Le chantre réprouvé
« Sous la rigide carapace
Le sentiment se fait moins fort
Comme si l’être à demi mort
Se figeait soudain sous la glace »
Attablé dans un recoin sombre
Les yeux rougis et fatigués
Le jeune poète désabusé
Effiloche ses vers dans l’ombre
Il a déjà tout fait, tout vu
Reprenant toujours à son compte
Les mésaventures et les hontes
Des clients ayant un peu bu
Il a connu mille amantes
Dormi dans des couches de toutes sortes
Eprouvé des passions si fortes
Livré son cœur à des passantes
Tant de fois il s’est vu défié
Par tous ces maris bafoués
Qu’il devrait être agonisant
Dans un quelconque fossé béant
S’il avait seulement l’honnêteté
De livrer ses vraies émotions
Et ne pas faire le fanfaron
Alors ses vœux seraient comblés
Il cache sous ses airs de dandy
Une blessure jamais fermée
La fleur maudite de sa lâcheté
Son grand amour, il l’a fuit
Des mots qu’il n’a pu prononcer
Il s’est fait une Némésis
Et savoure comme un délice
Chaque douleur qu’il se crée
Ses écrits sont sa catharsis
Cette table la scène de son déclin
Sa plume se nourrit de chagrins
Qu’il transforme en maléfices
Prise dans le voile de son cynisme
Son âme s’est vue dénaturée
Il reste seul et ignoré
Engoncé dans son égoïsme.