octobre 11

Le jeu

Encore une tentative, une nouvelle route
Sauter d’une ligne à l’autre en espérant un mieux
S’élancer dans le vide pour effleurer les cieux
Et tenter de tenir, toujours, face au doute

Approcher l’équilibre sur un fil ténu
Se battre à tout instant pour ne pas basculer
Se courber sous les vents contraires et courroucés
S’empêcher de sombrer dans le vide absolu

Se raccrocher aux maigres étincelles d’espoir
Souhaiter la réussite pour mieux s’y préparer
Maintenir le cap pour ne pas s’égarer
Ou se perdre sur une voie malsaine et illusoire

Eriger pas à pas une tour, un refuge
Un havre de salut que l’ombre n’atteint pas
Tâche bien périlleuse lorsqu’elle est en soi
S’infiltrant lentement, usant de subterfuges

Construire ce que l’on peut tant que dure l’accalmie
Assembler chaque fragment de tranquille quiétude
En un tableau solide face aux vicissitudes
Pour ne pas tout voir irrémédiablement détruit

Lutter contre les vagues de ténèbres lancinantes
Qui reprennent sans cesse le siège de mon esprit
Désireuses de le voir à jamais englouti
Basculant dans l’abyme où toute vie est absente

« Arrière, reculez, laissez-moi, cette nuit!
Je ne vous cèderai pas, cessez de m’éprouver!
Je ne laisserai pas mon âme succomber
Il est encore trop tôt pour sombrer dans l’oubli! »

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octobre 7

La tisseuse

Dans un recoin dissimulé
D’un monde plus ancien que l’Aether
Tous les secrets de l’univers
S’entrecroisent pour mieux se mêler

Dans cette étrange officine
Œuvre une fileuse de génie
Qui assemble les fibres de vie
En une trame cristalline

Ses tissages sont tout irisés
Ornés de gemmes scintillantes
Ici une perle rutilante
Là une pierre aux teints ambrés

Entre ses doigts naissent des merveilles
Ses gestes sont nets et précis
Pas d’accros dans la mélodie
La lente danse de cette abeille

Elle bondit d’un brin à l’autre
Infatigable travailleuse
Liant par des passes malicieuses
Les fils d’un destin à un autre

Elle déploie tel un mirage
Les mils savoirs qui lui permettent
De faire d’une galaxie complète
Un simple nœud sur son ouvrage

Ses mains entrelacent l’infini
Pour créer l’écheveau du monde
Le voile sur lequel tout se fonde
Tendu sur l’abyme et l’oubli.

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septembre 27

Le chantre réprouvé

« Sous la rigide carapace
Le sentiment se fait moins fort
Comme si l’être à demi mort
Se figeait soudain sous la glace »

Attablé dans un recoin sombre
Les yeux rougis et fatigués
Le jeune poète désabusé
Effiloche ses vers dans l’ombre

Il a déjà tout fait, tout vu
Reprenant toujours à son compte
Les mésaventures et les hontes
Des clients ayant un peu bu

Il a connu mille amantes
Dormi dans des couches de toutes sortes
Eprouvé des passions si fortes
Livré son cœur à des passantes

Tant de fois il s’est vu défié
Par tous ces maris bafoués
Qu’il devrait être agonisant
Dans un quelconque fossé béant

S’il avait seulement l’honnêteté
De livrer ses vraies émotions
Et ne pas faire le fanfaron
Alors ses vœux seraient comblés

Il cache sous ses airs de dandy
Une blessure jamais fermée
La fleur maudite de sa lâcheté
Son grand amour, il l’a fuit

Des mots qu’il n’a pu prononcer
Il s’est fait une Némésis
Et savoure comme un délice
Chaque douleur qu’il se crée

Ses écrits sont sa catharsis
Cette table la scène de son déclin
Sa plume se nourrit de chagrins
Qu’il transforme en maléfices

Prise dans le voile de son cynisme
Son âme s’est vue dénaturée
Il reste seul et ignoré
Engoncé dans son égoïsme.

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août 26

Espace

Par une nuit sans lune, mon âme s’est envolée
Dans les courants d’Aether, elle s’est engouffrée
Emportée dans la danse des pulsations stellaires
Elle filait vers les astres, happée par leur lumière

Entrainée par la course d’un torrent invisible
Elle fut propulsée, comète indestructible
Bien loin de nos rivages, hors de notre univers
Là où les rêves se fondent en une masse éphémère

Dans un domaine où croissent les formes immatérielles
Une matrice du songe donnant corps au réel
Là règnent des horreurs maitresses de l’illusion
Assemblant lentement des entités sans nom

Le voyage continuait à travers ce magma
Pour aucune raison, je ne m’arrêterais là
Traversant d’un mouvement des espaces infinis
Je finis par atteindre une galaxie d’oublis

Ici se désagrègent dans un immense trou noir
Les vies, les souvenirs, les peurs et les espoirs
Les esprits sortent neufs de cet affreux néant
Reprenant leur chemin à un rythme épuisant

Et atteignent enfin le terme de leur périple
Sous les rayons intenses d’une étoile terrible
Devant eux se déploie un lieu d’émerveillement
Et l’étape finale de leur accomplissement

En ce lieu ils fusionnent en une conscience unique
Rejoignant l’unité d’un être fantastique
Ils accèdent en l’instant à la Félicité
Contemplant d’un regard toute l’éternité.

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août 19

Mademoiselle Lynn

Mademoiselle Lynn est surprenante
Tireuse de carte, femme savante
Elle entrevoit les plis cachés
Du voile de la destinée

Toujours penchée sur un volume
Les pensées perdues dans la brume
Elle déchiffre les langages anciens
Cherchant une cause au destin

Elle vous regarde sans vous voir
Se pénétrant de son savoir
Pour trouver votre devenir
Les voies masquées du souvenir

Certains la craignent et la rejettent
Fomentant des complots infects
Mais grâce à ces dons, son grand cœur
La dame a de bons protecteurs

Aussi la laisse-t-on étudier
Entrer en transe ou rédiger
Les résultats de ses lectures
En théorisant le futur

Mais prenez garde à yeux verts
Qui voient en vous comme en eau claire
De peur qu’alors elle vous dévoile
La trame du monde, l’horrible toile

Révélant toute l’absurdité
D’une existence sans vérité.
Quelle étrangeté que ses visions
Aubaine ou bien malédiction?

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août 19

Le maître des lieux

Bren le bancal, le tenancier
Pourvoit en vices alcoolisés
Malgré le temps il a gardé
Ses reflexes de contrebandier

Distillant philtres et potions
Assouvissant toutes vos passions
Il passe pour être un peu sorcier
Gardant jalousement ces secrets

Dans une alcôve de son bureau
Des cornues fument sur un réchaud
Dégageant des vapeurs méphitiques
Et des saveurs éthyliques

Il connut son heure de gloire
En occissant un mage noir
D’un coup de massue bien placée
Pour une note impayée

Son air affable, toujours jovial
Cache une méfiance viscérale
Mais lorsqu’il est bien disposé
Il offre toujours une tournée

Son vécu a laissé des traces
Parfois sa clientèle le lasse
Alors au bar il passe la main
A Malignar, son homme de bien

Et s’enferme dans son fumoir
Pour en faire son laboratoire
Lorsqu’il ressort il est changé
Mais grâce à quoi, nul ne le sait.

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août 16

Lady Lou

Lady Lou la belle effeuilleuse
Danse au repaire des naufragés
Chaque soir devant les habitués
Elle exhibe ses courbes généreuses

Exécutant son numéro
Au son d’un vieux piano usé
Elle danse d’un pas chaloupé
Son déhanché bat le tempo

Comme toujours elle fascine
Les marins mettant pied à terre
Et les soldats permissionnaires
Oublient leurs rixes assassines

Elle est si belle lorsqu’elle ondule
Au rythme des touches martelées
Tous souhaitent l’enlacer
Et la sortir de sa bulle

Lorsque s’arrête la musique
La délicate bien vite s’efface
Ses traits de figent, son corps se glace
Elle cesse sa danse hypnotique

Elle repasse les étoffes fanées
Sur sa peau couleur de nacre
Et se glisse bien vite dans un fiacre
Qui l’emmène dans la nuit glacée

Personne ne sait où elle s’en va
Ni d’où vient l’étrange cicatrice
Qui zèbre son dos et sa cuisse
Qui a bien pu lui faire cela ?

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juillet 15

L’estaminet des naufragés

Dans les bas quartiers d’Ombrelune
Danse la plèbe débraillée
Partout on peut s’encanailler
S’enivrer ou chercher fortune

Sous les vieilles voutes de pierres
S’entassent brutes et coquins
Grands voyageurs et musiciens
En quête de bonheurs éphémères

Il y a là la belle Saréla
Danseuse au corps toujours mouvant
Qui vous compte tout en ondulant
Ce qui la fit tomber si bas

La douce avait un prétendant
Qui lui contait monts et merveilles
Et disparu dans son sommeil
La veille des noces, au jour levant

Devant le bar se tient Bert
Aventurier des terres du Nord
Que l’appétit pour les trésors
A poussé trop près des Enfers

Il boitille sur sa jambe de fer
En recomptant ses pièces d’or
Maugréant sur le mauvais sort
Noyant sa morgue dans la bière

Dans un recoin dissimulé
Se tient la bande de Dermignon
Menteurs, voleurs et maquignons
La vilénie personnifiée

Toujours sur un coup fumant
De tous les complots, les braquages
Ces spécialistes en filoutage
Craignent la potence à tout instant

Dans cette faune alcoolisée
Je louvoie silencieusement
Tel une ombre, glisse lentement
Vers une table isolée

Je viens ici pour m’oublier
Faire taire mon âme et ses plaintes
Avec les espérances défuntes
De ceux que l’on a rejetés

Comme eux j’ai perdu tous mes rêves
Brisés sous le poing du malheur
J’attends que vienne ma dernière heure
Et qu’enfin mon histoire s’achève.

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juin 24

Mirage antique

Dans une tour aux mille marches
Sur une terre abandonnée
D’étranges chants sonnent sous les arches
Bribes de souvenirs oubliés

Ces fragments de mémoire volètent
Dansent en tous sens, en liberté
Au cœur d’un monde où tout s’arrête
Ravivant les feux du passé

Dans ce silence de mausolée
Résonnent odes et lamentations
Eclats de joie, belles amitiés
Passions intenses, rêves profonds

Ces sons venus du fond des âges
Se mêlent à la réalité du monde
Tissant le somptueux plumage
D’un oiseau lyre à la crête blonde

Le chant de l’oiseau merveilleux
Fait vibrer la trame du ciel
Ouvrant un passage fabuleux
Vers des étoiles immatérielles

Lorsque l’oiseau déploie ses ailes
Faites de voiles éthérés
Tout un univers se révèle
A qui veut bien s’émerveiller

Etre des songes, fleur de mon âme
Laisse-moi contempler ton iris
M’abîmer dans sa divine flamme
Pour m’extraire enfin de l’abysse

Je veux retrouver les nuées
Quitter ce fleuve de souffrance
Ne plus m’abreuver au Léthé
Combler pour toujours cette absence

Mes rimes sont pâles ombres de ton chant
Mes mots si faibles face à tes trilles
Phébus éternelle inconstant
Qu’en moi, à nouveau, ton feu brille

Laisse-moi encore charmer de mon sang
Reines et rois de toutes les contrés
D’un ultime trait d’esprit charmant
Sceller les anciennes amitiés.

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mai 3

Calice des maudits

A l’aube des premiers temps, dans la jeunesse du monde
Lorsque les premières lunes la nuit resplendissaient
Dans un antique temple où je m’aventurais
Trônait une relique plongée au cœur de l’onde

Curieux et intrigué j’approchai du trésor
Tendant vers l’objet une main hésitante
Jusqu’à presque toucher la merveille brillante
J’aperçu tout soudain un brulant météore

L’étoile fendait le ciel comme un avertissement
Une divine mise en garde devant mon intérêt
Ma soudaine passion pour cet étrange objet
Les cieux me menaçaient en ce crucial instant

Alors que je saisi le mystérieux calice
L’astre s’évanouit, dissimulant ses feux
Des fantômes apparurent, figés, devant mes yeux
Tous tenant la coupe, d’un bizarre mimétisme

Entrainé par mon geste, je portai à mes lèvres
Le surprenant calice, soudainement assoiffé
J’avalais goulument une grande gorgée
Et mon esprit s’ouvrit comme le jour se lève

Je reconnu chaque forme comme étant de mes pairs
Frères et sœurs à l’âme depuis lors marquée
Par l’eau de cette coupe et ses propriétés
Compagnons d’infortune aux destinées amères

Tels des Prométhée nous volâmes aux dieux
Un savoir interdit, une connaissance cachée
Nous ouvrant un accès aux mondes dissimulés
Nous liant par là même à un sort malheureux.

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