L’estaminet des naufragés
Dans les bas quartiers d’Ombrelune
Danse la plèbe débraillée
Partout on peut s’encanailler
S’enivrer ou chercher fortune
Sous les vieilles voutes de pierres
S’entassent brutes et coquins
Grands voyageurs et musiciens
En quête de bonheurs éphémères
Il y a là la belle Saréla
Danseuse au corps toujours mouvant
Qui vous compte tout en ondulant
Ce qui la fit tomber si bas
La douce avait un prétendant
Qui lui contait monts et merveilles
Et disparu dans son sommeil
La veille des noces, au jour levant
Devant le bar se tient Bert
Aventurier des terres du Nord
Que l’appétit pour les trésors
A poussé trop près des Enfers
Il boitille sur sa jambe de fer
En recomptant ses pièces d’or
Maugréant sur le mauvais sort
Noyant sa morgue dans la bière
Dans un recoin dissimulé
Se tient la bande de Dermignon
Menteurs, voleurs et maquignons
La vilénie personnifiée
Toujours sur un coup fumant
De tous les complots, les braquages
Ces spécialistes en filoutage
Craignent la potence à tout instant
Dans cette faune alcoolisée
Je louvoie silencieusement
Tel une ombre, glisse lentement
Vers une table isolée
Je viens ici pour m’oublier
Faire taire mon âme et ses plaintes
Avec les espérances défuntes
De ceux que l’on a rejetés
Comme eux j’ai perdu tous mes rêves
Brisés sous le poing du malheur
J’attends que vienne ma dernière heure
Et qu’enfin mon histoire s’achève.