Le Comedien
Revoici sur ma route l’homme au rire moqueur,
L’infernal farceur qui se joue de mes peines.
Tout lui prête à sourire, lancer piques et rengaines
Pour mieux me faire la dupe de ses flots de rancœur.
Il tisse en mon esprit mille ébauches d’histoires,
M’inventant à chaque tour des rôles qui me flattent;
Toujours il embellit par des paroles adroites
Ses esquisses; enjôleur, il joue de mes espoirs.
« Connaissez vous la fable de l’amoureux transi
Qui fait naître en son cœur une fleur merveilleuse?
Lorsque la jeune éclose lui semble enfin radieuse,
Au bras d’un plus habile, son amour est parti! »
Des jours, des nuits durant, de son trait il se gausse,
Ouvrant à chaque trille une plus profonde plaie.
Et tandis que l’homme rit, ma tristesse se tait;
Mes pleurs, mes déchirures, mon âme s’en défausse.
Pour couper ses lazzis, j’emprunte son rictus,
Me pare de cynisme, m’arme d’indifférence.
« A être trop sensible, on ne vit que souffrance! »
Rétorque-t-il sans cesse, si fier de ses laïus.