Les immobiles
Elles se dressent droites et fières dans ce triste jardin
Diane figée dans la pierre, corbeau de schiste ancien
Immobiles par nature et pourtant si vivantes
Tous les temps elles endurent, créatures émouvantes
Matières silencieuses, offertes à toutes les vues
Formes majestueuses, envoûtant l’âme émue
Qui contemple à loisir vos silhouettes fanées
Vous imagine rire, vous agiter, danser
Si l’on prête l’oreille, parfois, dans ce silence
On peut y distinguer vos murmures de souffrances
Et parfois on croit voir au creux de vos yeux vides
S’écouler une larme sur vos faces livides
Quelques fois dans la nuit, quand la lune vous éclaire
Vous glissez sans un bruit au sol vos pieds de pierre
Et vous vivez un peu , dénouant vos membres fins
Appréciant l’existence que vous enviez en vain
Alors certains matins la rage vous fait hurlantes
Et l’on voit sur vos doigts fleurir des tâches sanglantes
Prenez gardes, passants à ces statues furieuses
Vous pourriez devenir leurs victimes curieuses
Pourtant le temps les ronge, fissurant les corps durs
Erodant les contours et les visages purs
Lui ne distingue pas la pierre de la chair
Et écrase de son poids les objets éphémères.