janvier 24

Ombre et lumière

Sous la lune de diamant dansent des ombres fines
Des nymphes drapées de brume au corps fuselé
Dans les rais de lumière elles viennent virevolter
Pour mieux se dérober, magnifiques mutines

Sur les rives dans un voile fait d’algues et de roseaux
Glissent de timides elfes, observant les ondines
S’enivrant de leurs jeux et de leurs voix divines
Ils n’osent s’aventurer parmi les vertes eaux

Les arbres centenaires doucement tendent leurs branches
Pour profiter un peu de l’énergie céleste
Renvoyée par cet astre à l’allure funeste
Refuge des âmes perdues, désert de poussière blanche

Un rayon égaré fait briller le plumage
D’un corbeau noir de jais au regard sévère
L’oiseau lisse ses plumes sous la clarté lunaire
Avant de s’envoler vers d’étranges rivages

Le joyeux babillage des aqueuses demoiselles
Se trouve soudain troublé par son rauque croassement
Un instant son aile sombre masque le rayonnement
Du joyau argenté, intrigant les donzelles

Assis dans la pénombre sur mon trône d’obsidienne
Caché parmi les troncs d’une forêt oubliée
J’observe leur manège de mon regard d’acier
Echafaudant un plan pour enfin les faire miennes

Leurs amusements n’ont que bien trop durés
Moi le roi des ténèbres, père de l’obscurité
Je vais voiler le ciel et cet astre enchanté
Et saisir dans mon poing leur tendre peau nacrée

Je vais les enfermer, en faire mes enfants
Dérober leur teint pâle, leur chevelure d’argent
Les rendre pareil à moi, corrompre leur pureté
Leur offrir mes richesses pour mieux les enchainer

Lorsqu’enfin leur essence sera dénaturée
Que ma toute puissance les maintiendra soumises
La Nature ploiera sous ma terrible emprise
Et je m’emparerai de l’univers entier.

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janvier 17

Prisonnier du songe

La nuit qui m’environne me semble éternelle
Pas un brin de lumière ne filtre sous les croisées
Dans le ciel d’hiver, le soleil est masqué
Sa clarté éphémère brille d’une absence cruelle

Je tourne et me retourne dans cette obscurité
Espérant le sommeil ou l’illumination
Pour m’extraire de ce rêve, cette sombre illusion
Qui m’oppresse un peu plus et veut m’emprisonner

Empêtré dans ce songe qui m’entraine plus profond
Dans l’insondable abysse de mes désillusions
Là où même se perdent le sens et la raison
Où disparaissent aussi les moindres émotions

Autour de moi les ombres se déforment et se plient
Dansant une sarabande infernale, entêtante
Elles veulent me faire entrer dans leur valse épuisante
Marquant ma pauvre chaire de leur essence honnie

Chahuté et meurtri par leurs coups incessants
Poussé de tous côtés, l’esprit prêt à sombrer
Je regagne bien vite ma couche aux draps glacés
Souhaitant que s’évanouissent ces esprits encombrants

Alors me revient ma triste condition
Je distingue à nouveau ma chambre aux murs de pierre
Des remugles d’humus viennent appesantir l’air
Et cet enfermement ma longue punition

Je suis l’ombre d’un homme, le fantôme oublié
J’ai nié mon trépas, tout fait pour l’adoucir
Dans mon antique caveau je n’ai plus qu’un désir
Un corps pour réchauffer mon épiderme gelé.

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janvier 9

Belle du néant

Les nuits sans lune la rose d’opale
Danse sur un fil fraichement tissé
Une soyeuse toile d’araignée
Tendue sur le soir, tel un voile

Capricieuse, elle s’épanouit
Lorsque du ciel tombent les anges
Que la couleur des eaux change
Et que le soleil s’obscurcit

Ses racines plongent dans un abyme
Aussi profond que mystérieux
Elle y puise le sang ténébreux
Qui lui donne sa teinte sublime

L’apogée de l’obscurité
Diffuse son parfum unique
Exhale sa fragrance mirifique
Ravivant des ombres oubliées

Ces fantômes sortis du néant
Se mêlent aux rêves des malheureux
Assoupis trop près de ces lieux
Où fleurit ce joyau sanglant

Leurs essences se voient aspirées
Par les noires fantasmagories
Que la plante ramène à la vie
Et soumet à sa volonté

Les pauvres passants égarés
Iront nourrir l’épais humus
Que ce sombre végétal suce
Pour croitre encore et perdurer.

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janvier 6

Mystère du vivant

Sous les cicatrices d’encre et l’épiderme pâle
Sous le muscle atrophié et la vivante chair
Derrière l’os abîmé et le tissu de nerfs
S’épanouit la puissance d’un mirifique graal

Derrière le brun miroir de ces grandes pupilles
Entre les masses grises, les circonvolutions
Sous les neurones qui brulent, s’enflamment avec passion
Une simple étincelle lentement s’allume et brille

Dans ce cœur vivace ou palpite le sang
Dans l’insondable puits où s’agite la vie
Où se créent tous les maux et toutes les folies
Se forme un maelstrom d’énergie persistant

Derrière ce sourire, ces lèvres au teint nacré
Ce doux remerciement, cette tendre attention
Un mécanisme étrange, un millier d’émotions
Cohabitent ensemble pour mieux se succéder

Derrière ce masque où passent d’innombrables expressions
Où dansent l’une et l’autre au rythme des battements
D’une machine formidable, un cœur papillonnant
S’affrontent sans répits légèreté et raison

Dans ce pantin de chairs, d’ossements enchevêtrés
Caché au plus profond de ce corps meurtri
Une âme mystérieuse repose, assoupie
Dans ses rêves murissent de bien étranges idées.

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janvier 2

Jeu de dupes

Pupilles d’onyx sur peau nacrée
Cheveux de jais, lèvres carmin
Au poignet une touche de jasmin
A son cou elle glisse un camée

Drapée dans une robe turquoise
Sur son front un diadème d’or fin
Une ombrelle doublée de satin
La tient dans l’ombre qu’elle apprivoise

Lui le visage couleur de cendre
Le cheveu tirant vers l’argent
Le regard d’un bleu océan
Une mine que lui seul peut comprendre

Une veste de velours rubis
Passée sur un jabot ivoire
Appuyé sur une canne noire
La contemple avec grande envie

Dans les ténèbres l’un guette l’autre
Prêt à tout pour la posséder
Il pare ses mots de teintes sucrées
Pour mieux la pousser à la faute

Lorsqu’elle est prête à succomber
Qu’il tient dans sa main son doux cœur
Etanchant sa soif de bonheur
Au cou de la pauvre affolée

En lui s’écoule tel un brasier
Le feu de la vie qu’il lui vole
S’en délectant comme d’un alcool
Il sent son corps se glacer

L’ingénue s’est fait dame de mort
Sous la passion de son baiser
Elle a rejoint l’espèce damnée
De l’être contre qui elle s’endort.

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