juin 16

Châtiment

Sous la voûte céleste encombrée de nuages
Un frêle îlot de songes est venu s’échouer.
Coincé entre deux mondes, nul ne peut le trouver,
Nul ne peut atteindre son étrange rivage.

Pris dans un sombre rêve, enchaîné au réel,
Sur cette île inconnue un corps geint et s’agite;
L’esprit fragmenté en une spirale de mythes,
De mystérieux signes marquant sa chair mortelle.

De son regard voilé s’écoule une noire humeur
Se mêlant au déluge inondant cet éther.
Elle ruisselle au pied d’une germe d’Enfer
Laissant s’épanouir de méphitiques fleurs.

Les profondes racines de cette plante infernale
Enserrent avec force les pieds de ce gisant.
Elles plongent en son sein, toujours se nourrissant
De sa moindre souffrance, alimentant son mal.

Rêverait-il d’espoir, d’envol, d’évasion
Qu’aussitôt l’avide ronce lui instillerait
L’essence de son malheur, le ténébreux secret
Qui dévore son âme, consume ses illusions.

En un cruel chœur de sinistres murmures,
D’avides apparitions viennent le menacer:

« N’as-tu donc pas compris? Seul, de tous oublié,
Dans cette île prison, nourrissant tes blessures,
Loin des mondes, loin du temps, toujours tu resteras.

C’est la seule récompense que ta vie laissera,
Cette odieuse agonie, toi qui t’es cru si pur,
On te l’infligera pour l’Éternité. »

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juin 11

Manque

Il y a si longtemps que la Nef est partie,
Ce navire t’emportant vers cet autre pays.
Mon étoile, ma lumière, le poids de ton absence
Me fait courber l’échine et me déchire les sens.

Dans ma demeure de pierre, l’âtre toujours brûlant
Ne réchauffe plus mon cœur, le froid me vrille le sang.
Privé de ta présence, de ta douce énergie,
Le Temps dévore mon corps, laisse mon esprit transi.

Tout le jour, je geins, je t’appelle près de moi !
Je pleure,je désespère et mes sanglots me noient.
Mon tourment ne s’apaise que lorsque vient la nuit
Où je plonge vers le rêve loin de mon infamie.

D’une pensé je t’évoque, te trouve au creux d’un songe,
T’enlace pour chasser la douleur qui me ronge,
Retrouver ta chaleur, ton souffle élyséen
Et goutter à tes lèvres ton envoûtant parfum.

Mais quand j’ouvre les yeux, que vois-je ? Ce n’est pas toi !
Ce n’est qu’une inconnue qui m’a offert ses bras.
Elle ne peut savoir, l’inconsciente ingénue
Que m’ouvrir sa couche, c’est son trépas venu !

Ses langoureuses caresses n’attisent que ma faim,
Cet étrange appétit que ta présence éteint.
Je t’en prie, ma lumière, ne te sens pas trahie !
Elle n’est qu’une agape, doucereuse comme un fruit.

Pour ne jamais heurter ta nature délicate,
Cette bête assoiffée soumise aux lois d’Hécate
Refuse d’infliger une once de souffrance
La proie disparaîtra bien vite et en silence.

Au matin s’estompera cette nuit écarlate,
A mesure que du ciel les feux enfin éclatent,
Seule mon âme obscure demeurera entachée.
Belle dame, de toute souillure tu sera préservée.

Dès lors je retrouverai l’agonie de mes jours
Souffrant sans rien en dire, j’attendrai ton retour.

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