mars 13

Euryale

Une nuit caniculaire baignée d’astres sanglants,
Tout mon être poissé de fiévreuses visions,
Je bondis hors des songes comme d’un abîme profond
La cervelle enflammée, le cœur trop palpitant.

J’avais suivi dans l’Ombre une voie dissimulée
M’aventurant bien loin des féeries coutumières;
Perdu dans mes pensés, j’ignorai les frontières
Que nul ne doit franchir sans en être marqué.

Sans le savoir, j’errai aux portes de l’Hadès,
N’accordant à ses spectre une once d’attention
Lorsqu’un souffle subtil montant hors des tréfonds
Glissa sur mon épaule l’esquisse d’une caresse.

Ce frôlement silencieux porta en mon oreille
Le frissonnant murmure d’une voix oubliée.
Je levais le regard, mon esprit ébranlé
Par le souvenir vague d’une femme sans pareille.

Je me trouvais saisi de la découvrir là
Alors que, comme tant d’autres, elle n’était que chimère.
J’avais vu son essence se perdre dans l’Éther
Lorsqu’elle avait croisé la maîtresse du Trépas.

Ma plume l’avait pleurée longtemps, inconsolable
Et j’avais tant souhaité un instant la revoir
Que cette vibrante empreinte en ces lieux de cauchemars
M’emplit le cœur d’effroi, faiblesse insupportable.

Je tournais les talons, ce spectre sur mes pas
Sentant sur mon échine courir ses doigts glacés;
La belle des ténèbres cherchait à m’agripper,
M’entraîner dans un monde où la lumière ne va.

Une promesse brisée, la cause de son ire;
Moi, coupable parjure, fuyant ma punition;
Je touchais aux limites de ma faible raison;
Seules les portes du Songe pourraient me secourir.

Je quittais avec force ce rêve enténébré
Et, atteignant l’éveil, j’ouvris les yeux, pantelant
La nuque me brûlait comme au feu d’un volcan
Depuis lors, je demeure sans repos, l’âme hantée.

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mars 5

Belle à sa fenêtre

Lorsqu’un blême soir d’hiver, dans ce bus désolé
Où m’avait déposé l’ombre d’une vie d’errance,
Je surpris le reflet d’une détresse intense
Sur les traits d’une belle à la candeur fanée

Il me vint en mémoire un souvenir fugace:
Un visage aperçu pendant un bref instant,
La grâce d’une épaule au contour attrayant
Et l’eau bleu d’un regard qu’un léger voile efface.

Répondant en écho à cette apparition
Comme sur une onde claire s’étendent les ridules,
Mon cœur fit un écart, tintant comme pendule,
Soumis à une ancienne et vibrante émotion.

Mon esprit fit renaître l’atome d’un parfum,
Une fragrance enivrante aux arômes uniques;
Agrumes, citron doux… Mélange magnifique!
Sa seule propriétaire au malheureux destin…

Le claquement d’un ressort sonna dans ma poitrine
Alors que jaillissait l’histoire de cette beauté.
Oh, toi, si tendre spectre de ces temps reculés,
Qu’est-il donc advenu de ta personne divine ?

Nous étions jeunes alors, si jeunes et insouciants…
Prêts à tout nous promettre, ne jamais oublier.
Le Temps nous a trahis, l’existence est passée
Emportant avec elle nos amours d’enfants.

Toi qui doit être une autre, qu’es-tu donc devenue?
Toi qui était mon autre, ma charmante ingénue…
Par delà cet abîme que les siècles ont dressé,
Je songe à toi, ma chère, ma troublante Alithée.

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