Abaddon
Dans le désert de cendres où mes ombres m’entraînent
J’erre, le cœur en peine et l’âme calcinée;
J’erre entre les méandres, les rives consumées
D’un fleuve de lave bileuse où plongent de lourdes chaînes.
En cet horizon vide, aube grise, éternelle,
M’encerclant, dansent les spectres de mille autres existences.
Tour à tour, m’affligeant de leurs lourdes souffrances,
Ou me couvrant d’une brume à la froideur mortelle.
Mon Enfer, cette prison, cet abyme intérieur,
Ce gouffre dévorant chaque heure mon énergie,
Laissant suinter les miasmes qui me rongent la vie,
Toujours me fragilise en suçant mon horreur.
Dans l’air saturé de scories et d’ichor,
Sourdent les longues plaintes d’esprits en perdition.
Hurlements d’agonie, glaçant, brûlants tisons,
Jamais interrompus, pas même par la Mort.
Tout ici n’est que ruines, pourriture et noirceur;
C’est le noyau de l’Ombre, l’essence de l’attrition;
Un pays de tristesse se nommant dépression
Où tout tremble, dessèche, se fond en blême douleur.
Ces pâles tourments m’emportent, par cycles, dans leurs spires,
Sur une vague infernale remuant les Grands Fonds.
Noyé, mon cœur s’enlise, s’étiole ma raison,
A mesure que je sombre où l’espoir vient mourir.
Puis, revient l’étincelle, peu à peu, faiblement;
Un œil sent la lumière, surnageant, dans l’oubli.
Les eaux boueuses tarissent et commence le répit
Qui lentement me ramène hors des terres de tourments.