Sur l’autre face du monde
Lorsque par une nuit de brume cotonneuse
Je m’égarais le long d’un chemin oublié
Et je passais le seuil du monde dissimulé
Où s’en vont les défunts à la mort malheureuse
Point de déchirement, point de voile qui s’étire
Rien qu’un brouillard opaque aux teintes argentées
Un pâle paysage aux nuances glacées
Et des ombres dansantes bruissant de longs soupirs
Dans cet autre univers, ce monde en négatif
Le temps vient se distendre, s’étire à l’infini
Le cycle naturel s’écoule au ralenti
Et seuls de vieux esprits ont les mouvements plus vifs
Perdu dans cet enfer, je recherchais ma route
Luttant à chaque instant contre une forte langueur
Les spectres me frôlant jaloux de ma chaleur
Je n’eus plus qu’un désir: m’échapper coute que coute
C’est alors qu’apparut une présence familière
Une âme disparue, une amante emportée
Par une incohérence, une vie dérobée
Toute prête à me guider pour sortir de ces terres
Grâce à son souvenir, sa flamme rassurante
Je fus ragaillardi, prêt à chèrement lutter
Ne pas voir mon essence lentement consumée
Par tous ces esprits à la faim dévorante
Sous mes pas empressés, la terre se faisait boue
Fermement décidée à m’enchainer ici
Mais de douces paroles et un désir de vie
Me chauffèrent les sangs, me maintinrent debout
Dans un ultime effort je franchis la frontière
Retrouvant le sol ferme et l’opaque brouillard
A cet instant une ombre issue de mils cauchemars
Me marqua à la nuque d’un doigt privé de chairs
Dans un souffle inaudible une voix sépulcrale
Me dit: « Ton âme est mienne, tu ne peux t’y soustraire. »
Et je vis ce visage livide comme un suaire
Le masque aux orbites vides du Faucheur au crâne pâle
Et ce spectre terrible depuis cette nuit me hante
J’aperçois son reflet dans le moindre miroir
A chaque heure il approche, fantôme goguenard
Et je crains que sonne l’heure où cesse son attente.