Par delà l’obscurité
Par une nuit lugubre d’un hiver glacé
Dans un bois d’arbres sombres aux branches raides de givre
Où mes pas m’emportèrent, pareil à un homme ivre
Un sinistre murmure par le vent fut porté
Tiré de mes pensées par cet engoulevent
Je vis par devers moi une lumière danser
Entre les troncs noueux, elle semblait sautiller
S’éteindre et rejaillir dans un bref rougeoiement
Attiré par ces feux dans la froideur nocturne
Et par le son étrange d’une flute funèbre
Je m’approchais d’un lieu envahi de ténèbres
Une vaste clairière aux allures de Saturne
Un sol de terre nue planté de pierres dressées
Où glissaient quelques formes parées de capes sombres
Le visage masqué par des loups voilés d’ombres
Se tordant en un cercle où brulait un foyer
D’étranges borborygmes s’élevaient de cette foule
Des accords gutturaux, des formules scandées
D’horribles gargouillis et des voix déformées
Une affreuse assemblée de sorciers et de goules
Soudain, en un mouvement le groupe se figea
Le silence se fit, lourd et menaçant
Dans l’air résonna un étrange bourdonnement
Et la trame du monde lentement se déchira
Emergeant de l’abyme où elle fut enfermée
Appelée par les chants aux accords chaotiques
Et les lamentations d’adeptes extatiques
Une indicible horreur se trouvait libérée
Tenaillée par la peur, je fus cloué au sol
Incapable de lâcher le regard de la chose
Je la vis engloutir goulument la chair rose
D’un prêtre présidant à cette assemblée folle
Mon esprit combattant mon corps tétanisé
Cherchant l’échappatoire à l’horreur approchant
Je ne pus qu’assister, malade et impuissant
Au répugnant festin du monstre affamé
Ne pouvant qu’abréger l’inévitable sort
Désireux d’éviter de trop longues souffrances
Je plongeais, seul maître de ma courte existence
Dans la gueule béante de la Bête aux yeux morts
Dans l’immonde gosier le cœur me manqua
Ma conscience s’éteint, mon âme s’évanouit
Sombrant dans le néant je chutais de mon lit
Sortant de ce cauchemar empêtré dans mes draps
Un détail pourtant troublait mon horizon
Une forme indistincte perçue du coin de l’œil
Quelques notes funèbres, un froissement de feuilles
Me remémorent ce rêve et rongent ma raison.