novembre 16

Möbius

Comme un grand fauve un cage, girouette incessante
Devant mille chemins, mon esprit tourne et vire.
A contre-temps, mon cœur se balance et chavire,
Pressé par ses fantômes, ombres évanescentes.

Le territoire des brumes s’est fait place en mon âme,
Occultant mes visions, muselant mon Oracle.
Je ne distingue plus l’Illusion des Miracles;
Aveuglée par mille phares ma psyché croule, se pâme.

L’immense cacophonie des sociétés humaines
Ou le pesant silence de mon isolement
Me rendent sourd, effacent avec acharnement
La subtile mélodie qui me guide et m’entraîne.

Oh, âmes vagabondes! Chères amies, chères sœurs,
Vous dont les voix sublimes enveloppaient mes pas;
Daignez, je vous supplie, porter regard vers moi,
M’apporter à nouveau vos murmures charmeurs!

Ma boussole ne sait plus quelle route tracer
Et comme le rongeur au cœur du labyrinthe
Je rumine en silence tant d’idées, tant de craintes,
Tournant, me retournant, sans jamais avancer.

Tout se brouille en mon être, comme l’encre sous l’averse,
Tout s’écoule, se mélange, paysage détrempé.
Vie et songes se confondent, épuisent ma pensée
La confusion s’étend, mes espoirs s’inversent.

De Charybde en Scylla, de Morgane à Circé,
Sous des souffles contraires, je roule, pâle fétu
Peu à peu, je m’abîme, j’erre, l’esprit perdu
Sans plus trouver un astre qui vienne m’éclairer.

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novembre 5

Erebos

Sur une jetée tempétueuse
Sans cesse battue par les vents,
Un bateau qui ne vient j’attends,
Tel un phare dans la nuit brumeuse.

Ballotté par ses ouragans,
Mon cœur se convulse et s’agite.
Il espère, souffre ou bien s’irrite
A mesure que file le temps.

« Sera-ce enfin l’Aile du Salut
Ou bien encore le Désespoir? »
Quitterai-je enfin ces eaux noires
Pour les terres de l’Absolue? »

Ainsi songe-t-il, le pauvre hère,
Alors que l’attente s’allonge.
Tant d’émotions l’emplissent, le rongent
Et l’horizon demeure désert.

Depuis longtemps j’arpente ce monde
Sans jamais n’avoir croisé
Que des ersatz éloignés,
Des échos d’une vibrante onde.

J’ai empli mes yeux de merveilles,
Cherchant toujours cette vibration,
Ayant la suprême conviction
Qu’elle serait mon Souffle d’Éveil.

A la poursuite de ce rêve
Sur tant de routes j’ai cheminé
Aboutissant à cette jetée
Où j’espère que l’attente s’achève.

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octobre 14

Fossile

En ce monde restreint où la s’épuise la Magie
Rongé par l’illusion des richesses matériels,
Où se montrer vivant réserve un sort cruel,
Existe-t-il encore un Songe non avili?

Y a-t-il en quelque lieu une fée émeraude
Dont le regard s’embrase de feux céruléens?
Une flamme brule-t-elle encore derrière le voile ancien
Où dansaient les fantasmes et les faunes en maraude?

Ici, les jours s’allongent quand l’aube s’évanouit
Et le cœur se fait lourd sous sa peau d’obsidienne.
Le rempart dressé contre les âmes malsaines
Paralyse peu à peu ce songeur endormi.

Les pâles échos du Rêves, fantômes boréales
Laissent l’esprit pesant, oublieux, calciné.
Quel serait le remède, la sublime panacée
Qui rendrait l’étincelle à ce froid minéral?

Dans quel replis caché des Infinis Espaces
Se cache la vibration qu’espère ce moribond?
Quel soudain accord, quelle douce émotion
Brisera l’isolement de cet ermite las?

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septembre 28

Ignis strygia

Une nuit de longue errance, au bord de l’épuisement
Alors que quelque étoile filait vers l’horizon,
Écroulé sous un charme, me vint une vision
Qui me laissa le cœur et l’esprit pantelants.

Sur la lande déserte dévorée par la nuit
J’aperçus tout soudain comme un miroitement.
Alors la trame du monde, prise de frémissements
Se courbant, s’agita: son voile se fendit.

De cette déchirure, une jambe émergea,
Une fine cheville effleurant les bruyères.
La seconde suivi; une silhouette altière
Nerveuse, longiligne, bravement se dessina.

Dans le jour tombant, le Temps même s’arrêta
Alors que s’ouvrait les yeux de l’arrivante.
Son regard de flamme, sa chevelure brûlante
Marquèrent ma rétine; mon âme chancela.

Ses yeux, sans même ciller, dans l’instant me saisirent
Comme l’œil du chasseur s’empare de sa proie.
Privé de volonté, mon corps se figea
Laissant toute sa puissance, son emprise m’envahir.

Les échos du ressac derrière elle résonnaient
Et les vents mugissants d’une houle tempétueuse.
Cette déesse sourit puis, d’une démarche gracieuse
Regagna la fissure, s’effaçant à jamais.

Fut-elle bien réelle, cette ardente guerrière;
L’œuvre fantasmatique de mon esprit perclus?
Avait-elle jeté sur moi son dévolu?
Dévoilera-t-elle un jour son auguste mystère?

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septembre 27

Typhon psychique

Oh, toi divine Oracle qui voit tout et devine
En chaque créature, les songes et le dessein;
Je me tourne vers toi, éclaire mon chemin!
J’erre depuis des éons dans les brumes et me mine.

J’ai ausculté mon Cœur qui s’échine et se tord
Pris comme un frêle esquif en tempête océane,
Consulté la Raison où tout rêve se fane;
Depuis mon pauvre esprit titube, à demi-mort.

Y a-t-il dans cette flamme quelques fois aperçue,
Dans ces coïncidences, hoquets de l’Univers
Quelque secret indice? Parler ou bien me taire ?
Ne serait-ce qu’un reflet de mon âme perdue ?

Sont-ce donc des illusions ou un heureux présage?
Le prélude au bonheur que j’ai tant espéré ?
Ou de simples images, trop vite interprétées
Par ce cœur languissant, en manque de passion?

Prêtresses du Destin, vous, les Grandes Tisseuses,
Avez-vous pour mon âme une petite indulgence?
Dois-je agir? Me montrer? Rester dans le silence?
Demeurer coi au risque d’une parole malheureuse ?

Ombre et lumière s’étirent, s’affrontent et s’entremêlent
Créant un maelstrom de souhaits contradictoires.
Mon esprit se déchire, se fissure! Désespoir!
Devant tant d’émotions, tout mon être chancèle.

Quelle est donc la Réponse, la Juste Réaction ?
Suis-je vu, attendu ? A quel sens me fier ?
Ou bien mon cœur malade s’escrime à se berner;
Ou ces étrangetés sont une indication…

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septembre 2

Extrait

« Je suis un être d’ailleurs.

Les jours défilent. J’avance. Changement d’air. Me voici près de l’océan, à quelques pas de cette immense étendue dont le son me berce, dont la sensation me régénère. Presque quatre décennies pour prendre ma voie en main. Ici, je me sens plus libre, plus en harmonie.

Je vois le monde tourner, les humains que je côtoie suivre leur chemin, trouver quelqu’un avec qui avancer. Chaque jour, je peux constater à quel point je suis à mille lieues de leur fonctionnement. Ils vivent, se rencontrent, se retrouvent. Ils ont ce besoin de s’agiter et de faire tant de bruit pour combler l’espace. A croire qu’ils sont terrorisés par le silence et par le vide.

Et pourtant, ce vide est parfois plénitude, ce silence, paix de l’âme. Combien ils gagneraient à se laisser bercer par le son du monde, porter par le souffle du vent, caresser par les vagues de cet infini océan. Qu’y a-t-il de plus doux qu’un ciel empli d’étoiles et le doux murmure du ressac ? Écoutez ! Sentez !

J’ai beau les connaître depuis toujours, être parmi eux depuis si longtemps, jamais je ne me ferai à leurs comportements. Ils sont capables de choisir une personne pour une nuit, de l’avoir oubliée le lendemain. Leurs échanges se font de plus en plus par écran interposé, se sélectionnant sur catalogue, comme l’un de leurs produits de consommation. Qu’en est-il de la rencontre ? Qu’en est-il de la conversation, de toute cette communication non verbale qui révèle l’autre bien plus que ses mots ?

Et qu’en est-il également de cette obsession de surprotection ? Il sera bientôt presque impossible d’échanger une salutation entre deux êtres de sexe opposé sans dévider son casier judiciaire ou ses antécédents médicaux…

Et le Songe, me direz-vous ? Le Songe se meurt, peu à peu oublié, sa magie s’éteignant, noyée par le mercantilisme et le consumérisme dont se glorifie cette espèce.

Alors un être à demi-songe, comment peut-il s’adapter, survivre en ce monde ? Comment peut-il espérer croiser un autre être suffisamment proche pour parvenir à vibrer avec harmonie ?

Je suis un être d’ailleurs, d’un autre temps, d’une autre sphère. Il y a si longtemps que j’erre parmi eux.

Ils ne sont pas sans beauté, sans bonté. Mais rare sont les êtres qui laissent parler en eux cette fibre. Ils ont peur ; peur de sentir, peur d’éprouver, peur de se blesser… Ils ne réalisent pas que c’est par les blessures, par la souffrance que l’on apprend. Ils préfèrent se voiler la face, vivre dans une illusion sécuritaire, dirigés par des fous, de plus en plus soumis et contrôlés par des machines. »

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août 28

Ricinus

Le bras négligemment appuyé à une table
Et le menton posé dans le creux de la main,
Les esprits embrumés par un infecte vin,
Mon regard aigre englobe un monde misérable.

Les gémissement des hommes m’insupportent, m’agressent;
Êtres empoisonnés par leur crâne suffisance.
Ils ne sont que baudruches s’enivrant de jouissance,
Brûlant pour leur plaisir la terre dont ils s’engraissent.

Leurs incessants caprices, leur brutale violence
Et leur bruit permanent me choquent et m’indisposent;
Mon être alors s’abîme dans des pensées moroses
Ressassant ses humeurs et sa déliquescence.

Sur le pâle vélin désespérément vide
Passent mes yeux fiévreux; et la plume brisée
De mille tentatives n’ayant jamais germé
S’étiole un peu plus sous mon jugement acide.

Mon cœur ne s’émeut plus, noircissant, se nécrose
A mesure que s’égrainent les journées apathiques.
Les cycles se ressemblent et me rendent cynique;
En l’absence de passion, l’esprit n’est plus que chose.

Où se sont envolées les reines lumineuses,
Les merveilleuses étoiles aux rires émerveillés
Dont le moindre frisson venait me faire vibrer
Et chassait loin de moi les nuées ténébreuses ?

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juillet 5

Aethernam

J’ai vu la Première Aube, balbutiante, sur l’Aether,
Songelune s’élever, croître puis s’étioler,
De ses bulles de rêve l’Univers émerger
Et les graines d’Onyrie lentement se faire chair.

J’ai vu croître en ces mondes mille peuples sans noms,
Me glissant parmi eux pour mieux les découvrir;
Contemplé leurs espoirs, leurs vies, leur devenir,
Leurs conflits, leurs erreurs et leur annihilation.

Curieuse, mon essence se dota de matière,
Pour mieux apprécier des mortels le séjour;
J’ai connu des Empires, la mort comme l’amour
Sans trouver nulle trace d’un être d’Outre-Sphère.

Combien d’étoiles brûlées, combien d’astres détruits,
Depuis que la Lumière a éclairé le Vide ?
Sur des planètes gelées, dans des sables arides,
Longtemps j’ai cheminé au gré de ma folie.

Tant de fois, épuisé par ma longue errance
J’ai voulu être libre, revoir l’Autre Côté.
Alors, ma méprise me fût toute exposée:
Mon vaisseau de matière retenait mon essence.

Grande fût ma détresse, immense mon désarroi,
Mon âme ne pouvait plus à sa guise s’envoler.
Cette enveloppe me tenait dans ce monde prisonnier,
Condamné à subir les affres et le trépas.

J’avais encor l’espoir qu’arrivé à sa fin
Ce corps relâcherai mon esprit vagabond.
Je pensais oublier ma triste condition
Le terme de mon errance se présentant enfin.

C’eut été oublié un Dieu inexorable:
Le Temps a son Horloge m’avait assujetti.
Depuis, je vagabonde, loin de la Faerie
Prisonnier de ce sort, d’un destin immuable.

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juin 19

La funambule

Par un jour brumeux en des terres éloignées,
Sur mes chemins d’errance quelques pas m’ont conduit
Près d’un étrange cercle tout de sable blanchi
Qu’une foule observait d’un air fasciné.

Au centre se tenait une fine demoiselle,
Son corps longiligne tel un arc bandé.
Sa chevelure d’automne par l’onde ébouriffée
Dansait comme une flamme au bout de sa chandelle.

Souple comme un roseau et vive comme un félin
La belle s’élança, se cabrant, bondissant.
Porté par la lumière, son regard océan
Vint se ficher en moi, harpon céruléen.

Elle tournait sur elle-même, parcourant cet anneau
Tantôt d’un pas tranquille, tantôt d’un saut cambré
Tout son être vibrait d’une souple agilité
A mesure que son corps tissait un écheveau.

Ébloui par sa grâce, son ardeur virevoltante
Je demeurai saisi par son divin ballet.
Toute entière à sa tâche, son jeu m’hypnotisait;
Mon cœur s’attachant à cette comète filante.

Mais parmi ces visages, ces faces ébahies
La belle remarqua-t-elle l’automate fatigué
Aux rouages grinçants, au mécanisme usé
Tellement émerveillé par sa jeune énergie ?

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mai 24

Eden

J’ai vécu mille vies à t’attendre ici-bas,
Belle rose, tendre cœur, venue d’une autre sphère.
J’ai connu joies et peines, ri, pleuré, tant souffert
Avant de voir enfin de ton regard l’éclat.

J’ai tant côtoyé l’ombre qu’elle vint ronger mon âme,
Resserrant patiemment son étreinte mortifère
Jusqu’à ce qu’en ce monde rejaillisse ta lumière
Chassant l’avide brume et son cortège infâme.

Ma déesse, mon archange, toi si humble et puissante,
Te trouver en ces lieux après tant d’avanies
Me laisse tout à la fois stupéfait et ravi.
Serai-je digne encor de toi, radieuse amante?

Tout ce temps, ces éons m’ont abîmé, usé.
Mille blessures ont vu se racornir mon cœur.
Retrouveras-tu en moi sous le voile de douleur
L’être qu’en un autre âge tu avais tant aimé ?

Certains chemin m’ont vu brisé quelques serments,
Parfois me parjurer, salir mon honneur;
Ma part ténébreuse accomplit des horreurs;
Trouverai-je grâce à tes yeux malgré ces égarements?

Le ciel fasse que ce jour où je sens ta présence
Ne soit pas qu’illusion nourrie de souvenirs.
Sans toi, je ne suis rien qu’écho sans avenir,
Reflet pâle, moribond, d’une onirique essence.

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