mars 3

Métamorphose du miroir

Est-ce ton visage dans ce miroir ?
Est-ce vraiment toi, triste rimeur ?
Dans le reflet de ton regard
Vois-tu ces yeux brûlants d’horreur ?

Sens-tu ce froid rongeant tes os ?
Sens-tu cette ombre contre ton cœur ?
Vois-tu la teinte rougie de l’eau ?
N’éprouves-tu pas quelque douleur ?

Ne sens-tu pas en toi monter
Une rage froide et ravageuse ?
N’entends-tu pas le glas sonner
Lorsque ta peau devient neigeuse ?

Lorsque ton corps devient chaos
Le laisses-tu se révéler ?
Laisses-tu ton être s’effacer
A profit de l’immonde salaud

Qui se trouve là, au plus profond
Patiemment attendant son heure
Pour libérer tous les démons
Et livrer le monde au Malheur.

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mars 3

Requiem

Néant, vide indéniable, trop imposant désert
Puissant souffle de mort au coeur d’une morne sphère
Sablier dont la poudre cessa de s’écouler
Cieux obscurs que les anges même ont oubliés

Auditorium nu que plus un son n’anime
Pages blanches aux mots creux où plus rien ne s’exprime
Nuances de gris profond, abîmes, puits infâmes
Vous happiez mes démons, mes muses dans vos flammes

Il ne reste en ces fonds que des cendres éteintes
Etouffés par l’horreur de violentes étreintes
Les feux ont disparu, laissant des terres brûlées
Et les squelettes hideux de vieux arbres calcinés

Alors qu’hier encore vie et mort s’agitaient
Dans ces creusets étranges que mon âme façonnait
Aujourd’hui ne demeurent que des ruines érodées
Par des vents sulfureux aux souffles fatigués

Les mots se sont usés, l’encre s’est oxydée
Et le temps a jauni la blancheur du papier
Le triste jeune poète depuis longtemps n’est plus
Ses ossements ont pourri avec sa plume déchue.

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février 3

Fable cynique

Voici donc l’histoire troublante et amère
De Luc Sifel rêveur éphémère
Tout petit déjà il jouait à faire
Des formes étranges dans la poussière

Les voyait bouger, sauter, danser
Au gré de récits imaginés
Et puis, plus grand, il passait son temps
Dans les nuages, batifolant

Son père, sa mère et tous ses amis
Se disaient: « Que faire ? Que faire de Lui ?
Il vit dans son monde, loin du réel
Là bas les heures lui sont plus belles. »

Lorsqu’il fut en âge de travailler
Il lui fallut trouver un métier
Hélas le pauvre ne savait faire
Que vivre dans son imaginaire

Aucun travail ne conserva
Dans la misère se retrouva
Alors que ses songes l’avaient fuit
Filant dehors un jour de pluie

Appelant l’alcool à son secours
Pour effacer les mauvais jours
Il finit patient d’un asile
Pourchassé par ses chimères, l’imbécile.

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février 3

A corps perdu

A corps perdu
Corps éventré, versant ses tripes sur le papier
Crachant sa bile, ses humeurs
Poissant les pages de sa sueur

A coeur perdu
Coeur écorché, épanchant son sang enflammé
Sur tant de feuilles, vidant sa sève
Dégouttant, maculant sans trêve

A heures perdues
Heures dévorées par tant de mots, de lignes tracées
Gravant les songes et les blessures
Dans cette glaise aride et dure

A âme perdue
Ame consumée, embrasant l’être, le consumant
Rongeant son crâne, brûlant sa vie
Pour son Grand Oeuvre, à l’agonie

Ah! où est-il ce temps passé
Lorsque les rêves s’exprimaient
Tant de chapitres j’écrivais
Jusqu’à la mort, ensorcelé.

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février 3

Psyché

Des ténèbres lunaires aux brûlures solaires
Il n’y a qu’un pas, il y a un monde
Une pièce entre deux portes où se mêlent les éthers
Oscillant, incertaine, chaque seconde

Un océan obscur à la surface lisse
Qui absorbe et renvoi les ondes lumineuses
Un puit aussi profond que la plus sombre abysse
Aux issues aveuglantes d’une clarté radieuse

Sur une face serpentent les ombres affamées
Singeant les brumes diaphanes aux formes incandescentes
Qui ondulent, innocentes, à l’autre extrémité
Eclaboussant leur monde d’une beauté insolente

Dans leur sphère funèbre chargée de noires fumées
Au milieu des scories, des cendres innommables
S’agitent tant de spectres aux robes enténébrées
Que pour chaque lumière dansent dix sinistres diables

Vous qui voyagez là, pris entre ces deux sphères
Prenez garde à ne pas trop longtemps contempler
Ces deux surfaces étranges, ce miroir teint de verre
De peur que vos reflets n’en viennent à le briser

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février 3

Lux video

Oh lointaines étoiles, rubis resplendissants
Bris de mémoire épars, éclats d’obscurité
Me reviennent vos chants, sons anciens, oubliés
Parfois lors d’une nuit au silence effrayant

Je revois vos rivages aux îles iridescentes
Et les lagons brouillés de vos eaux merveilleuses
Les ailes déployées de vos masses gazeuses
Dressant entre eux des ponts aux arches évanescentes

Les navires stellaires aux voiles d’or brûlé
Louvoyant en vos ports de pierres volcaniques
Escortés par de grands volatiles plasmatiques
Au plumage fait de sable lentement vitrifié

Alors l’immonde Kraken, éternel affamé
Etendait grand ses bras dans un bruit terrifiant
Il les dévorait tous, Maelström rugissant
Le jetant dans un gouffre, sa gueule enténébrée

Il me revient, étoiles, l’écho des jours lointains
Du temps de vos splendeurs maintenant évanouies
Malgré votre lumière la mort vous a pris
Dans son voile de ténèbres, vous brûlâtes bien en vain.

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janvier 8

Ne reste rien

Tout est écrit, tout l’a été
Chaque jour chaque heure, chaque sentiment
Sous la plume, l’encre a tout tracé
Douleurs, ratures, émerveillements

Les pages noircies sont empilées
L’une sur l’autre, sans empressement
A l’abandon presque oubliées
Enfouies sous les sables du temps

L’antique écritoire a tout vu
Eclats de rires, crises de pleurs
Placidement il a tout lu
De mes espoirs et de mes peurs

La plume jadis si habile
Ne trace plus qu’avec peine
Des lignes vides, inutiles
Histoires sans vie, inhumaines

La source aux mystères s’est tarie
L’encre magique s’est asséchée
Le papier sacré a jauni
Imaginaire assassiné.

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novembre 17

Amor

Une petite étincelle qui soudain tout embrase
Un sentiment subit qu’on décrit, plein d’emphase
Le battement des ailes d’une troupe de papillon
Qui envahit les tripes, obscurcit la raison

Deux syllabes en un souffle, à peine murmurées
Le coeur qui s’emballe, et semble plus léger
Cela tient en deux mots, à la fois tout et rien
Un bouleversement dans notre quotidien

De toutes les émotions c’est la plus merveilleuse
Et pourtant ses blessures sont les plus douloureuses
Elle consume l’âme de multiples manières
Ou vient l’illuminer de son puissant mystère

D’elle viennent les espoirs les plus démesurés
Viennent aussi les chagrins les plus désespérés
Son empreinte est visible dans les oeuvres les plus noirs
L’on trouve dans sa lumière un remède aux cauchemars

Chaque être dans sa vie l’a une fois croisé
On ne peut décompter ceux qui s’y sont brûlés
Cette étrange affection, cette folie de toujours
Porte si bien son nom. Peste soit de l’Amour!

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octobre 30

Musique

C’est le chant de la terre, à l’aube, lorsqu’elle s’éveille
Un accord joué sur les rais du soleil
C’est l’aria de l’oiseau qui bondit dans les cieux
La mélopée du vent au coeur du bois radieux

C’est le son de ses pas légers sur le parquet
Le sourd battement que son doux coeur émet
C’est la calme cantate des muscles lorsqu’elle s’étire
Le bruissement des draps qui lentement se retirent

C’est la tendre ballade de l’herbe qui ondule
Le frôlement des vagues qui s’avance puis reculent
C’est un éclat de rire, une larme effacée
Le gazouillis d’une voix trop longtemps oubliée

C’est un souffle, un silence au milieu du tapage
Un havre de repos, une magnifique plage
C’est un élan divin, une vibration magique
Qui soudain nous entraîne vers des lieux idylliques

C’est un tout, ce n’est rien, à peine une inflexion
La rumeur d’une rivière, une vague modulation
C’est une onde discrète, pourtant omniprésente
Merveille des merveilles, Musique, tu nous enchantes.

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octobre 29

Sur ma peau

En suivant les courants de ton inspiration
Dessine sur ma peau tes rêves, tes passions
Laisse glisser ta plume, ta pointe teintée de noir
Sur mon épiderme, trace tous tes espoirs

Décris y tout tes songes, ta soif d’éternité
Recouvre ce teint pale de ton encre argentée
Fais de moi un codex, une preuve de ton talent
Une bibliothèque des savoirs d’antan

Laisse glisser ta pointe dans ma profonde écorce
Appliques ton empreinte, laisse là avec force
Laisse couler le sang qui peut parfois perler
Dilue le dans ton encre pour l’ensorceler

Grave tous tes symboles, fais de moi ton grimoire
Transforme moi en clef enchaînant tes cauchemars
Recouvre tout mon corps, ne laisse pas une parcelle
Sans un mot, sans une trace, nourris mon étincelle

Je serai le golem porteur de tes écris
Modèle cette glaise, mets y tes pleurs, tes cris
Je serai un reflet, Apollon, demi dieu
L’auréole divine embrasant tous les cieux

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