janvier 2

Jeu de dupes

Pupilles d’onyx sur peau nacrée
Cheveux de jais, lèvres carmin
Au poignet une touche de jasmin
A son cou elle glisse un camée

Drapée dans une robe turquoise
Sur son front un diadème d’or fin
Une ombrelle doublée de satin
La tient dans l’ombre qu’elle apprivoise

Lui le visage couleur de cendre
Le cheveu tirant vers l’argent
Le regard d’un bleu océan
Une mine que lui seul peut comprendre

Une veste de velours rubis
Passée sur un jabot ivoire
Appuyé sur une canne noire
La contemple avec grande envie

Dans les ténèbres l’un guette l’autre
Prêt à tout pour la posséder
Il pare ses mots de teintes sucrées
Pour mieux la pousser à la faute

Lorsqu’elle est prête à succomber
Qu’il tient dans sa main son doux cœur
Etanchant sa soif de bonheur
Au cou de la pauvre affolée

En lui s’écoule tel un brasier
Le feu de la vie qu’il lui vole
S’en délectant comme d’un alcool
Il sent son corps se glacer

L’ingénue s’est fait dame de mort
Sous la passion de son baiser
Elle a rejoint l’espèce damnée
De l’être contre qui elle s’endort.

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décembre 20

Par delà l’obscurité

Par une nuit lugubre d’un hiver glacé
Dans un bois d’arbres sombres aux branches raides de givre
Où mes pas m’emportèrent, pareil à un homme ivre
Un sinistre murmure par le vent fut porté

Tiré de mes pensées par cet engoulevent
Je vis par devers moi une lumière danser
Entre les troncs noueux, elle semblait sautiller
S’éteindre et rejaillir dans un bref rougeoiement

Attiré par ces feux dans la froideur nocturne
Et par le son étrange d’une flute funèbre
Je m’approchais d’un lieu envahi de ténèbres
Une vaste clairière aux allures de Saturne

Un sol de terre nue planté de pierres dressées
Où glissaient quelques formes parées de capes sombres
Le visage masqué par des loups voilés d’ombres
Se tordant en un cercle où brulait un foyer

D’étranges borborygmes s’élevaient de cette foule
Des accords gutturaux, des formules scandées
D’horribles gargouillis et des voix déformées
Une affreuse assemblée de sorciers et de goules

Soudain, en un mouvement le groupe se figea
Le silence se fit, lourd et menaçant
Dans l’air résonna un étrange bourdonnement
Et la trame du monde lentement se déchira

Emergeant de l’abyme où elle fut enfermée
Appelée par les chants aux accords chaotiques
Et les lamentations d’adeptes extatiques
Une indicible horreur se trouvait libérée

Tenaillée par la peur, je fus cloué au sol
Incapable de lâcher le regard de la chose
Je la vis engloutir goulument la chair rose
D’un prêtre présidant à cette assemblée folle

Mon esprit combattant mon corps tétanisé
Cherchant l’échappatoire à l’horreur approchant
Je ne pus qu’assister, malade et impuissant
Au répugnant festin du monstre affamé

Ne pouvant qu’abréger l’inévitable sort
Désireux d’éviter de trop longues souffrances
Je plongeais, seul maître de ma courte existence
Dans la gueule béante de la Bête aux yeux morts

Dans l’immonde gosier le cœur me manqua
Ma conscience s’éteint, mon âme s’évanouit
Sombrant dans le néant je chutais de mon lit
Sortant de ce cauchemar empêtré dans mes draps

Un détail pourtant troublait mon horizon
Une forme indistincte perçue du coin de l’œil
Quelques notes funèbres, un froissement de feuilles
Me remémorent ce rêve et rongent ma raison.

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décembre 16

Souffle ardent

Au plus profond de cette terre
Dans une caverne oubliée
Au cœur d’un temple délabré
Sommeil une ombre millénaire

Son puissant souffle embrase la pierre
Brûlant jusqu’à la vitrifier
Un trésor repose à ses pieds
Fait d’or et de joyaux stellaires

Gesticulant dans sa torpeur
Le monstre ébranle les vieux murs
Le plus petit de ses murmures
Tonne à vous faire mourir de peur

Veillant sur ses grandes richesses
Il les couve d’un œil gourmand
Les défendant férocement
Dans cette sombre forteresse

Bien peu savent son existence
Perdue dans un lointain passé
Les anciens maîtres ont succombé
Sous le poids de leur ignorance

En creusant ils l’ont éveillé
Voulant s’emparer de ses feux
Faire de son sang miraculeux
L’esclave de leur éternité

D’un regard il les a soufflés
Tous ces héros devenus cendres
Ces prêtres qui voulaient le prendre
Devenus os calcinés

Prudence, sieurs aventuriers
Ne venez point chercher querelle
Nul guerrier même immortel
N’a jamais de lui triomphé

Sous les montagnes abandonnées
Dort le dragon aux écailles d’or
Longtemps il veillera encore
Après l’ère des hommes achevée.

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décembre 13

Mes erreurs

Encore une autre nuit où vient la lassitude
Où les secondes s’allongent, deviennent interminables
S’étirant telles un voile sur mon âme misérable
Enserrant mon esprit en pleine décrépitude

Revoilà les cohortes de ténèbres et chimères
Revenant me hanter quand ma vaillance faiblie
Prêtes à me déchirer, me réduire en charpie
A cribler tout mon corps de mils débris de verre

La souffrance renait dans mon esprit désert
Mes vieilles malédictions se rappellent à moi
Effacent mon bonheur à grand renfort d’effroi
Et nourrissent ma peine aux souvenirs d’hier

Mes doutes et mes démons m’isolent loin du monde
M’emplissent de solitude et de ressentiments
Attisent ma colère, prolongent mes tourments
Me poussent vers l’abyme de ma noirceur profonde

Alors chaque instant devient un vrai calvaire
La moindre émotion se trouve exacerbée
Rien de bon ne ressort de cette obscurité
Tout s’en trouve altéré, tout vient à me déplaire

Sinistres aspirations venues de cet Enfer
Des images de sang, de cendres et de néant
Saturent mes pensées, pressent mon enfermement
Pour les repousser tant d’efforts je dois faire

Je dois lutter sans cesse, contenir leur flot
Ensevelir leur source dans une sombre prison
Un cercueil de métal où elles tournent en rond
Refermer cette boite jusqu’au prochain assaut.

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décembre 9

Empathe

Ils me surnomment monsieur sensible
Celui qu’un mot peut fissurer
Homme de verre au cœur cassé
Aux blessures bien trop visibles

Une phrase, un geste mal assuré
Et c’est mon masque qui se brise
Laissant s’échapper l’humeur grise
Que me plaies laissent suppurer

Ma peau de glaise, d’argile séchée
Porte les traces de mes erreurs
Zébrures sombres, fils de douleurs
Etranges arabesques azurées

Certains tortionnaires persistants
Cherchent à percer ma carapace
S’acharnant sur sa surface
Jusqu’à y voir couler le sang

Ils ne peuvent voir que dans le fond
C’est leur propre chair qu’ils malmènent
Je ris, je pleure de leur déveine
Je souffre de leurs désillusions

Pour moi, ce monde est transparent
Aussi limpide que du cristal
Il n’est qu’une ombre, un triste voile
Devant l’abyme du néant

Je vois ces esprits s’agiter
Pour à tout pris marquer le temps
Laisser leur empreinte chaque instant
Se persuadant d’exister

Moi qui ne suis qu’un visiteur
Un voyageur de passage
Je ne suis qu’un simple mirage
A qui l’on a greffé un cœur

Toute cette vaine agitation
Me cause souffrance, me désespère
Vos vibrations, pauvres chimères
Sont la cause de mon émotion.

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décembre 2

Oryn

Sous un ciel de pierres aux voutes écrasantes
Ayant vu défiller d’innombrables années
Dans un antique recoin d’univers oublié
Trône un archange d’onyx aux ailes resplendissantes

Sa peau veinée d’argent flamboie sous les étoiles
Et son regard de nacre perce loin le néant
Pour mieux y observer les rouages du temps
Et percevoir la trame de cette immense toile

Lorsque l’ennui le prend, il s’élance vers le vide
Traverse l’immensité et plonge vers un monde
S’absorbant dans l’Aether, les énergies il sonde
Pour se nourrir des songes d’un rêveur livide

Il se fond dans les voiles de son imaginaire
Se glisse dans les replis de cette âme isolée
Donne vie à ses fantômes pour mieux s’en imprégner
Et saisir l’essence d’un esprit solitaire

Lorsque son appétit s’estime rassasié
L’archange reprend son vole, retourne à son perchoir
Pour mieux se délecter de son précieux nectar
Et presser cette essence jusqu’à la consumer

Le cœur à nouveau plein, il se met à créer
Chimères et phantasmes par son jeu prennent corps
Dansent en sarabande entre les astres morts
Et envahissent le vide pour mieux s’en échapper

A travers eux l’archange étend son territoire
Conquérant pas à pas les étendues du rêve
Il vit pour répandre ses ténèbres sans trêve
Et s’emparer des mondes à l’aide des cauchemars.

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novembre 29

Sur l’autre face du monde

Lorsque par une nuit de brume cotonneuse
Je m’égarais le long d’un chemin oublié
Et je passais le seuil du monde dissimulé
Où s’en vont les défunts à la mort malheureuse

Point de déchirement, point de voile qui s’étire
Rien qu’un brouillard opaque aux teintes argentées
Un pâle paysage aux nuances glacées
Et des ombres dansantes bruissant de longs soupirs

Dans cet autre univers, ce monde en négatif
Le temps vient se distendre, s’étire à l’infini
Le cycle naturel s’écoule au ralenti
Et seuls de vieux esprits ont les mouvements plus vifs

Perdu dans cet enfer, je recherchais ma route
Luttant à chaque instant contre une forte langueur
Les spectres me frôlant jaloux de ma chaleur
Je n’eus plus qu’un désir: m’échapper coute que coute

C’est alors qu’apparut une présence familière
Une âme disparue, une amante emportée
Par une incohérence, une vie dérobée
Toute prête à me guider pour sortir de ces terres

Grâce à son souvenir, sa flamme rassurante
Je fus ragaillardi, prêt à chèrement lutter
Ne pas voir mon essence lentement consumée
Par tous ces esprits à la faim dévorante

Sous mes pas empressés, la terre se faisait boue
Fermement décidée à m’enchainer ici
Mais de douces paroles et un désir de vie
Me chauffèrent les sangs, me maintinrent debout

Dans un ultime effort je franchis la frontière
Retrouvant le sol ferme et l’opaque brouillard
A cet instant une ombre issue de mils cauchemars
Me marqua à la nuque d’un doigt privé de chairs

Dans un souffle inaudible une voix sépulcrale
Me dit: « Ton âme est mienne, tu ne peux t’y soustraire. »
Et je vis ce visage livide comme un suaire
Le masque aux orbites vides du Faucheur au crâne pâle

Et ce spectre terrible depuis cette nuit me hante
J’aperçois son reflet dans le moindre miroir
A chaque heure il approche, fantôme goguenard
Et je crains que sonne l’heure où cesse son attente.

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novembre 22

Tableau bucolique

Une feuille de papier posée sur l’écritoire
La plume baignée d’encre, prête à tracer des vers
Une tasse dispersant ses arômes dans l’air
Quelques rais de lumière perçant dans le brouillard

Quelques notes glissées dans un carnet usé
Un ou deux livres ouverts, leurs pages livrées au vent
Une fenêtre ouverte aux embruns vivifiants
Un petit feu ronflant dans la haute cheminée

Un gramophone égraine une mélodie ancienne
Des accords voltigent et tombent en cascade
Sur un coussin somnole un chat, la mine maussade
Sur la croisée ouverte un corbeau se promène

Le fauteuil de cuir à l’assise patinée
Reste tristement vide et la Muse patiente
Espère son interprète, surprise de cette attente
Etonnée qu’il ne soit assis là à penser

« Où donc a pu passer ce poète indolent? »
« Dans quelle sombre ruelle s’est-il aventuré? »
« Va-t-il seulement vouloir se montrer? »
« Aurait-il oublié qu’il me doit son talent? »

Ainsi s’interrogeait la Muse délaissée
Alors que l’horloge tourne et qu’avance le temps
Le poète ne vient pas, peut-être est-il souffrant?
Pourtant nulle trace de lui, s’est-il évaporé?

Lassée de ce rimeur qui se fait désirer
La Muse prend son envol vers de tout autres lieux
Laissant ce bureau vide à la merci des dieux
Maudissant le poète à l’âme torturée

Un petit ruisselet de couleur carmin
Serpente soudainement dans la pièce désertée
Alors qu’un râle s’élève du corps désincarné
Du pâle maitre de lieux un poignard en son sein.

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novembre 11

L’appel obscur

Oh, ombres de la nuit, spectres des temps anciens
Vous que le temps oublie, pairs de l’éternité
Vous que le Don Obscure a lentement transformé
Ecoutez donc la plainte d’un misérable humain

Cette vie m’a tout pris, sans aucune récompense
Très tôt j’ai vu partir ceux que je chérissais
Rongé par le chagrin mon cœur se brisait
Laissant mon pauvre esprit accablé de souffrances

Malgré tout je tentais de doucement reconstruire
Fondant quelques espoirs sur un bonheur futur
Mon âme fit son deuil, je pansais mes blessures
Voulant toujours croire à un meilleur avenir

Bien mal m’en à pris, l’entreprise échoua
Brulé par les passions, les rêves illusoires
Je sombrai à nouveau dans un affreux cauchemar
Avec ma volonté mon espoir s’effondra

Mon cœur fut ravagé, mon esprit mis en ruines
J’errai l’âme en morceaux, fantôme désincarné
Ecrasé par ce monde et sa grande cruauté
Sans aucun souvenir que l’amour illumine

Aujourd’hui je suis seul, la Mort se joue de moi
Le poids de mes échecs m’a lentement épuisé
Mais l’éternel repos m’a été refusé
L’univers lui-même me refuse le trépas

J’en appelle donc à vous, émissaires des damnés
Mon fardeau est trop lourd, je veux l’abandonner
Pitié, accordez-moi une nouvelle existence
Offrez-moi une issue, une sanglante renaissance

Je veux voir le monde sous un jour différent
M’emparer de tout ce dont la vie m’a privé
Devenir votre frère ou bien vous rassasier
Pour qu’enfin s’achève le flot de mes tourments.

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novembre 11

Le chasseur

Ombre dans la nuit froide glissant parmi les toits
Nocturne prédateur, reptile au sang figé
Emprisonnant ta proie dans une toile dentelée
Un labyrinthe de rues où sonne son trépas

Tout ton corps tressaille sous l’appel de la chasse
Sous tes chairs mortes crépitent tes nerfs sous tension
Anticipant l’ivresse, la sublime sensation
Atténuant un peu ton appétit vorace

Tu joues avec ta cible comme un cruel félin
Instillant la frayeur dans son fragile esprit
Dégustant sa terreur au moindre de tes bruits
La poussant en avant vers sa funeste fin

Tu apprécies la chasse autant que son issue
Ta si longue expérience te rends si assuré
Tu anticipes chaque geste, chaque vaine échappée
Brisant son maigre espoir d’un feulement ténu

Et lorsqu’enfin la peur l’a assez parfumée
Tu fonds sur ta victime plus vite que le vent
Refermant ta mâchoire sur son frêle cou blanc
Savourant la chaleur d’une âme terrorisée

Elle a cru défaillir quand tu l’as enlacée
Et toi tu exultais, prêt à gouter son sang
Ta chair glacée n’a pas perçu le froid brulant
Lorsqu’elle trancha ta gorge de sa lame argentée

Tes siècles d’existence t’on rendu trop confiant
Au point de négliger de subtiles sensations
Tu as précipité l’heure de ton extinction
Par ta hardiesse et ton aveuglement.

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