amours qui s’éveillent…
Pourtant, seul, je demeure, minéral, presque mort.

J’entends encore les rires des nymphes du Printemps
Passant par devers moi pour s’en aller danser
Aux fêtes de l’équinoxe puis au bal de l’été;
Mais jamais elles ne m’ont associé à leurs chants.

Je ne sais ni les mots qu’attendent les amantes,
Ni les douces mélodies pour leurs âmes charmer.
Je reste sans parole, de peur de les brusquer,
Leurs gestes restent mystères à mon âme défaillante.

Et lorsque les oiseaux, amoureux, lancent leurs trilles
Vers les cieux éclairés par le jour radieux,
J’étouffe les sanglots de ce corps souffreteux,
Attendant qu’à la nuit les belles étoiles brillent.

A elles, je confie mon mal, mes tourments,
Baignant ma vie blessée à leur douce lumière,
Et laisse couler les larmes, perles sombres et amères,
L’encre marquant les pages de ce triste roman.

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juin 29

Aveu à la Lune

A vous, perle d’argent, astre des nuits brumeuses
Je confie les secrets, les paroles non dites,
De peur d’une maladresse, les gestes que j’évite
Et les tristes blessures en mienne âme amoureuse.

Je sais une belle de flamme que je salue souvent
Qui trop émeut mon cœur mais ne le connaît point;
Mes pensées volent vers elle mais ma langue les restreint
Car perdre son sourire serait un déchirement.

Connaissant mon esprit si prompt aux illusions,
Me sachant plein de doutes, j’ai voulu l’oublier;
Mais d’incessants échos en mes songes l’ont ancrée;
L’impulsion passagère s’est faite vive émotion.

Je ne sais si, pour elle, nos brefs échanges importent;
Ne comprenant les codes, les étranges artifices
Par lesquels une rose exprime les délices
Que font naître en elle les regards qu’on lui porte.

Est-ce excès de pudeur ou crainte de déplaire ?
J’enferme en moi les mots qui lentement me dévorent;
J’étouffe mes sentiments, trop vifs, et scelle mon sort,
Alourdissant mon être de peines qu’il me faut taire.

Alors, dame Séléné, et vous, tendres étoiles,
C’est vers vous que je tourne mes yeux perlés de larmes,
Pour évoquer encore sa douceur, ses mille charmes,
L’espérance qu’un jour, cet amour se dévoile.

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juin 17

Escamoteur

Mon esprit hoquetant, tressautant, vacillant,
Ne sait si, à cette heure, il peut encore songer.
Tant de choses lui semblent étrangement murmurées,
Des échos, des hoquets, des images rémanentes.

Et mon cœur trop malade, sombrement éprouvé
S’interroge : Est-ce signes, subtiles indications ?
Ou n’est-ce donc que chaos, futiles illusions ?
Trop d’espérances trompeuses l’ont durement blessé.

Oscillant entre rêves et tristesse pesante,
Ballotté par les flots de mon indécision,
Mon être virevolte de joie en dérisions,
Se fissure, se morcelle en humeurs changeantes.

Tel un radeau perdu sur l’océan immense,
Naufragé condamné si l’eau devient furie,
Ne sachant que choisir, j’opte pour l’inertie
Connaissant ma folie, j’en subi les errances.

Elle n’existe pas, n’est qu’un reflet conçu
Pour masquer la souffrance, l’isolement, la douleur.
Ma psyché l’a produite pour conjurer mes pleurs,
Effacer une absence, une vie non vécue.

J’aime une projection sans savoir le réel,
M’enfuis dans un refuge mental et fracturé,
N’ayant pas l’énergie pour me voir confronté
A un rejet possible, une peur matérielle.

Pathétique magicien enfermé dans mes ombres,
J’y réplique le monde pour mieux le façonner,
Le plier, le contraindre à ma propre pensée
Plutôt que d’ajouter une blessure en surnombre.

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avril 20

Pulsar

Sur les chemins de brume et d’ombre,
Depuis des temps immémoriaux,
Je traîne pesamment mes vieux os,
Toujours livide et l’âme sombre.

Chassant d’impalpables lueurs
Pour échapper à mes ténèbres,
Je fuis l’antre aux songes funèbres
Qui se meut parfois en mon cœur.

J’ai croisé mille et mille lumières,
La flamboyante à l’iris fauve,
La belle espiègle à l’œil mauve,
La flamme d’or aux yeux si clairs,

La brune madone en eaux d’azur,
Toute m’ont envoûté, fasciné.
Pourtant, jamais, je n’ai risqué
D’approcher ces merveilles si pures.

La longue solitude m’a rongé,
Dévoré l’esprit et le corps;
J’ai trop erré parmi les morts,
Leur nuit éternelle m’a marqué.

Pourtant, sans cause ni raison,
Au fond de moi gît un espoir,
Pâle étincelle sur toile noire
Maintenant sans fin son illusion.

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mars 8

Bris

Sur ce pâle ruban où défilent mes jours
Je chemine lentement, silencieux, atonique,
L’esprit, le cœur pesants, alourdis, léthargiques,
Le corps vieillissant, l’âme vidée d’amour.

Je n’ai plus l’étincelle, la sublime énergie
Qui nourrissait mes rêves, éveillait mes espoirs;
J’avance par habitude, dans un demi cauchemars,
Croisant des spectres blêmes, entre effroi et ennui.

Les yeux trop grand ouverts sur mes propres fêlures,
Mystérieux et fuyant, je masque mes émois.
Ennemi du miroir pour ce qu’il me renvoi
Je m’oublie loin du monde, de ses lentes tortures.

Je suis inadapté, ambivalent, unique,
Cherchant ma propre voie dans cette mascarade,
N’ayant pas les bons mots, les codes, la bonne façade
Tant mon être est zébré de déchirures iniques.

A vous, les milles âmes que mon cœur embrasa,
J’aurais aimé vous dire les flots de sentiments
Qui agitaient sans cesse ce djinn impénitent
Si j’avais su comment dominer l’embarras.

Le fat a fait long feu; depuis il est atone;
Quelques larmes ont coulées pour tout ce que j’ai tu
Mais à la solitude, à force, on s’habitue
Et dans les brumes du Temps la mémoire se cantonne.

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janvier 20

Echos du temps

Si je pouvais, parfois, revenir en arrière,
Faire cet autre choix, un simple geste, un pas,
Prendre une voie différente, menant à d’autres moi,
Une vie où j’ai su dire ce que je ne sais que taire.

Les occasions perdues, les histoires non écrites
Parce que je n’ai pas su prononcer les bons mots…
Pour ne pas perturber, n’être pas un fardeau,
Par peur du rejet, tant de phrases proscrites…

Mon monde si différent de mes contemporains,
Un décalage subtile, tant d’incompréhensions…
De petites blessures en tristes déceptions
Mon fil s’est tissé un bien étrange chemin.

Que n’ai-je su comprendre certaines marques d’attention!
L’esprit emprisonné dans de sombres pensées,
Caché sous une armure, une sinistre livrée,
J’ai joué l’indifférence, pris dans mes illusions.

Combien ai-je pu blesser sans jamais le savoir ?
Autant de cicatrices me déchirant le cœur…
Le pauvre organe s’afflige, s’affaiblit…Il se meurt
De n’avoir qu’été sot, nourri de faux espoirs.

Je ne suis plus alors qu’une vieille coquille vide
Buvant l’amer regret que mes larmes génèrent.
Pardonnez mes affronts, ils furent involontaires!
Mon âme en paie le prix en mornes heures livides.

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novembre 11

Corrosion

Voici la saison lente, les jours léthargiques
Où tout se fige et sombre en une morne atonie;
Les minutes se font siècles, comateuse agonie,
Une lancinante usure, un monde neurasthénique.

Les vagues lourdes, huileuses, assaillent mon être esprit,
Rongent l’exquise flamme, corrodent mes pensées.
Un pesant voile s’étend, m’enveloppe d’obscurité.
Mon cœur, mon âme s’enlisent dans une bourbeuse nuit.

Les étoiles s’éteignent, s’étiolent les sourires
A mesure que s’enfonce cette vrille de ténèbres.
Glacé, mon corps s’effondre dans le pays funèbre
Où le froid et l’absence viennent la vie ternir.

Toute source de joie à mes lèvres est tarie.
Les feux sont étouffés, l’ivresse, amère et vide.
J’erre, presque sans force, fantôme au teint livide,
Tandis que le néant dévore mon énergie.

Où demeure l’étincelle pour ce soleil éteint?
La pétillante oiselle du printemps retrouvé
Existe-t-elle ici ou n’est-elle que rêvée?
Où se cache la lumière lorsque l’ombre m’étreint?

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août 18

Antiquaille

Je suis une mécanique ancienne, aux roues grippées,
Une enveloppe alourdie par ma longue négligence.
Mon esprit millénaire, chargé d’heures et d’absences
S’embarrasse de ce corps qu’il a longtemps nié.

Une âme courant d’air prise dans une gangue rigide,
N’ayant pas fais l’effort de bien l’apprivoiser,
Qui voudrait maintenant l’assouplir, le plier
Comme un simple roseau, une pelote qu’elle dévide.

Mais les affres du temps ont bien fait leur office;
Raideurs, maladresse, pliures douloureuses
Viennent miner l’envie, l’idée aventureuse,
Et révéler les failles de l’instable édifice.

Le cuir est trop épais, les chairs faibles et flasques,
L’armature n’a jamais vraiment été robuste.
Vouloir rendre ce roc souple comme l’arbuste
Est sinon fastidieux, hasardeux et fantasque.

Au cœur, horloge précieuse qui contrôle l’émoi,
Une serrure greffée pour le bien remonter.
Mais qui donc en ce monde possède la bonne clé?
Ses rouages déréglés le font si triste et froid…

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