septembre 28

Ignis strygia

Une nuit de longue errance, au bord de l’épuisement
Alors que quelque étoile filait vers l’horizon,
Écroulé sous un charme, me vint une vision
Qui me laissa le cœur et l’esprit pantelants.

Sur la lande déserte dévorée par la nuit
J’aperçus tout soudain comme un miroitement.
Alors la trame du monde, prise de frémissements
Se courbant, s’agita: son voile se fendit.

De cette déchirure, une jambe émergea,
Une fine cheville effleurant les bruyères.
La seconde suivi; une silhouette altière
Nerveuse, longiligne, bravement se dessina.

Dans le jour tombant, le Temps même s’arrêta
Alors que s’ouvrait les yeux de l’arrivante.
Son regard de flamme, sa chevelure brûlante
Marquèrent ma rétine; mon âme chancela.

Ses yeux, sans même ciller, dans l’instant me saisirent
Comme l’œil du chasseur s’empare de sa proie.
Privé de volonté, mon corps se figea
Laissant toute sa puissance, son emprise m’envahir.

Les échos du ressac derrière elle résonnaient
Et les vents mugissants d’une houle tempétueuse.
Cette déesse sourit puis, d’une démarche gracieuse
Regagna la fissure, s’effaçant à jamais.

Fut-elle bien réelle, cette ardente guerrière;
L’œuvre fantasmatique de mon esprit perclus?
Avait-elle jeté sur moi son dévolu?
Dévoilera-t-elle un jour son auguste mystère?

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septembre 27

Typhon psychique

Oh, toi divine Oracle qui voit tout et devine
En chaque créature, les songes et le dessein;
Je me tourne vers toi, éclaire mon chemin!
J’erre depuis des éons dans les brumes et me mine.

J’ai ausculté mon Cœur qui s’échine et se tord
Pris comme un frêle esquif en tempête océane,
Consulté la Raison où tout rêve se fane;
Depuis mon pauvre esprit titube, à demi-mort.

Y a-t-il dans cette flamme quelques fois aperçue,
Dans ces coïncidences, hoquets de l’Univers
Quelque secret indice? Parler ou bien me taire ?
Ne serait-ce qu’un reflet de mon âme perdue ?

Sont-ce donc des illusions ou un heureux présage?
Le prélude au bonheur que j’ai tant espéré ?
Ou de simples images, trop vite interprétées
Par ce cœur languissant, en manque de passion?

Prêtresses du Destin, vous, les Grandes Tisseuses,
Avez-vous pour mon âme une petite indulgence?
Dois-je agir? Me montrer? Rester dans le silence?
Demeurer coi au risque d’une parole malheureuse ?

Ombre et lumière s’étirent, s’affrontent et s’entremêlent
Créant un maelstrom de souhaits contradictoires.
Mon esprit se déchire, se fissure! Désespoir!
Devant tant d’émotions, tout mon être chancèle.

Quelle est donc la Réponse, la Juste Réaction ?
Suis-je vu, attendu ? A quel sens me fier ?
Ou bien mon cœur malade s’escrime à se berner;
Ou ces étrangetés sont une indication…

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août 27

Ricinus

Le bras négligemment appuyé à une table
Et le menton posé dans le creux de la main,
Les esprits embrumés par un infecte vin,
Mon regard aigre englobe un monde misérable.

Les gémissement des hommes m’insupportent, m’agressent;
Êtres empoisonnés par leur crâne suffisance.
Ils ne sont que baudruches s’enivrant de jouissance,
Brûlant pour leur plaisir la terre dont ils s’engraissent.

Leurs incessants caprices, leur brutale violence
Et leur bruit permanent me choquent et m’indisposent;
Mon être alors s’abîme dans des pensées moroses
Ressassant ses humeurs et sa déliquescence.

Sur le pâle vélin désespérément vide
Passent mes yeux fiévreux; et la plume brisée
De mille tentatives n’ayant jamais germé
S’étiole un peu plus sous mon jugement acide.

Mon cœur ne s’émeut plus, noircissant, se nécrose
A mesure que s’égrainent les journées apathiques.
Les cycles se ressemblent et me rendent cynique;
En l’absence de passion, l’esprit n’est plus que chose.

Où se sont envolées les reines lumineuses,
Les merveilleuses étoiles aux rires émerveillés
Dont le moindre frisson venait me faire vibrer
Et chassait loin de moi les nuées ténébreuses ?

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juillet 2

Aethernam

J’ai vu la Première Aube, balbutiante, sur l’Aether,
Songelune s’élever, croître puis s’étioler,
De ses bulles de rêve l’Univers émerger
Et les graines d’Onyrie lentement se faire chair.

J’ai vu croître en ces mondes mille peuples sans noms,
Me glissant parmi eux pour mieux les découvrir;
Contemplé leurs espoirs, leurs vies, leur devenir,
Leurs conflits, leurs erreurs et leur annihilation.

Curieuse, mon essence se dota de matière,
Pour mieux apprécier des mortels le séjour;
J’ai connu des Empires, la mort comme l’amour
Sans trouver nulle trace d’un être d’Outre-Sphère.

Combien d’étoiles brûlées, combien d’astres détruits,
Depuis que la Lumière a éclairé le Vide ?
Sur des planètes gelées, dans des sables arides,
Longtemps j’ai cheminé au gré de ma folie.

Tant de fois, épuisé par ma longue errance
J’ai voulu être libre, revoir l’Autre Côté.
Alors, ma méprise me fût toute exposée:
Mon vaisseau de matière retenait mon essence.

Grande fût ma détresse, immense mon désarroi,
Mon âme ne pouvait plus à sa guise s’envoler.
Cette enveloppe me tenait dans ce monde prisonnier,
Condamné à subir les affres et le trépas.

J’avais encor l’espoir qu’arrivé à sa fin
Ce corps relâcherai mon esprit vagabond.
Je pensais oublier ma triste condition
Le terme de mon errance se présentant enfin.

C’eut été oublié un Dieu inexorable:
Le Temps a son Horloge m’avait assujetti.
Depuis, je vagabonde, loin de la Faerie
Prisonnier de ce sort, d’un destin immuable.

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juin 19

La funambule

Par un jour brumeux en des terres éloignées,
Sur mes chemins d’errance quelques pas m’ont conduit
Près d’un étrange cercle tout de sable blanchi
Qu’une foule observait d’un air fasciné.

Au centre se tenait une fine demoiselle,
Son corps longiligne tel un arc bandé.
Sa chevelure d’automne par l’onde ébouriffée
Dansait comme une flamme au bout de sa chandelle.

Souple comme un roseau et vive comme un félin
La belle s’élança, se cabrant, bondissant.
Porté par la lumière, son regard océan
Vint se ficher en moi, harpon céruléen.

Elle tournait sur elle-même, parcourant cet anneau
Tantôt d’un pas tranquille, tantôt d’un saut cambré
Tout son être vibrait d’une souple agilité
A mesure que son corps tissait un écheveau.

Ébloui par sa grâce, son ardeur virevoltante
Je demeurai saisi par son divin ballet.
Toute entière à sa tâche, son jeu m’hypnotisait;
Mon cœur s’attachant à cette comète filante.

Mais parmi ces visages, ces faces ébahies
La belle remarqua-t-elle l’automate fatigué
Aux rouages grinçants, au mécanisme usé
Tellement émerveillé par sa jeune énergie ?

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mai 24

Eden

J’ai vécu mille vies à t’attendre ici-bas,
Belle rose, tendre cœur, venue d’une autre sphère.
J’ai connu joies et peines, ri, pleuré, tant souffert
Avant de voir enfin de ton regard l’éclat.

J’ai tant côtoyé l’ombre qu’elle vint ronger mon âme,
Resserrant patiemment son étreinte mortifère
Jusqu’à ce qu’en ce monde rejaillisse ta lumière
Chassant l’avide brume et son cortège infâme.

Ma déesse, mon archange, toi si humble et puissante,
Te trouver en ces lieux après tant d’avanies
Me laisse tout à la fois stupéfait et ravi.
Serai-je digne encor de toi, radieuse amante?

Tout ce temps, ces éons m’ont abîmé, usé.
Mille blessures ont vu se racornir mon cœur.
Retrouveras-tu en moi sous le voile de douleur
L’être qu’en un autre âge tu avais tant aimé ?

Certains chemin m’ont vu brisé quelques serments,
Parfois me parjurer, salir mon honneur;
Ma part ténébreuse accomplit des horreurs;
Trouverai-je grâce à tes yeux malgré ces égarements?

Le ciel fasse que ce jour où je sens ta présence
Ne soit pas qu’illusion nourrie de souvenirs.
Sans toi, je ne suis rien qu’écho sans avenir,
Reflet pâle, moribond, d’une onirique essence.

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mai 18

Aes sidhe

Dans le triste chaos d’une grise cité
Aux murs lézardés par le temps et l’usure
J’erre, pantin mutique, dans la fange et l’ordure
Courant après un spectre, mirage d’un être aimé.

D’une illusion à l’autre, je titube, sans repos
Bercé par un espoir, délirant, hypnotique:
Celui de la revoir, ma chimère, mon unique
Et de trouver enfin ce qui me fait défaut.

Dans cette ville éteinte, la vie se fait absence;
L’écho seul de mes pas résonne à mon oreille.
Pourtant je suis un son d’un éclat sans pareil,
La cascade musicale d’un rire dans ce silence.

« Tu l’as laissée partir! » crie mon cœur blessé;
« Alors que tu sentais émerger l’émotion! »
Ce creuset passionné me traite de bouffon
Alors même que je cherche l’issue pour m’amender.

Sous le ciel inclément versant une pluie saumâtre
Je poursuis cette quête, refusant de plier.
Je m’échine, m’entête à chaque difficulté
Méprisant les obstacle, persistant à me battre.

Si je demeure ainsi dans mon obstination,
C’est parce que je ne puis un instant oublier
Le baume qu’à offert à mon essence brisée
Cette discrète sidhe au regard profond.

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mai 9

Hanté

Sur les ailes d’un oiseau arpentant les nuées
En route pour le domaine où plongent mes racines,
J’ai croisé le chemin d’une étrange Mélusine
Qui d’un éclat de rire a mon cœur engeôlé.

Instants divins et simples où nous pûmes deviser
Tout deux, nous commençâmes à nous livrer un peu.
Les eaux de son regard brillant de mille feux
Lentement m’envoûtèrent pour ne plus me quitter.

Hélas, le charme prit fin, le temps reprit son cours
Ma craintive nature, l’infâme, me rattrapa.
Au terme du voyage, je l’abandonnait là
Sur les rives de cette ville où sombrent les amours.

« Faible! Vil couard! Tu t’en repentiras! »
M’apostrophe mon cœur en son feu ravivé.
Cette erreur me consume, plaisamment attisée
Ses yeux couleur d’émeraude me brûlent de leur éclat.

J’en appelle aux puissances régissant l’univers:
Accordez-moi la chance de corriger ce choix!
Laissez-moi humblement revenir sur mes pas,
Révéler à la belle l’émotion qui m’enserre!

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avril 24

Ys

Il est un océan d’étincelantes couleurs
Où mon âme sans repos aime venir se noyer;
Le jaspe et l’émeraude ses eaux ont colorés,
Mêlant leurs milles nuances en flot enchanteur.

Son onde au gré des vents se trouble et puis s’agite
Parsemant sa surface de vagues aux crêtes d’argent.
Dans l’abysse profond se forment des courants
Comme le cri silencieux des forces qui l’habitent.

Tantôt tempétueux ou bien calme mer d’huile,
Dans sa contemplation, toujours, je me perds.
En cet étrange havre, quelque magie s’opère
M’abreuvant de visions, telle une antique sibylle.

L’énergie bouillonnante sous le paisible espace
Régénère mon corps si souvent affaibli.
C’est une cure de jouvence, une secrète alchimie
Qui me lie à ce lieu où les douleurs s’effacent.

J’abandonne sans honte bien des heures de ma vie
Contre quelques instants perdu dans ce miroir.
Il est si fascinant, ce merveilleux regard;
Jamais je ne me lasse de me plonger en lui.

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avril 20

Le voyageur

Absorbé par l’éclat des astres au firmament
Le regard attaché à la voûte céleste
Le poète se rêve loin du monde terrestre
Onirique météore vers l’Éther filant.

Dans le feu des étoiles il cherche une lumière
Pouvant rivaliser avec les grands yeux d’or
D’un être merveilleux, un ange ayant pris corps
Dissipant ses ténèbres comme une brise légère.

De sa plume il invoque la secrète déesse
Qui d’un battement de cils chavirerait son cœur
Il lui prête les traits délicats, enjôleurs
De mille demoiselles, lavandières ou duchesses.

Il emprunte aux comètes quelques fils d’argent
Pour tisser à sa belle une royale parure
De gemmes fantastiques dont les eaux sont si pures
Que la nuit dans ses voiles les garde jalousement.

C’est là son seul plaisir, sa seule fantaisie,
Esquisser un portrait, s’inventer un amour
Car depuis bien longtemps, presque depuis toujours
Il erre seul sur les voies que lui tracent la vie.

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