novembre 18

Tantale

En d’infinis méandres que tisse le voile du Temps,
Entre deux battements de mon cœur fatigué,
J’entrevois les images de mille vies passées,
De dix milles à venir; j’en perçois chaque instant.

Je cherche sans répits,plongé dans ces mémoires,
Une tendre étincelle que mon âme a croisé:
Une présence chérie lors de maintes années
Que je crois distinguer en de nombreux regards.

J’ai erré dans les brumes, battu tant de chemins,
Voyageur éternel, exilé sans pays,
Croisé combien d’espoirs finis broyés, meurtris
Pour l’amour d’une étoile, perdant tous sens commun.

Il me faut retrouver cette lointaine chimère,
Ressentir à nouveau ce délicieux frisson.
Sans elle je m’étiole, trop triste vagabond
Privé de sa si douce et profonde lumière.

« Obscur mécréant, plumitif imposteur,
Ta quête est sans objet, ton but inatteignable! »
Me cri parfois le vent, me trouvant misérable.
« Tu n’auras à ces yeux pas une once de valeur. »

Et pourtant je m’acharne, sans d’un pas dévier.
Dans ce lieu suspendu où dorment les secrets
Je creuse les souvenirs, compulse les portraits,
Je puise dans mon esprit sans vouloir vaciller.

Et lorsque l’épuisement me jette hors de ces murs,
Lorsque mon énergie est presque consumée,
Dans mes songes apparaît cet ange tant désiré
Me berçant de son chant si céleste et si pur.

Au jour nouveau, pourtant, d’elle rien ne demeure.
Son être disparaît et je plonge dans l’oubli.
Seule reste l’impression d’être toujours uni
A quelque étrange mystère; son absence est douleur.

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novembre 15

Deimos

Au delà des voiles d’or de l’aube flamboyante,
Sur l’océan de roches aux lames effilées
S’étend une île mort, antique mausolée
Où viennent s’échouer les âmes gémissantes.

C’est une terre d’exil pour de tristes fantômes
Que des dieux inconstants jetèrent loin du monde.
Pour ces ténébreux êtres, jour et nuit se confondent
Nulle heure pour rythmer ce sinistre royaume.

En ces lieux oubliés où rode la folie
Une part de mon âme vint un jour s’égarer.
Les relents mortifères de ces landes désolées
Marquèrent de leur sceau mon essence transie.

Lorsque résonne le cor de ces spectres cendreux
Une visqueuse pluie vient imprégner mon cœur;
Les étoiles s’éteignent en mon ciel intérieur
Ne laissant que l’image d’un monde fuligineux.

Combien comptent alors les flammes extérieures,
Les éclats de lumière que l’on peut m’apporter
Sans eux, je flétrirais, ombre désincarnée
Mon essence consumée par ces pâles horreurs.

Les cieux bénissent les jours des astres incarnés
Qui désertèrent l’Azur lorsque le Songe tomba!
La sublime étincelle qu’ils emportent ici-bas
Réchauffe l’esprit bilieux d’un poète esseulé.

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novembre 15

Hod

Assez de ces teints ternes et de ces tristes mines!
Je préfère une vie d’éclatantes couleurs
Lorsqu’apres une averse, lavé de ses humeurs,
Le monde reprend vigueur, d’un souffle s’illumine.

Pourquoi tant de fadeur et de teintes fanées?
Que jaillisse l’énergie en palettes vivantes:
L’éblouissant azur, la sublime amarante
Le bleu sombre et profond d’une mer déchaînée!

Si l’on saigne, que le sang scintille comme rubis
Si l’on brûle, que les flammes brillent en langues cuivrées
Sous l’orage, que les cieux se couvrent de noires nuées
Et que la foudre frappe, déchirant cette nuit!

Que s’effacent les navrantes, les timides pastelles!
La terre doit resplendir de ses ton brun et cendre
L’émeraude des feuillages dans l’air doit s’étendre
Et raviver le cœur d’une féerie rebelle.

Chassons les nappes grisâtres des tueuses industries!
Lavons cette planète de ce qui l’empoisonne!
Des êtres qui l’occupent, combien encore frissonnent
Alors qu’elle fait entendre quelque chant d’agonie?

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novembre 9

Danser avec les ombres

Quelques gouttes de rosée sur l’ivoire d’un piano
Égrainant les accords d’une ancienne mélodie
Que le vent de novembre emporte dans la nuit
Faisant valser les feuilles d’ambre sur les flots.

Sous les étoiles complices, la brume étend ses voiles
Effleurant de ses doigts quelques âmes égarées
Et la Lune, mutine, laisse sa lueur filtrer
Dans un dernier rayon de lumière vespérale.

Mon esprit sans repos, voyageur éternel
Au pied d’un très vieil arbre vient se creuser un nid
Pour contempler la monde que le soleil fuit
Et cueillir les merveilles que les ombres recèlent.

Cette douce atmosphère, l’étrange symphonie,
Éveillent un souvenir trop longtemps oublié
Sous les hautes frondaisons et les vivants piliers
Me reviennent les images d’une ère évanouie.

Saisi par la musique, je me mets à danser
Un si charmant fantôme m’enlaçant de ses bras;
Tantôt elle me guide, tantôt suivant mes pas
Corps à corps, cœur à cœur, dans cette obscurité.

La terre était si jeune et nous si innocents
Inconscients, libres encor, ignorant nos destins
Nous goûtions la chaleur de ces moments divins
Où seul comptait l’instant, sans peur du lendemain.

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octobre 21

Vers Ythas

Lorsque de longs silences planent en mon antique tour
Que leur musique réveille les échos du passé
Il est certains chagrins qui aiment me tourmenter
Et masquer le soleil. Oh les bien tristes jours…

Quelques vieilles angoisses viennent me mordre le cœur,
Un bataillon sinistre de troubles et querelles,
Les sombres souvenirs d’un bien curieux mortel
Trop longtemps rejetés se révèlent tumeurs.

D’épaisses, huileuses larmes obscurcissent ma vision,
Les astres disparaissent derrière ce hideux voile.
Toute beauté se fane et tombent les étoiles;
Le chœur des anges se mue en noires imprécations.

En ces instants funestes où grattent les ténèbres
Aux portes de mon âme, par la douleur transie
Dieux, qu’il me manque alors une présence amie;
De la chaleur humaine contre une marche funèbre!

Certes, Amour est partout, il gouverne mon être,
Il sème sans rien attendre, douceur, sourire, bonté.
Mais lorsque vient la nuit dans ces vastes contrés
La pâle mélancolie est si prompte à renaître.

Une rose couleur saphir, de lancinants accords,
Un parfum d’aubépine et de cannelle mêlés,
La caresse fantôme de mon nom murmuré
Par le spectre éternel d’une amante aux yeux morts.

Hévée était son nom, malheureux son destin,
Si pleine de tendresse pour un piteux aède
Qui lui pris son honneur, la payant de son aide
Fuyant hors de sa couche aux brumes du matin.

Oh, cieux, muets témoins de mes égarements,
Retrouverais-je un jour la confiance volée?
Dormirais-je à nouveau entre les bras légers
D’une âme en harmonie, d’un songe si charmant?

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mai 14

Madone

Ulysse eut-il vu ainsi sa Pénélope,
Ni aventure, ni guerre, fuse-t-il déshonoré,
Il n’est aucun navire qui eut pu l’emporter
Loin de sa dulcinée, pas même le Cyclope.

Hadès lui-même faisant à Orphée le pari
De ne se retourner qu’hors de son domaine
Pour mirer Eurydice nouvellement humaine
Que face à cette icône il eut cédé aussi.

Il n’est ni dieu, ni homme, devant tant de noblesse
Qui n’eut courbé le buste et rendu sa couronne
Pour un simple regard de cette douce madone
Et d’un tendre sourire saisir la caresse.

De Vinci devant elle renie Mona Lisa;
Don Juan en son enfer loin d’elle se morfond;
Sans cette Muse, le poète dans l’abîme se fond;

Mais voyez sa langueur, cette pleine mélancolie,
Ce voile de pudeur qui la drape et l’emplit…
Son âme ne se livre qu’à qui la chérira.

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mars 20

Esper

En un âge où mon être n’était qu’ombre et chaos
Dans cette ville souterraine peuplée de pâles âmes,
Un jour je t’ai croisée, lumière faite femme
Au cœur de ces ténèbres, brillante comme un flambeau.

Nous avions en commun une fugitive amie
Et nos routes se trouvaient pour la seconde fois.
Sur l’instant, trop pensif, je ne te reconnus pas
Mais tu m’as salué, approché et souris.

Ta longue chevelure couleur de blé bruni,
Ton regards dont l’éclat dissimulait la teinte,
Ta rayonnante aura dans cette grise Corinthe,
Tout en toi disait: « Viens, parles-moi, je te suis… »

Moi, prisonnier des noires brumes m’environnant,
Je n’ai rien su te dire, à peine t’ai-je regardée.
Ma bouche ne sut que taire ce qu’aurait exprimé
Mon cœur réchauffé par ton sourire aimant.

Que ne t’ai-je accueilli avec plus de douceur?
Qui sait ce qu’il advint si, cette fois, j’eus osé?
Puisses-tu lire ces lignes et bien me pardonner,
Accepter aujourd’hui ces vers en ton honneur.

Dans les opaques méandres de mon musée interne,
Tu sièges en bonne place parmi les heures heureuses.
Le si doux souvenirs de ta flamme radieuse
Eclaire à tout jamais ce dédale aux murs ternes.

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mars 15

Belladonna

Dans le fond du tiroir d’un poussiéreux bureau,
J’ai trouvé, relégué parmi de vieux papiers,
Un portrait aux couleurs depuis longtemps passées
Vestige d’un autre temps, si vivant et si beau.

Le visage estompé d’une fugitive amante,
Regard de perles sombres, teint pâle, satinée,
Chevelure d’ébène en chignon relevé
Révélant une nuque délicate et troublante.

Avec elle dormaient mille souvenirs d’antan
De brûlantes passions, de cours enfiévrées.
Elle fût la gardienne d’un cœur déboussolé;
Oncques ne vit jamais de plus belle en son temps.

Depuis ce pâle cadre, cette beauté lumineuse
Fait surgir en mon sein de tendres émotions;
Toutes teintées de tristesse, mordantes comme tisons,
Et comme au premier jour ébranlent mon âme rêveuse.

Qu’est devenu l’amante lorsque l’amour à fui ?
A-t-elle voulu mourir? A-t-elle pardonné ?
Qui d’autre par son charme s’est laissé envoûté?
La belle vit-elle encor, heureuse, aujourd’hui?

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décembre 7

Minotaure

Dans une danse lente, cantate minérale,
Les jours passent, se ressemble, s’assemblent, identiques.
J’erre dans mon dédale, m’épuisant, apathique,
En quête d’une issue à ce monde carcéral.

A mesure que, sur moi, s’abat la froide saison,
L’air se fait plus rare, les évasions s’espacent.
Une ombre impitoyable d’un voile glacé m’enlace
Repoussant loin au large l’astre aux si doux rayons.

Une flaque bourbeuse me renvoi le reflet
D’un cycle répété, fait de fragments épars:
Quelques songes fanés; des voies où je m’égare;
Des serments oubliés, sièges de lourds regrets.

Bien peu de ces débris sont chargés de lumière;
De bien petits éclats imprégnés de gaieté.
Ils s’épuisent si vite, s’essoufflent, balayés
Par l’aveuglement creux d’illusions mortifères.

Dans ce morcellement se reflète une absence,
Un manque où cristallise l’insidieux germe du doute,
Un vide rongeant l’âme, poussant à la déroute
Mon être consumé par tant de dépendance.

Sans soleil je m’étiole, sans flamme je m’éteins;
Mon esprit n’est en paix que son gouffre comblé.
Où sont passés mes rêves ? Où les ai-je oubliés?
Suis-je de ceux que seule la tristesse étreint?

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août 17

Eole

J’ai vu tant de ténèbres et si peu de merveilles,
Tant d’ombres silencieuses et si peu de soleil
Que d’une noire humeur mon coeur reste marqué.
Une gangue mortifère que je souhaite briser.

J’ai trop longtemps eu mal, arpenté mes enfers,
Inhalé tant de souffre et de larmes amères
Qu’à présent je ne puis plus leur poids supporter.
J’aspire à d’autres lieux, une vie renouvelée.

Loin des miasmes putrides, de l’écoeurant bile,
Je veux m’émerveiller de sons, d’éclats subtils,
D’alléchantes saveurs, de couleurs rayonnantes,
Effacer la douleur par des joies apaisantes.

Une entité solaire débordant d’énergie
M’insuffle sa puissance, chasse ma léthargie.
Elle réveille en moi l’envie de liberté,
La soif de découvrir, de vivre et de rêver.

Sous son radieux regard, je sens mes peurs mourir,
Mes blessures passer et mes larmes tarir.
Sa détermination et sa ténacité
Ont ressoudé mon coeur et mes ailes déchirées.

J’attends l’instant propice, le moment de l’envol
Pour enfin m’élever, m’arracher à ce sol.

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