avril 19

Figé

Le réel m’entrave de ses lourds liens d’acier
M’éloignant de ma plume et de mon encrier
Chargeant chaque heure qui passe d’amertume, de conflits
Enchaînant mes passions, les vouant aux gémonies

Les rêves fuient mon chemin, me privent d’illusions
M’enlèvent le merveilleux, assèchent mes émotions
Ne restent que colère, triste désenchantement
Délesté de ses songes mon cœur devient méchant

Je confine au cynisme, moquant, grinçant des dents
Charge mes mots d’acide, d’acerbes ressentiments
Je jalouse les rêveurs, éternels innocents
J’envie leurs belles rimes, leur prodigieux talent

Je traine comme un poids mort mon âme emprisonnée
Dans un carcan de fer et de regrets mêlés
Mon esprit se repait de futiles distractions
Pour mieux tromper le vide, atroce sensation

Lorsque les chants se taisent, que la flamme s’éteint
Le néant conquérant reprend son lent dessein
Il ronge peu à peu barricades et armures
Leurrant ses partisans d’un renouveau futur.

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octobre 30

Emprise

A l’heure où l’équilibre meurt
Où le masque est fragilisé
Ressortent les sombres cotés
Océans de larmes intérieures

C’est l’instant où tombent les défenses
Les faux semblants sont révélés
Les douleurs qu’on pensait scellées
Ressurgissent en un froid silence

Les paysages se font cendres
Nuances de gris, d’obscurité
De lourdes chaînes viennent entraver
L’espoir qui voulait reprendre

Figé dans le vide éternel
L’esprit lentement se désagrège
En une suie couleur de neige
Couvrant une plaine irréelle

Le corps privé de son essence
Devient statue de pierre usée
Rongée par les peurs insensées
Corrompant cette enveloppe dense

Laminé par tant de souffrances
L’hôte est laissé à l’abandon
Cédant la place aux illusions
Qui s’emparent de sa substance

Les ombres ont alors un vaisseau
Livré à leurs noires volontés
Sous leur emprise il est tombé
A jamais damné, sans repos.

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septembre 16

Malheur

La vieille plume d’argent s’est rompue cette nuit
La muse contrariée a fuie avec la lune
L’encre larme d’étoile s’est toute évaporée
Et le beau parchemin tout à coup s’est ridé

L’écritoire enchanteur se retrouve penché
Les mots bien ordonnés se sont éparpillés
Les doigts se sont crispés sur une rime importune
Les vers deviennent bancals sur le papier meurtri

La toile s’est fendue dans un long déchirement
Les rêves se sont brûlés à la flamme des bougies
Dans un profond soupir le monde s’est racorni
L’inspiration se terre dans un silence pesant

Le poète se morfond sur ses outils ruinés
Sur ses oeuvres en friches qui ne murissent plus
Ses songes se sont ternis, ses illusions perdues
Il se sent orphelin, triste, dépossédé

Qui donc a décidé de lui voler ses dons?
Pour quelle obscure raison lui sont-ils retirés?
Quelle est donc son erreur, pourquoi le rejeter?
Ses écrits sont l’unique pilier de sa raison

« Oh Muse, pourquoi fuir? Pourquoi m’abandonner? »
« Nos associations furent pourtant merveilleuses. »
« Qu’ai-je donc bien pu faire qui vous rende malheureuse? »
Ainsi il se lamente, ses espoirs brisés.

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septembre 13

Failles

Le masque quotidien brusquement se fissure
Les ténèbres reviennent triturer mes entrailles
D’éternelles blessures suintent à nouveau le sang
Le poison se répand de nouveau dans mes veines

Les angoisses ressurgissent, exacerbant ma peine
Une crise nouvelle attise mes tourments
Un flot de souvenirs, une nouvelle bataille
Une pluie de souffrances déchire mon armure

Toujours les mêmes maux, les même cicatrices
Qui se rouvrent à mesure que tombe les défenses
Rien ne peut arrêter ces vagues déferlantes
Ni les sombres murmures du démon intérieur

La subtile apparence ne cache plus les pleurs
Les larmes couleur de cendre fruits d’erreurs qui me hantent
Mon corps couturé révèle sans élégance
Ses myriades de fractures, ces failles révélatrices

En surface s’expose l’horreur dissimulée
Le poids de cette vie, plus lourd à chaque instant
Ma détresse intérieure, mes rêves de dément
Sortent en pleine lumière, submergeant mes pensées

Ma nature occultée par tant de subterfuges
Resurgit en hurlant son immense solitude
Alors je me cloitre, me noie dans l’hébétude
Me replie hors du monde dans un secret refuge

Ces échos récurrents, reflets de mon mal-être
S’agitent et puis se calment comme l’eau d’un océan
Quand s’apaise le tumulte, que le silence s’étend
Une autre carapace me permet de renaitre.

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septembre 11

Geôle vide

Pas envie de sombrer dans les bras de Morphée
Pas sans écrire une ligne, sans attiser mon feu
Je ne veux reposer sans compléter un peu
Mon grand œuvre secret, ma part d’éternité

Chaque jour je tente d’atteindre l’état d’inspiration
Où le monde s’efface, cède la place au rêve
Chaque nuit sur le papier c’est le vide et j’en crève
Mon corps, mon esprit sont pris de convulsions

A peine quelques vers, mais d’histoires, plus question!
Les portes d’Outre Monde restent closes, scellées
Ma conscience divague, se perd dans mes pensées
Croyant apercevoir des fragments de visions

Lentement, mon univers se fane, se réduit
Sous des flots de ténèbres, effacé par le temps
Les songes se désagrègent, plongent dans le néant
Une chape de plomb les a ensevelis

Mon âme se délite en l’absence du frisson
Ma cervelle s’étiole, ma passion m’emprisonne
S’enferme dans un cycle où l’ennui m’empoisonne
Non, pas un jour de plus où meurt ma création!

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septembre 10

Nécromantisme

Mon tendre amour, douce beauté,
Comme tu es pâle sous cette lune
Couchée sur le sable des dunes
On jurerait une poupée

L’éclat de ta bouche purpurine
L’océan émeraude de tes yeux
Resplendissent de mille feux
Sous les étoiles qui t’illuminent

Pourtant tu sembles mal à l’aise
Le vin t’a-t-il enivrée ?
La Mort t’a-t-elle incommodée?
Ou est-ce le poison dans les fraises?

Il fallait bien une grande nuit
Pour adoucir ton trépas
Tu rejoindras dans l’au-delà
Cet homme de qui tu t’es épris

Mon tendre amour, douce beauté
Lorsqu’avec lui tu t’ébattais
Lorsque dans ses bras tu dansais
Pensais-tu pouvoir m’échapper?

Sur cette plage au bout du monde
Loin de toute présence importune
Tu reposeras sous les dunes
Ton amant t’attend dans la tombe

Mais rassures-toi, ne prends pas peur
Je demeurerai près de toi
A midi ma nuque se brisera
Sous la hache de l’exécuteur

Alors enfin mon pauvre cœur
Connaitra la paix désirée
J’entrerai dans l’éternité
Rachetant ta vie au passeur.

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septembre 8

Flamme

Laisse-moi me lover tout contre ton corps
Pour effacer mes peurs, mes doutes, encore
Sur ta peau de satin glisseront mils baisés
Gouttant à ta douceur pour mieux m’y oublier

Je dessinerai tes courbes d’une main amoureuse
Errerai sur les monts de ta chair sirupeuse
Me perdrai dans l’immense océan de tes yeux
Guettant l’aurore pâle d’un sourire délicieux

Dans les frondaisons vierges de ta belle chevelure
J’écouterai le vent disperser ses murmures
J’y mêlerai des mots célébrant ta beauté
Au creux de ton oreille ils viendront couler

Lentement, doucement je suivrai le chemin
Tout le long de ton dos jusqu’au bord de tes reins
Pour mieux t’enlacer, savourer ton parfum
Jusqu’au jardin secret de ton cœur divin

Enivre-moi encore de tes chants merveilleux
Laissons un peu le monde s’embraser s’il le veut
Je veux me délecter des eaux de ton Léthé
Pour enfin étancher ma soif de volupté

Contre le feu ardent de ta vitalité
La froideur de mon âme je viendrai réchauffer
Et lorsque renaîtra l’originel brasier
Nous festoierons ensemble sous la voute étoilée.

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septembre 8

Le veilleur

Parlez-moi de vos rêves pour mieux les admirer
Saisir leur essence, lentement m’en imprégner
Laissez-moi percevoir leurs secrètes vibrations
M’accorder à leur rythme, à leur inspiration

J’en distillerai l’arome, capterai leur parfum
Descellant les fragrances, les mystérieux embruns
Je placerai quelques notes dans leur mélodie
Pour apporter ma griffe à cette symphonie

Ouvrez-moi vos doux songes, vos étranges cauchemars
J’y puiserai à loisirs l’étincelle de l’espoir
Pour attiser les flammes de mon monde intérieur
Lui redonner le souffle, lui rendre sa vigueur

Sous l’érosion du temps son cœur s’est délabré
Menaçant tout l’ensemble, prêt à le faire sombrer
C’est le dernier îlot, refuge des chimères
Exilées des légendes, oubliées en enfer

Prêtez-moi vos esprits, vos visions oniriques
J’en étais le gardien, le protecteur mystique
Avant l’effondrement de ce plan ignoré
Ravagé par les lois de la réalité

La magie des vieux contes s’est vue anéantie
Par le poids d’une logique où tout est défini
Plus de place ici-bas pour les mythes anciens
Le noir matérialisme a scellé leur destin.

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septembre 1

Tatoue-moi

Dans un crissement d’encre et d’acier
Sur une peau de parchemin
S’esquissent d’innombrables desseins
Seulement connus des initiés

Sinueux fleuves sur la chair pâle
S’entrelaçant, se déchirant
Symbolique à l’épreuve du temps
Ailes déployées, cœur d’étoile

Sous l’aiguille sortent les secrets
Les joies, les peurs, sublimées
Qu’une main d’artiste exercée
Distingue dans l’ombre de nos traits

Quelques morsures douloureuses
Extirpent de l’épiderme commun
Les songes étranges et incertains
Fruits de notre âme tortueuse

Dans ces blessures s’épanouissent
Les milles couleurs de nos rêveries
Les paysages infinis
Nos corps gravés qui embellissent

Maitres d’un art mystérieux
Qui mêle images, calligraphie
Aux beautés de l’anatomie
Vous êtes seigneurs du merveilleux.

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août 18

Rancoeur

Tant de meilleurs rimeurs aux multiples talents
Tant de fieffés escrocs à la langue bien pendue
Tant de truqueurs de mots devenus reconnus
Ma médiocrité va me rendre dément

Je jalouse ceux qui ont l’encre si aisée
Qui avec quelques rîmes érigent un monument
Pendant que je végète, plein de ressentiment
Sur de pauvres vers, disparates, abîmés

Ma plume mal taillée écorche chaque rime
Espérant une Muse qui sans cesse s’efface
Les écrits restent en friches et le papier se froisse
La frustration grandit alors que je m’escrime

Aucune ligne tracée ne demeure sensée
Mes pensées s’entremêlent en un imbroglio
Où domine la colère. L’échec, de nouveau !
De rage l’écritoire devient terre dévastée.

Je maudis les génies que favorise la chance
Les voue aux gémonies, leur souhaite mille morts
Et, pris de désespoir, me lamente sur mon sort
Lorsque la colère tombe, ne reste que la souffrance.

Pourtant je ne pourrais abandonner ce mal
Le miracle de l’encre est une catharsis
Sans le soutien constant de ces pages qui noircissent
L’existence ne serait qu’un cauchemar infernal.

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