août 16

Lady Lou

Lady Lou la belle effeuilleuse
Danse au repaire des naufragés
Chaque soir devant les habitués
Elle exhibe ses courbes généreuses

Exécutant son numéro
Au son d’un vieux piano usé
Elle danse d’un pas chaloupé
Son déhanché bat le tempo

Comme toujours elle fascine
Les marins mettant pied à terre
Et les soldats permissionnaires
Oublient leurs rixes assassines

Elle est si belle lorsqu’elle ondule
Au rythme des touches martelées
Tous souhaitent l’enlacer
Et la sortir de sa bulle

Lorsque s’arrête la musique
La délicate bien vite s’efface
Ses traits de figent, son corps se glace
Elle cesse sa danse hypnotique

Elle repasse les étoffes fanées
Sur sa peau couleur de nacre
Et se glisse bien vite dans un fiacre
Qui l’emmène dans la nuit glacée

Personne ne sait où elle s’en va
Ni d’où vient l’étrange cicatrice
Qui zèbre son dos et sa cuisse
Qui a bien pu lui faire cela ?

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juillet 15

L’estaminet des naufragés

Dans les bas quartiers d’Ombrelune
Danse la plèbe débraillée
Partout on peut s’encanailler
S’enivrer ou chercher fortune

Sous les vieilles voutes de pierres
S’entassent brutes et coquins
Grands voyageurs et musiciens
En quête de bonheurs éphémères

Il y a là la belle Saréla
Danseuse au corps toujours mouvant
Qui vous compte tout en ondulant
Ce qui la fit tomber si bas

La douce avait un prétendant
Qui lui contait monts et merveilles
Et disparu dans son sommeil
La veille des noces, au jour levant

Devant le bar se tient Bert
Aventurier des terres du Nord
Que l’appétit pour les trésors
A poussé trop près des Enfers

Il boitille sur sa jambe de fer
En recomptant ses pièces d’or
Maugréant sur le mauvais sort
Noyant sa morgue dans la bière

Dans un recoin dissimulé
Se tient la bande de Dermignon
Menteurs, voleurs et maquignons
La vilénie personnifiée

Toujours sur un coup fumant
De tous les complots, les braquages
Ces spécialistes en filoutage
Craignent la potence à tout instant

Dans cette faune alcoolisée
Je louvoie silencieusement
Tel une ombre, glisse lentement
Vers une table isolée

Je viens ici pour m’oublier
Faire taire mon âme et ses plaintes
Avec les espérances défuntes
De ceux que l’on a rejetés

Comme eux j’ai perdu tous mes rêves
Brisés sous le poing du malheur
J’attends que vienne ma dernière heure
Et qu’enfin mon histoire s’achève.

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juin 24

Mirage antique

Dans une tour aux mille marches
Sur une terre abandonnée
D’étranges chants sonnent sous les arches
Bribes de souvenirs oubliés

Ces fragments de mémoire volètent
Dansent en tous sens, en liberté
Au cœur d’un monde où tout s’arrête
Ravivant les feux du passé

Dans ce silence de mausolée
Résonnent odes et lamentations
Eclats de joie, belles amitiés
Passions intenses, rêves profonds

Ces sons venus du fond des âges
Se mêlent à la réalité du monde
Tissant le somptueux plumage
D’un oiseau lyre à la crête blonde

Le chant de l’oiseau merveilleux
Fait vibrer la trame du ciel
Ouvrant un passage fabuleux
Vers des étoiles immatérielles

Lorsque l’oiseau déploie ses ailes
Faites de voiles éthérés
Tout un univers se révèle
A qui veut bien s’émerveiller

Etre des songes, fleur de mon âme
Laisse-moi contempler ton iris
M’abîmer dans sa divine flamme
Pour m’extraire enfin de l’abysse

Je veux retrouver les nuées
Quitter ce fleuve de souffrance
Ne plus m’abreuver au Léthé
Combler pour toujours cette absence

Mes rimes sont pâles ombres de ton chant
Mes mots si faibles face à tes trilles
Phébus éternelle inconstant
Qu’en moi, à nouveau, ton feu brille

Laisse-moi encore charmer de mon sang
Reines et rois de toutes les contrés
D’un ultime trait d’esprit charmant
Sceller les anciennes amitiés.

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mai 3

Calice des maudits

A l’aube des premiers temps, dans la jeunesse du monde
Lorsque les premières lunes la nuit resplendissaient
Dans un antique temple où je m’aventurais
Trônait une relique plongée au cœur de l’onde

Curieux et intrigué j’approchai du trésor
Tendant vers l’objet une main hésitante
Jusqu’à presque toucher la merveille brillante
J’aperçu tout soudain un brulant météore

L’étoile fendait le ciel comme un avertissement
Une divine mise en garde devant mon intérêt
Ma soudaine passion pour cet étrange objet
Les cieux me menaçaient en ce crucial instant

Alors que je saisi le mystérieux calice
L’astre s’évanouit, dissimulant ses feux
Des fantômes apparurent, figés, devant mes yeux
Tous tenant la coupe, d’un bizarre mimétisme

Entrainé par mon geste, je portai à mes lèvres
Le surprenant calice, soudainement assoiffé
J’avalais goulument une grande gorgée
Et mon esprit s’ouvrit comme le jour se lève

Je reconnu chaque forme comme étant de mes pairs
Frères et sœurs à l’âme depuis lors marquée
Par l’eau de cette coupe et ses propriétés
Compagnons d’infortune aux destinées amères

Tels des Prométhée nous volâmes aux dieux
Un savoir interdit, une connaissance cachée
Nous ouvrant un accès aux mondes dissimulés
Nous liant par là même à un sort malheureux.

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avril 19

Figé

Le réel m’entrave de ses lourds liens d’acier
M’éloignant de ma plume et de mon encrier
Chargeant chaque heure qui passe d’amertume, de conflits
Enchaînant mes passions, les vouant aux gémonies

Les rêves fuient mon chemin, me privent d’illusions
M’enlèvent le merveilleux, assèchent mes émotions
Ne restent que colère, triste désenchantement
Délesté de ses songes mon cœur devient méchant

Je confine au cynisme, moquant, grinçant des dents
Charge mes mots d’acide, d’acerbes ressentiments
Je jalouse les rêveurs, éternels innocents
J’envie leurs belles rimes, leur prodigieux talent

Je traine comme un poids mort mon âme emprisonnée
Dans un carcan de fer et de regrets mêlés
Mon esprit se repait de futiles distractions
Pour mieux tromper le vide, atroce sensation

Lorsque les chants se taisent, que la flamme s’éteint
Le néant conquérant reprend son lent dessein
Il ronge peu à peu barricades et armures
Leurrant ses partisans d’un renouveau futur.

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octobre 30

Emprise

A l’heure où l’équilibre meurt
Où le masque est fragilisé
Ressortent les sombres cotés
Océans de larmes intérieures

C’est l’instant où tombent les défenses
Les faux semblants sont révélés
Les douleurs qu’on pensait scellées
Ressurgissent en un froid silence

Les paysages se font cendres
Nuances de gris, d’obscurité
De lourdes chaînes viennent entraver
L’espoir qui voulait reprendre

Figé dans le vide éternel
L’esprit lentement se désagrège
En une suie couleur de neige
Couvrant une plaine irréelle

Le corps privé de son essence
Devient statue de pierre usée
Rongée par les peurs insensées
Corrompant cette enveloppe dense

Laminé par tant de souffrances
L’hôte est laissé à l’abandon
Cédant la place aux illusions
Qui s’emparent de sa substance

Les ombres ont alors un vaisseau
Livré à leurs noires volontés
Sous leur emprise il est tombé
A jamais damné, sans repos.

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septembre 16

Malheur

La vieille plume d’argent s’est rompue cette nuit
La muse contrariée a fuie avec la lune
L’encre larme d’étoile s’est toute évaporée
Et le beau parchemin tout à coup s’est ridé

L’écritoire enchanteur se retrouve penché
Les mots bien ordonnés se sont éparpillés
Les doigts se sont crispés sur une rime importune
Les vers deviennent bancals sur le papier meurtri

La toile s’est fendue dans un long déchirement
Les rêves se sont brûlés à la flamme des bougies
Dans un profond soupir le monde s’est racorni
L’inspiration se terre dans un silence pesant

Le poète se morfond sur ses outils ruinés
Sur ses oeuvres en friches qui ne murissent plus
Ses songes se sont ternis, ses illusions perdues
Il se sent orphelin, triste, dépossédé

Qui donc a décidé de lui voler ses dons?
Pour quelle obscure raison lui sont-ils retirés?
Quelle est donc son erreur, pourquoi le rejeter?
Ses écrits sont l’unique pilier de sa raison

« Oh Muse, pourquoi fuir? Pourquoi m’abandonner? »
« Nos associations furent pourtant merveilleuses. »
« Qu’ai-je donc bien pu faire qui vous rende malheureuse? »
Ainsi il se lamente, ses espoirs brisés.

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septembre 13

Failles

Le masque quotidien brusquement se fissure
Les ténèbres reviennent triturer mes entrailles
D’éternelles blessures suintent à nouveau le sang
Le poison se répand de nouveau dans mes veines

Les angoisses ressurgissent, exacerbant ma peine
Une crise nouvelle attise mes tourments
Un flot de souvenirs, une nouvelle bataille
Une pluie de souffrances déchire mon armure

Toujours les mêmes maux, les même cicatrices
Qui se rouvrent à mesure que tombe les défenses
Rien ne peut arrêter ces vagues déferlantes
Ni les sombres murmures du démon intérieur

La subtile apparence ne cache plus les pleurs
Les larmes couleur de cendre fruits d’erreurs qui me hantent
Mon corps couturé révèle sans élégance
Ses myriades de fractures, ces failles révélatrices

En surface s’expose l’horreur dissimulée
Le poids de cette vie, plus lourd à chaque instant
Ma détresse intérieure, mes rêves de dément
Sortent en pleine lumière, submergeant mes pensées

Ma nature occultée par tant de subterfuges
Resurgit en hurlant son immense solitude
Alors je me cloitre, me noie dans l’hébétude
Me replie hors du monde dans un secret refuge

Ces échos récurrents, reflets de mon mal-être
S’agitent et puis se calment comme l’eau d’un océan
Quand s’apaise le tumulte, que le silence s’étend
Une autre carapace me permet de renaitre.

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septembre 11

Geôle vide

Pas envie de sombrer dans les bras de Morphée
Pas sans écrire une ligne, sans attiser mon feu
Je ne veux reposer sans compléter un peu
Mon grand œuvre secret, ma part d’éternité

Chaque jour je tente d’atteindre l’état d’inspiration
Où le monde s’efface, cède la place au rêve
Chaque nuit sur le papier c’est le vide et j’en crève
Mon corps, mon esprit sont pris de convulsions

A peine quelques vers, mais d’histoires, plus question!
Les portes d’Outre Monde restent closes, scellées
Ma conscience divague, se perd dans mes pensées
Croyant apercevoir des fragments de visions

Lentement, mon univers se fane, se réduit
Sous des flots de ténèbres, effacé par le temps
Les songes se désagrègent, plongent dans le néant
Une chape de plomb les a ensevelis

Mon âme se délite en l’absence du frisson
Ma cervelle s’étiole, ma passion m’emprisonne
S’enferme dans un cycle où l’ennui m’empoisonne
Non, pas un jour de plus où meurt ma création!

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septembre 10

Nécromantisme

Mon tendre amour, douce beauté,
Comme tu es pâle sous cette lune
Couchée sur le sable des dunes
On jurerait une poupée

L’éclat de ta bouche purpurine
L’océan émeraude de tes yeux
Resplendissent de mille feux
Sous les étoiles qui t’illuminent

Pourtant tu sembles mal à l’aise
Le vin t’a-t-il enivrée ?
La Mort t’a-t-elle incommodée?
Ou est-ce le poison dans les fraises?

Il fallait bien une grande nuit
Pour adoucir ton trépas
Tu rejoindras dans l’au-delà
Cet homme de qui tu t’es épris

Mon tendre amour, douce beauté
Lorsqu’avec lui tu t’ébattais
Lorsque dans ses bras tu dansais
Pensais-tu pouvoir m’échapper?

Sur cette plage au bout du monde
Loin de toute présence importune
Tu reposeras sous les dunes
Ton amant t’attend dans la tombe

Mais rassures-toi, ne prends pas peur
Je demeurerai près de toi
A midi ma nuque se brisera
Sous la hache de l’exécuteur

Alors enfin mon pauvre cœur
Connaitra la paix désirée
J’entrerai dans l’éternité
Rachetant ta vie au passeur.

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