septembre 14

Alchimie interdite

Dans un chaudron de pierre versez l’eau fraîche et pure
Ajouter une pendule faite de métal dur
Quelques outres de cuir, des roseaux évidés
Et de poignées de terre argileuse, saupoudrez

Immergez quelques branches à la sève encore vive
Tressez une brassée de jonc à la dérive
Liez tout ce mélange avec quelques mystères
De la poudre d’étoiles, une goutte d’Ether

Mettez le tout à cuire sur un feu modéré
Additionné de sauge et d’encens parfumés
Laissez ensuite couler quelques larmes de Lune
Lorsque le mélange prend, tracez y les Trois Runes

Posez à refroidir dans un tombeau obscur
Durant une lunaison, puis sortez à l’air pur
Brisez la gangue de sable qui s’est solidifiée
Insufflez le mouvement à l’être ainsi formé

Voici qu’en peu de temps vous avez mis au jour
Un animal pensant, doué de vie, d’amour
Mais enfin prenez garde, car l’homme ainsi créé
Demeure très sauvage, épri de liberté

Magiquement enfanté, le fils de Dame Nature
Est pourtant corrompu, perverti et impur
En quelque siècle à peine, il va tout ravager
Faire du monde un enfer, épuisé, consumé.

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août 4

Le Charmeur

Sur le voile des Songes, j’aimerais voyager
Pour parvenir encor à vous émerveiller
D’une soie d’araignée faire une solide trame
Piquetée de rosée, plus légère que l’âme

Dérober à un cygne l’une de ses grandes plumes
Verser dans un calice quelques larmes de Lune
Y saupoudrer un peu de poussière des fées
Pour obtenir alors une encre enchantée

De belles runes tracer pour libérer mon coeur
Poser sur le papier joies et peines, rires et pleurs
Conter, conter sans fin la beauté ou l’horreur
Ne jamais m’arrêter, laissant filer les heures

A nouveau renouer avec l’ivresse du Rêve
Boire jusqu’à me noyer à sa source, belle Eve
Jouer avec les Muses sous de plaisants soleils
Folâtrer à loisir au creux des prés vermeils

Baguenauder dans les bois, jusqu’à m’y égarer
A l’ombre d’un grand chêne, m’assoupir, épuisé
Etre éveillé enfin par le chant de ma mie
Qui pendant mon sommeil aurait rejoint mon lit

J’aimerais une fois de plus vous mener dans l’éther
Pour vous ensorceler, réciter quelques vers
Afin qu’un peu plus tard vous reveniez ici
Pour siéger en une grande, une belle compagnie.

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mars 22

Ava Marelis

J’ai croisé aux abords d’Altair la grande
Louvoyé dans ses brumes, ses vapeurs salées
Côtoyé ses chimères dans de folles sarabandes
Touché ses raies manta aux ailes argentées

J’ai croisé près des côtes du fier Aldebaran
Où joutaient ses enfants aux cornes d’obsidienne
Sur ses rives montaient les échos envoûtants
Des miles chants d’amours qu’entonnaient ses sirènes

J’ai filé sous le vent des tempêtes stellaires
Vogué près de rivages à l’éclat merveilleux
Affronté maintes fois les mers tentaculaires
Sous la lance d’Orion brillant de mils feux

J’ai vu mourir l’aube sur le phare de Deneb
Et renaître l’aurore sur les ports de Sirrah
Si noirs qu’on aurait cru les pourtours de l’Erèbe
Ses eaux sombres agitées par de violents trauma

J’ai conquis tant d’étoiles au cours de mes voyages
Et perçu tant de songes dans ces mondes aqueux
Pourtant aucun n’égale le teint de son visage
Ni la splendeur unique de l’ambre de ses yeux.

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février 2

Refuge

Il est une mer sans rivages
Faite d’écume et de nuages
Où seuls percent quelques sommets
Uniques détenteurs du secret

Là bas germe l’Arbre de Lune
A peau d’argent et sève brune
Dont le coeur cache un nid duveteux
Emplis de plumes, chaud et moelleux

Là haut tout est calme et douceur
Tendres silences, apaisantes heures
Parfois résonne un air lyrique
Célébrant la splendeur cosmique

Dans cet ailleurs j’irai dormir
M’estompant comme un souvenir
Et sur ces flots cotonneux
Je volerai, libre et heureux

Puis, fatigué, je rejoindrai
Le creux de l’arbre, m’y blottirai
Pour l’éternité reposer
Tenant mon amante enlacée.

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janvier 29

Facettes

Un mystérieux objet dévoilé devant moi
Vient troubler mes pensées de son étrange éclat
Dans ce curieux miroir mon reflet s’est troublé
Ma forme s’est dissoute, mon aspect altéré

Un autre y a pris place, me fixant du regard
Dos vouté, le teint pâle, hirsute, l’œil hagard
C’est mon spectre intérieur, le Fou Persécuté
Dansant d’un pied sur l’autre, prêt à s’évaporer

Le suivant prend sa place, rictus au bord des lèvres
L’air hautain, supérieur, l’esprit empli de fièvre
Voici le Fière Esthète, portant haut son Ego
Prêt à vous mettre en pièce d’un trait, d’un simple mot

En voici encore un, plus sombre, torturé
Serrant un lourd volume dans ses mains décharnées
Le Philosophe Mystique lance ses incantations
Créant par son savoir d’horribles illusions

Mais un autre s’avance, lentement, d’un pas lourd
Il domine par sa taille, sa présence, cette cour
Le Monarque Démiurge vient de faire son entré
Dans sa main bat un cœur fraichement arraché

Alors dans ma poitrine une douleur éclate
Cet autre s’est emparé de mon âme écarlate
Il tient entre ses doigts les vestiges de mon être
Sans eux je ne suis rien, sinistre marionnette

Nombreux sont mes reflets qui flottent en cette psyché
Esprits furieux, mourants ou rêves désincarnés
Tous entrent en sarabande, fiers de me voir souffrir
Ils vénèrent leur Maître qui vient de m’asservir

Mais alors tout s’apaise, baigné d’étrange lumière
Les avatars s’effacent aspirés par le verre
Une forme fantomatique dissipe mes tourments
D’un frôlement si léger qu’il semble fait de vent.

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novembre 8

Hors du cocon

Quel étrange regard soudain braqué sur moi
Yeux perçants et glacés, cruels inquisiteurs
Plongeant bien trop profond à travers mes humeurs
Mettant à jour mon trouble, mon si grand désarroi

La passion s’est éteinte comme un feu de broussailles
Elle a tout consumé puis déserté ce corps
Le cœur bat malgré tout, horloge sonnant la mort
Résonne dans le crâne vide et au creux des entrailles

Plus d’envolés lyriques pour éclairer cette âme
Les anges sont partis chanter vers d’autres cieux
Sans aucun requiem, sans même un chant d’adieu
Le rideau est tombé sur ce creuset de drames

Le silence seul habite ce temple abandonné
Le temps s’est arrêté, toutes les voix se sont tues
Plus de rires, plus de fêtes, seule reste la pierre nue
Dans ce vivant tombeau les portes sont scellées

Est-ce cela vieillir ? Perdre toute passion ?
Vivre comme une mécanique, sans heurts ni émotions
Comme une coquille vide, sans espoirs ni raisons
Attendre que s‘efface une nouvelle saison ?

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novembre 6

Géhenne

Comme une locomotive, chaudière sous haute pression
Fonçant à pleine vitesse, prête à exploser
Tous les muscles tendus, les veines dilatées
Le coeur pompant un sang proche de l’ébullition

Rage!
Colère contre le monde, la société humaine
A nouveau chargé d’ire contre l’absurdité
Tant de jugements hâtifs et tant de fatuité
La bile bouillonne en moi, appelant la géhenne

Violence!
Clan d’être imparfaits, se croyant supérieurs
Crachant leur haine sur l’autre pour une vague différence
Pour un prétexte brûlent, incendient, hurlent à l’intolérance
Rendent le monde responsable pour masquer leurs erreurs

Haine!
De tous ces jeux de dupes, passages obligés
Pour survivre, construire, assuré un avenir
Alors que tout s’écroule, sur le point de périr
Les vachers poussent les boeufs vers l’abyme, insensé

Colère!
Contre l’emportement, ce feu qui trop consume
S’alimente d’un rien, mais couve, toujours ardent
A la moindre étincelle, enflamme l’homme, terrifiant
Le rend si grimaçant, brute à qui tout répugne.

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octobre 3

Souvenirs jaunis

Ah, que sont donc devenus les jours mille fois bénis
Où le monde était jeune et douce était la nuit?
Nous dansions longuement dans les courants célestes
Nos corps livrés au vent, virevoltants, sans un geste

Nos libres promenades dans les bois de cyprès
Ivres de leurs essences, le cœur transporté
Que reste-t-il aussi des cités sous les mers
Emplies de milles ondins, si arrogants et fiers

Le bruissement de nos ailes qui emplissait l’espace
A un âpre silence il a cédé la place
Et plumes après plumes les ailes se sont fanées
Leur pureté, éphémère, lentement s’en est allée

Les êtres féériques reviendront-ils un jour
Ou lassés des humains ont-ils fuit pour toujours
Laissant nos âmes vides et nos cœurs torturés
Par l’absence de magie, tristes et esseulés

Oh, Temps, que je regrette ta course si brutale
Qui efface en une heure le monde virginal
Abîmant mon esprit dans un vide infini
Abandonnant mes rêves à une lente agonie.

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août 25

Vieille ennemie

Encore un soir, encore une heure
Banale, fade et sans saveur
Le ciel est noir, sale et bouché
Une pluie cendreuse va tomber

Sur mon écran, rien que le vide
Une ombre dans mes yeux humides
Mon cœur exsude d’une vieille blessure
Un poison sournois, un murmure

Qui teint de gris toute gaité
Me fait amer, meurtri, usé
Noyant mon âme sous ses flots sombres
Porteurs de souffrances en surnombre

Mon esprit conduit au naufrage
Sous la violence de cet orage
Dérive vers les plages rosées
D’une folie latente, larvée

Mélancolie, mal insidieux
Tu te dissimules, malicieux
Pour mieux renaître soudainement
Et me briser, obstinément.

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février 2

Reine des glaces

Il y a fort longtemps, au temps des terres gelées
Une larme d’étoile dans un lac est tombée
Et dans ses profondeurs entrât en gestation
En attendant son heure, avec calme et raison

Lentement passaient les jours, s’écoulaient les années
Au rythme minéral, au mouvement des glacier
Lorsque enfin une lueur au fond du lac glacé
Sonna l’éveil au monde d’une nouvelle déité

Une colonne de glace s’éleva tout soudain
Depuis le fond des eaux, là où il n’y avait rien
Elle élevait dans les airs, piédestal fantastique
Une créature étrange aux allures magnifiques

Alors dans toute la sphère, la musique résonna
Les glaciers se fendirent et la glace chanta
Pour clamer la puissance brûlant dans les yeux clairs
La flamme d’émeraude de la dame d’Hiver

Et son beau teint de neige, à nulle autre évocable
Tant irradiait la force de son corps admirable
« Voici venue la Reine des contrées désertiques
Qui s’étend sur les mers et les glaces arctiques. »

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