juin 15

Le Comedien

Revoici sur ma route l’homme au rire moqueur,
L’infernal farceur qui se joue de mes peines.
Tout lui prête à sourire, lancer piques et rengaines
Pour mieux me faire la dupe de ses flots de rancœur.

Il tisse en mon esprit mille ébauches d’histoires,
M’inventant à chaque tour des rôles qui me flattent;
Toujours il embellit par des paroles adroites
Ses esquisses; enjôleur, il joue de mes espoirs.

« Connaissez vous la fable de l’amoureux transi
Qui fait naître en son cœur une fleur merveilleuse?
Lorsque la jeune éclose lui semble enfin radieuse,
Au bras d’un plus habile, son amour est parti! »

Des jours, des nuits durant, de son trait il se gausse,
Ouvrant à chaque trille une plus profonde plaie.
Et tandis que l’homme rit, ma tristesse se tait;
Mes pleurs, mes déchirures, mon âme s’en défausse.

Pour couper ses lazzis, j’emprunte son rictus,
Me pare de cynisme, m’arme d’indifférence.
« A être trop sensible, on ne vit que souffrance! »
Rétorque-t-il sans cesse, si fier de ses laïus.

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juin 9

Aquamarine

Une touche de couleur apposée sur la soie,
Subtile et délicate esquisse d’océan,
Une goutte de cobalt, un vert iridescent;
Tel est le fascinant lagon où je me noie.

L’horizon y dessine un rivage velouté,
Comme le havre lointain, l’escale inatteignable
Où pourrait s’effacer les fatigues innombrables
De ce cœur chavirant, impétueux, agité.

Ballotté par l’orage, la tempête intérieure,
Accroché aux décombres d’une coque de noix,
Un reste de mon être surnage et se débat,
Envahi par le doute, l’inquiétude et les peurs.

« Est-ce pour moi l’heure de ce dernier voyage?
Serait-ce donc la rive tant rêvée, espérée?
Ou n’est-ce qu’illusion, mirage d’éternité,
Un sinistre final à cette ère de naufrage? »

« Puisse l’Oeil de la Déesse veiller encor sur moi,
M’épargner faux espoirs, éclairer mon chemin. »
Ainsi priai-je les cieux changeant et incertains
Escomptant un fanal qui dissipe mon émoi.

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juin 4

L’Ophélia

Dans le flot permanent, le bourdonnement du monde;
Lancinante rumeur, litanie insensée;
S’élève par instants, douce comme la rosée,
Une note rieuse, mélodie fine et ronde.

Un éclat de soleil perçant la voûte grise
Pour porter ses rayons sur mon cœur fatigué;
Simple, parfois timide, mais toujours enjoué,
Un sourire, frais et franc, au parfum de cerise.

Sous le faisceau ardent de miroirs veloutés,
Joyaux doubles ornant une fascinante idole,
Alors, en un éclair, mon battement s’affole;
Happé par ce regard, je reste subjugué.

Le battement de cils d’une paisible vestale
Vient secouer en moi des ruines calcinées;
Cette chaleur dans ces yeux, quelques mots échangés,
Sur mon âme brûlée, comme un baume s’étalent.

Dans un riche jardin aux mille arbres fruitiers,
Souvent je la rencontre, toujours rayonnante;
Sa parole délicate, son aura vivifiante,
Font déjà tant pour moi que je n’ose la troubler.

Pourtant, il faudra bien qu’à elle je confie
Cet étonnant printemps dont elle est l’origine;
J’ai bien trop vu d’histoires qui, à peine, se dessinent
Mais dont l’espoir s’envole si l’on ne le saisit.

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