mai 26

Dame Fortune

C’est une lame avide aux tranchants affutés
Sur l’un on lit « Justice », sur l’autre « Vérité »
Le symbole légendaire d’une divinité
Dont le regard est vide et le sens émoussé

Coupable ou innocent, tous périssent sur son fil
Hommes sincères ou menteurs, personne n’est épargné
Son jugement fait loi, sa voix incontestée
Mais sont aveuglement fait craindre maints périls

On la dit impartiale mais elle peut être achetée
Par tous les puissants qui disent la servir
Ne cherchant qu’un moyen de plus pour s’enrichir
Elle devient marionnette dans leurs mains entachées

En son nom le sang coule, le frère tue le frère
Les nations s’y conforment pour mieux la trahir
S’en prenant l’une à l’autre plutôt que de s’unir
Tous s’empoignent et se meurent pour la bien satisfaire

A ses mots l’on se plie pour ne point succomber
Et l’on fait étendard de son glorieux blason
Devant sa volonté on est que moucheron
Rejeté dans la fange par son poing d’acier

On lui prête mils rôles: honneur, fierté, patrie
Droit divin, main de Roi, ordre ancien ou nouveau
Elle n’est que paravent pour nos si grand égos
Le masque vertueux de notre hypocrisie.

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mai 22

Yggdrasil

Il est dans mon esprit un lieu plein de secrets
Une malle aux trésors, îlot dissimulé
Où se cachent des merveilles, fragments d’éternité
Souvenirs heureux, rêveries, songes abstraits
 
C’est un havre de paix dans une mer brumeuse
Où croît un végétal d’essence inconnue
Son feuillage résonne de mélodies perdues
Au rythme du reflux des vagues nuageuses

Une lumière étrange baigne sa fière ramure
Dardant sur son écorce des rayons argentés
Où dansent de mirifiques arabesques ambrées
Habillant sa pâleur de flammes et de zébrures
 
Ses longues racines plongent dans un creuset sanglant
Où palpitent des mondes au gré de ses envies
Il y goutte une sève à la couleur rubis
Emplissant chaque fibre d’un élixir ardant
 
Dans cet Arbre de Vie je vais me ressourcer
Puisant mon énergie au cœur de son savoir
Apaisant mes douleurs, mes folies illusoires
Enfouissant en son sein mes erreurs passées
 
C’est dans cette Avalon, mon île hors du temps
Qu’à tout jamais demeure mon âme pétrifiée
En ce lieu, à mon terme, je viendrai reposer
Délivré de mes peines, de mon fardeau pesant.

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mai 22

Complainte du Réprouvé

J’étais déjà ici lorsque chût l’Ange renié
Portant ma solitude en guise de fardeau
Le sceau de l’infamie avait marqué ma peau
Et pour prix de mes crimes une geôle d’éternité

J’ai vu passer tant d’ères, vécu tant de saisons
Croître tant de peuplades érigeant leurs cités
Célébrant l’intellect pour mieux guerroyer
Détruisant de leurs mains leurs civilisations
 
J’étais de toutes les guerres, manœuvrant pour la paix 
Poussant aussi, souvent, vers leurs mauvais penchants
Niant ma pénitence dans des sabbats sanglants
J’étais l’ombre du Mal, Ténèbres que l’on hait
 
Et pourtant l’incroyable, un jour, s’est produit
Lorsque de leur terreur je me nourrissais
Une âme vertueuse apparue sous les traits
D’une simple jeune femme qui alors me séduit
 
Moi, hideux nécromant, sorcier mille fois maudit
Le plus craint d’entre tous, soudain je m’affaiblis
Touché par sa douceur je quittai mon donjon
Pour suivre sa lumière, cherchant ma rédemption
En sa tendre compagnie heureuses furent mes heures
Elle seule m’acceptait, apaisant mes douleurs
Las, si promptement elle me fut enlevée
Par Ce qui juge Tout, son temps était compté
 
Elle rejoint ses semblables où jamais je n’irai
Pour renaître à nouveau, son rôle est ainsi fait
Et depuis ce temps là en chaque vie je l’espère
Je cherche mon âme-sœur, ma Source de Lumière.

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mai 20

Ode à la nuit

Lorsque se voilent les cieux de noir
Piqueté de gemmes lumineuses
Et que les visions merveilleuses
S’épanouissent, quand vient le soir

Lorsque la voûte est constellée
De mils fragments de miroir
Que tant de rêves emplis d’espoir
Fleurissent à l’esprit fatigué

Mon cœur se met à s’agiter
Et je sens mes ailes disparues
Dans leur prison de chair nue
Tenter de battre pour s’envoler

Mon essence se souvient alors
De sa nature aérienne
Une légèreté très ancienne
S’empare soudain de tout mon corps

Je veux voler dans cet azur
Sous les étoiles batifoler
Retrouver cette liberté
Que porte une âme de forme pure

Je veux retrouver les éthers
Les charmes simples et certains
Voguer dans les flots aquilins
Si loin de ce monde de poussière

Mon enveloppe argileuse
Se fendille lorsque vient la nuit
Et réveille en moi des envies
D’errances apaisantes, bienheureuses.

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mai 19

Séléné maudite

Quand la Lune opaline dans les cieux s’arrondit
Que sa lumière blafarde domine l’obscurité
Eclairant la campagne d’un voile éthéré
Mes sens exacerbés m’annoncent une longue nuit

Mes nerfs se contractent, me rendent électrique
Je deviens foudre, mon cœur battant comme tonnerre
Emplit de son fracas ma tête toute entière
Tout mon corps résonne sous ses coups frénétiques

Dans mon esprit s’emmêlent les songes oubliés
Les mondes imaginaires s’entrechoquent en vibrant
Se brisent comme cristal, dispersant leurs fragments
Emplissant ma cervelle de débris par milliers

Sous les assauts furieux de cette vague, dans l’air
Ma chair se délite au rythme des roulements
Mes os dansent la gigue, craquent sinistrement
Et mon sang s’évapore, brûlant dans l’atmosphère

Je ne suis plus qu’une onde, un sursaut démoniaque
Un ouragan humain, ardent, dégénéré
Un typhon d’énergie longtemps accumulée
Qui pourrait consumer l’Enfer d’une claque

Rien ne peut m’apaiser, tout acte devient torture
Je fuis mon écritoire, honnissant mes pages vides
Je maudis les humains, mes congénères avides
Je redeviens ermite, quand reviennent les murmures

L’inquiétant occupant de mon miroir obscur
Se manifeste alors, m’inondant de pensés
Me glissant des horreurs et des insanités
Pour mieux rire de moi, raviver mes blessures

Alors recommence une valse morbide
Où j’empoigne mes peurs, mes défauts avérés
Pour mieux les enfouir dans un noir mausolée
Le sinistre caveau de mon double putride.

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mai 13

Coven

Dans le ciel resplendit la déesse Cybèle
Parfaite sphère d’ivoire dans la nuit étoilée
Elle est notre fanal, étendard argenté
Liseuse de destinées attendant ses fidèles

La voûte aux sept piliers irradie de lumière
Au cœur des bois obscurs où elle fût érigée
Et sur chacun des trônes un pair s’est installé
Attendant le signal pour célébrer ses frères

Longtemps fût oublié ce rituel païen
Fruit des règles secrètes régissant l’univers
Lorsque les premiers êtres vénéraient la terre
Et se réunissaient pour resserrer leurs liens

Au cœur de l’heptagramme mes amis m’ont placé
Reproduisant les gestes de prestigieux anciens
Sur mon corps ont laissé l’empreinte de leurs mains
Avec une lourde chaîne ils m’ont entravé

Bientôt dans le silence s’éleva leur prière
Dans la langue ancestrale des maîtres magiciens
Ils ont murmuré leurs craintes, leur chagrin
Brisant dans mon esprit leurs sceaux et leurs barrières

Et soudain s’est produit le miracle espéré
Une à une mes menottes sont tombés en poussière
Les forces me sont venues des entrailles de l’éther
De ma prison de chair mes frères m’ont libéré

Le temps est revenu d’accomplir ma mission
Dans ces époques troublées trop de dangers menacent
Devant mon héritage les voiles maintenant s’effacent
D’un ultime mot d’espoir je suis l’incarnation.

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mai 12

Félice

De votre doux pelage, sublime félidé
J’apprécie la caresse, le frémissement soyeux
Votre bas ronronnement m’est un chant mélodieux
Et vos minauderies un discours raffiné

Vous êtes si insouciant, libre et toujours tranquille
Le temps glisse sur vous, sans prise, effrayant
Vous laissant inchangé, inexorablement
Sa Majesté le Chat demeure sur son île

Dans un lent mouvement, leste, vous défilez
Méprisant la lumière, vous vous faites de nuit
Impassible, sur cette terre, vous abhorrez l’ennui
D’infimes vibrations ne cessent de vous guider

Créature malicieuse, avide d’indépendance
Vous marchez sur les toits, délicieux funambule
Trottinant joyeusement, poursuivant une bulle
Vous tolérez seulement notre encombrante présence

Lorsque le froid et l’eau tentent de vous saisir
D’un calme petit bond vous vous escamotez
Surgissant de nulle part, devant une cheminée
A la chaleur de l’âtre vous venez vous blottir

Devant vos grands yeux clairs s’ébattent mille mondes
Mais vous restez de marbre, toujours indifférent
Posant votre regard, peu vous importe quand
Sur vos esclaves humains s’agitant dans une ronde

Vous êtes une merveille, beauté faite animal
L’intelligence brille dans vos globes d’argent
Etes-vous bien de ce monde ou n’êtes que passant
Voyageur insouciant escortant les étoiles ?

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mai 11

L’Ancêtre

Le monde m’a vu naitre au creux de sa jeunesse
Alors que rien encore ne l’avait agité
Il attendait, paisible, ses enfant premiers nés
Prêt à leur enseigner son ancestrale sagesse

Mère, qu’ils étaient beaux, ces êtres encore purs
Façonnés dans la glaise sous un ciel radieux
Portant étoiles au front, lumière dans leurs cheveux
Parés des mille splendeurs de la Dame Nature

Ensuite vinrent les fils du roc et des montagnes
Forgeurs de merveilles extraites des sous-sols
Arborant des parures aux arabesques folles
Adoucissant leurs traits, la lourdeur de leur poigne

Tant d’autres après cela, chimères et créatures
Sylphes, dragons et fées, en une grande ribambelle
Bientôt tous rejetés par une espèce nouvelle
Issue de mils croisements: l’humain au cœur dur

En à peine une vie, tous les autres l’ont fuit
Battus ou exilés dans d’autres dimensions
Tant d’êtres se sont éteints sous sa domination
Seulement arrêtée par sa peur de la Nuit

J’ai vu tellement d’horreur, d’innommables actions
Perpétré par ces hommes, ces démons trop humains
Dans ma tour isolée, j’ai protesté en vain
Appelé les Ancêtres, imploré leurs visions

Devant leur cruauté, j’ai du briser mes vœux
Reniant ma réserve, je me suis condamné
J’ai envoyé sur eux ma colère, sans pitié
Pour que cessent les massacres, j’ai déchiré les cieux

Les quelques survivants sont repartis de rien
Apprenant à subir les lois de la Nature
Beaucoup ont succombé sans espoir de futur
Mais au fil des âges, ils ont appris le bien

Et moi dans la prison où mes frères m’ont jeté
Enchaîné où personne n’est jamais venu
Pour une simple leçon qu’ils n’avaient jamais eue
J’ai perdu la jouissance de mon éternité

Seuls me restent les rêves où je puis m’épanouir
Evoluer sans entraves au cœur de l’Ether
Contempler simplement les millions d’univers
Attendant que ce cycle me voit enfin mourir.

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mai 10

L’aventureux

Bientôt je partirai sur cette étrange route
Je laisserai mes pieds suivre leur propre voie
Délaissant mes travaux, je me rêverai roi
Le long des pâturages où seul le vent s’écoute

Je filerai au gré de ses courbes sinueuses
Ne songeant qu’au lointain, aux surprises à venir
N’ayant pas d’autre but que de les parcourir
Assoiffé d’espérances, de rencontres heureuses

Demain je partirai sur ce chemin de terre
Je chausserai mes bottes, partant à l’aventure
Ecoutant les échos, les silencieux murmures
De la voute céleste, mystérieux univers

Je me ferai camelot, artiste itinérant
Profitant des ressources de notre mère nature
Marchant vers l’inconnu, n’ayant pour nourriture
Que l’envie d’avancer, toujours vers le couchant

Hier je suis parti sur ce ruban de pierre
Avec pour seul bagage mes belles résolutions
M’élançant d’un bon pas vers d’autres horizons
Coiffé de mon panache, le port altier et fier

Mais à la nuit tombée, après des heures d’errance
Mon si bel optimisme s’est évanoui
Je croisais le passage d’une terrifiante harpie
Qui me déchiqueta pour voler mon essence

A cette heure où mes jours se sont bien envolés
Voyez tout ce qu’il reste de ce simple rêveur
Je ne suis plus qu’une ombre, sinistre à faire peur
Hantant une maigre tombe perdue dans les fourrés.

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mai 8

Incompréhension

C’est un étrange malaise qui doucement s’installe
Sans heurts, sans crier gare, discrètement il s’invite
Sur nos chaotiques routes, les écueils qu’on évite
Malheureux incident qui soudain se dévoile

Il se pose, silencieux, rampant insidieusement
Se glisse lentement dans de minces interstices
Cherche et trouve les failles de nos amours novices
Et creuse son chemin dans nos égarements

Rien ne presse ce malin, il sait prendre son temps
Rongeant l’une après l’autre nos moindres certitudes
Instillant son poison, causant la solitude
Il attend la bonne heure pour briser nos serments

Son souffle vient attiser nos plus sombres pensés
Semant en nous le doute, les soupçons et la peur
Il vient faire sa moisson, ce sinistre faneur
De toutes nos espérances il se fait un bûcher

Dans ses flammes se consume un rêve de bonheur
Où vivaient à raison nos plus belles idées
Dans l’étreinte de ce feu, en cendres elles vont tomber
Ne laissant derrière elles que le bruit de nos pleurs

Sur cette terre brulée son noir fruit va germer
Faisant surgir les peines, les sinistres tourments
Chacun de nos espoirs happés par son néant
Laissera place en nous à une rage larvée

Ainsi surgit ce mal, ce vénéneux fléau
Venu nous séparer, cherchant la division
Causant notre malheur, il dissimule son nom
Utilisant des masques, insatiable salaud

C’est l’Ennui, cette douleur, l’angoisse du quotidien
C’est aussi la colère, les frustrations cachées
C’est l’incompréhension, l’amertume oubliée
Et tant d’autres souffrances que la vie nous obtient.

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