Tableau bucolique
Une feuille de papier posée sur l’écritoire
La plume baignée d’encre, prête à tracer des vers
Une tasse dispersant ses arômes dans l’air
Quelques rais de lumière perçant dans le brouillard
Quelques notes glissées dans un carnet usé
Un ou deux livres ouverts, leurs pages livrées au vent
Une fenêtre ouverte aux embruns vivifiants
Un petit feu ronflant dans la haute cheminée
Un gramophone égraine une mélodie ancienne
Des accords voltigent et tombent en cascade
Sur un coussin somnole un chat, la mine maussade
Sur la croisée ouverte un corbeau se promène
Le fauteuil de cuir à l’assise patinée
Reste tristement vide et la Muse patiente
Espère son interprète, surprise de cette attente
Etonnée qu’il ne soit assis là à penser
« Où donc a pu passer ce poète indolent? »
« Dans quelle sombre ruelle s’est-il aventuré? »
« Va-t-il seulement vouloir se montrer? »
« Aurait-il oublié qu’il me doit son talent? »
Ainsi s’interrogeait la Muse délaissée
Alors que l’horloge tourne et qu’avance le temps
Le poète ne vient pas, peut-être est-il souffrant?
Pourtant nulle trace de lui, s’est-il évaporé?
Lassée de ce rimeur qui se fait désirer
La Muse prend son envol vers de tout autres lieux
Laissant ce bureau vide à la merci des dieux
Maudissant le poète à l’âme torturée
Un petit ruisselet de couleur carmin
Serpente soudainement dans la pièce désertée
Alors qu’un râle s’élève du corps désincarné
Du pâle maitre de lieux un poignard en son sein.