septembre 26

Le chantre réprouvé

« Sous la rigide carapace
Le sentiment se fait moins fort
Comme si l’être à demi mort
Se figeait soudain sous la glace »

Attablé dans un recoin sombre
Les yeux rougis et fatigués
Le jeune poète désabusé
Effiloche ses vers dans l’ombre

Il a déjà tout fait, tout vu
Reprenant toujours à son compte
Les mésaventures et les hontes
Des clients ayant un peu bu

Il a connu mille amantes
Dormi dans des couches de toutes sortes
Eprouvé des passions si fortes
Livré son cœur à des passantes

Tant de fois il s’est vu défié
Par tous ces maris bafoués
Qu’il devrait être agonisant
Dans un quelconque fossé béant

S’il avait seulement l’honnêteté
De livrer ses vraies émotions
Et ne pas faire le fanfaron
Alors ses vœux seraient comblés

Il cache sous ses airs de dandy
Une blessure jamais fermée
La fleur maudite de sa lâcheté
Son grand amour, il l’a fuit

Des mots qu’il n’a pu prononcer
Il s’est fait une Némésis
Et savoure comme un délice
Chaque douleur qu’il se crée

Ses écrits sont sa catharsis
Cette table la scène de son déclin
Sa plume se nourrit de chagrins
Qu’il transforme en maléfices

Prise dans le voile de son cynisme
Son âme s’est vue dénaturée
Il reste seul et ignoré
Engoncé dans son égoïsme.

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août 26

Espace

Par une nuit sans lune, mon âme s’est envolée
Dans les courants d’Aether, elle s’est engouffrée
Emportée dans la danse des pulsations stellaires
Elle filait vers les astres, happée par leur lumière

Entrainée par la course d’un torrent invisible
Elle fut propulsée, comète indestructible
Bien loin de nos rivages, hors de notre univers
Là où les rêves se fondent en une masse éphémère

Dans un domaine où croissent les formes immatérielles
Une matrice du songe donnant corps au réel
Là règnent des horreurs maitresses de l’illusion
Assemblant lentement des entités sans nom

Le voyage continuait à travers ce magma
Pour aucune raison, je ne m’arrêterais là
Traversant d’un mouvement des espaces infinis
Je finis par atteindre une galaxie d’oublis

Ici se désagrègent dans un immense trou noir
Les vies, les souvenirs, les peurs et les espoirs
Les esprits sortent neufs de cet affreux néant
Reprenant leur chemin à un rythme épuisant

Et atteignent enfin le terme de leur périple
Sous les rayons intenses d’une étoile terrible
Devant eux se déploie un lieu d’émerveillement
Et l’étape finale de leur accomplissement

En ce lieu ils fusionnent en une conscience unique
Rejoignant l’unité d’un être fantastique
Ils accèdent en l’instant à la Félicité
Contemplant d’un regard toute l’éternité.

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août 1

Walkyries

Sous la férule du Dieu Tonnerre
Nous voici donc frappant les cieux
Nos lances brillant de mille feux
Fendant les astres millénaires

Même le plus brave des guerriers
Crains notre ire, redoute nos lames
Sa rage s’éteint face à nos flammes
Sa force tremble sous nos pieds

Chevauchant les mouvements d’air
Souple et agile comme le serpent
Nous déchaînons les éléments
Dans un jaillissement de lumière

Changeantes, indomptables, sauvages
Notre puissance est redoutée
Rien ne peut la canaliser
Où nous réduire en esclavage

Nous n’obéissons qu’à nos lois
Nous embrasant à notre guise
De tous nous sommes la hantise
Le ciel résonne de nos combats

Seule une chose nous apaise
Peut mettre fin à nos querelles
Un sacrifice rituel
Le don d’une âme qui nous plaise

Nous sommes enfants de la colère
Filles des nuées, maitresses des vents
Marquant de nos pas flamboyants
Les limites du monde de l’Ether.

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juillet 15

L’estaminet des naufragés

Dans les bas quartiers d’Ombrelune
Danse la plèbe débraillée
Partout on peut s’encanailler
S’enivrer ou chercher fortune

Sous les vieilles voutes de pierres
S’entassent brutes et coquins
Grands voyageurs et musiciens
En quête de bonheurs éphémères

Il y a là la belle Saréla
Danseuse au corps toujours mouvant
Qui vous compte tout en ondulant
Ce qui la fit tomber si bas

La douce avait un prétendant
Qui lui contait monts et merveilles
Et disparu dans son sommeil
La veille des noces, au jour levant

Devant le bar se tient Bert
Aventurier des terres du Nord
Que l’appétit pour les trésors
A poussé trop près des Enfers

Il boitille sur sa jambe de fer
En recomptant ses pièces d’or
Maugréant sur le mauvais sort
Noyant sa morgue dans la bière

Dans un recoin dissimulé
Se tient la bande de Dermignon
Menteurs, voleurs et maquignons
La vilénie personnifiée

Toujours sur un coup fumant
De tous les complots, les braquages
Ces spécialistes en filoutage
Craignent la potence à tout instant

Dans cette faune alcoolisée
Je louvoie silencieusement
Tel une ombre, glisse lentement
Vers une table isolée

Je viens ici pour m’oublier
Faire taire mon âme et ses plaintes
Avec les espérances défuntes
De ceux que l’on a rejetés

Comme eux j’ai perdu tous mes rêves
Brisés sous le poing du malheur
J’attends que vienne ma dernière heure
Et qu’enfin mon histoire s’achève.

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juin 24

Mirage antique

Dans une tour aux mille marches
Sur une terre abandonnée
D’étranges chants sonnent sous les arches
Bribes de souvenirs oubliés

Ces fragments de mémoire volètent
Dansent en tous sens, en liberté
Au cœur d’un monde où tout s’arrête
Ravivant les feux du passé

Dans ce silence de mausolée
Résonnent odes et lamentations
Eclats de joie, belles amitiés
Passions intenses, rêves profonds

Ces sons venus du fond des âges
Se mêlent à la réalité du monde
Tissant le somptueux plumage
D’un oiseau lyre à la crête blonde

Le chant de l’oiseau merveilleux
Fait vibrer la trame du ciel
Ouvrant un passage fabuleux
Vers des étoiles immatérielles

Lorsque l’oiseau déploie ses ailes
Faites de voiles éthérés
Tout un univers se révèle
A qui veut bien s’émerveiller

Etre des songes, fleur de mon âme
Laisse-moi contempler ton iris
M’abîmer dans sa divine flamme
Pour m’extraire enfin de l’abysse

Je veux retrouver les nuées
Quitter ce fleuve de souffrance
Ne plus m’abreuver au Léthé
Combler pour toujours cette absence

Mes rimes sont pâles ombres de ton chant
Mes mots si faibles face à tes trilles
Phébus éternelle inconstant
Qu’en moi, à nouveau, ton feu brille

Laisse-moi encore charmer de mon sang
Reines et rois de toutes les contrés
D’un ultime trait d’esprit charmant
Sceller les anciennes amitiés.

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mai 3

Calice des Maudits

A l’aube des premiers temps, dans la jeunesse du monde
Lorsque les premières lunes la nuit resplendissaient
Dans un antique temple où je m’aventurais
Trônait une relique plongée au cœur de l’onde

Curieux et intrigué j’approchai du trésor
Tendant vers l’objet une main hésitante
Jusqu’à presque toucher la merveille brillante
J’aperçu tout soudain un brulant météore

L’étoile fendait le ciel comme un avertissement
Une divine mise en garde devant mon intérêt
Ma soudaine passion pour cet étrange objet
Les cieux me menaçaient en ce crucial instant

Alors que je saisi le mystérieux calice
L’astre s’évanouit, dissimulant ses feux
Des fantômes apparurent, figés, devant mes yeux
Tous tenant la coupe, d’un bizarre mimétisme

Entrainé par mon geste, je portai à mes lèvres
Le surprenant calice, soudainement assoiffé
J’avalais goulument une grande gorgée
Et mon esprit s’ouvrit comme le jour se lève

Je reconnu chaque forme comme étant de mes pairs
Frères et sœurs à l’âme depuis lors marquée
Par l’eau de cette coupe et ses propriétés
Compagnons d’infortune aux destinées amères

Tels des Prométhée nous volâmes aux dieux
Un savoir interdit, une connaissance cachée
Nous ouvrant un accès aux mondes dissimulés
Nous liant par là même à un sort malheureux.

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avril 18

Figé

Le réel m’entrave de ses lourds liens d’acier
M’éloignant de ma plume et de mon encrier
Chargeant chaque heure qui passe d’amertume, de conflits
Enchaînant mes passions, les vouant aux gémonies

Les rêves fuient mon chemin, me privent d’illusions
M’enlèvent le merveilleux, assèchent mes émotions
Ne restent que colère, triste désenchantement
Délesté de ses songes mon cœur devient méchant

Je confine au cynisme, moquant, grinçant des dents
Charge mes mots d’acide, d’acerbes ressentiments
Je jalouse les rêveurs, éternels innocents
J’envie leurs belles rimes, leur prodigieux talent

Je traine comme un poids mort mon âme emprisonnée
Dans un carcan de fer et de regrets mêlés
Mon esprit se repait de futiles distractions
Pour mieux tromper le vide, atroce sensation

Lorsque les chants se taisent, que la flamme s’éteint
Le néant conquérant reprend son lent dessein
Il ronge peu à peu barricades et armures
Leurrant ses partisans d’un renouveau futur.

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avril 5

Les Rêveurs

A la lisière de l’aube dansent nos tendres rêves
Tels d’antiques chimères aux ailes abîmées
Ils frémissent et ondulent sur des airs oubliés
Dotant nos illusions d’une existence brève

Nous naissons dans leurs voiles sous de nouvelles formes
Différents, magnifiés par leur étrange tissage
Nous pouvons accomplir de fabuleux voyages
En l’espace d’un instant alors que d’autres dorment

Nous pouvons contempler mils et une merveilles
Savoir, créer, détruire avec une pensée
Parcourir d’autres mondes pour mieux nous élever
Nourrir notre essence d’énergies sans pareils

Mais alors que se lève l’astre qui nous éclair
Que s’enfuit le sommeil et l’ombre de la nuit
L’enchantement se brise, nous laissant étourdis
Nous nous en retournons à nos prisons de chair

Les songes sont plus doux à nos âmes romantiques
Que le triste réel de ce monde insensé
Même si notre nature veut nous voir enchainés
Nous sommes créatures des royaumes oniriques

Sur une mer de nuages nous glissons, intangibles
Libres de toute entrave, nous savourons l’instant
Notre finalité nous extrait du néant
Faiseurs d’imaginaire, démiurges inaccessibles.

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mars 7

Ouroboros

Une frêle main blanche qui m’enserre la gorge
Un murmure à l’oreille, frémissant de ténèbres
Un étrange battement, lent comme un chant funèbre
Un froid baisé de mort brulant comme une forge

Carmin sur lèvres pâles où perle le nectar
La divine ambroisie de cette apparition
Dans ses pupilles brillent mils éclats de passion
Perdus derrières les voiles de sinistres cauchemars

La peau couleur de nacre se ravive, s’éclaire
Grisé par sa chaleur l’ombre se fait plus tendre
Elle effleure de ses griffes l’hôte qu’elle vient de prendre
Pour gouter un peu plus au souffle d’une chimère

Sous la douce caresse un autre se dessine
Mon être s’abandonne, change, remodelé
Les chairs se dissolvent, telle une mue fripée
Révélant une nature qui effraie et fascine

Comme le papillon attiré par la flamme
L’étrange visiteuse se sent bientôt happée
Son essence se mêle à l’esprit révélé
Mort et vie se font face, fusionnent en une seule âme

Bientôt se désagrègent leurs deux identités
Les deux ne font plus qu’un, feu et glace, cendres et chair
Leurs énergies réveillent l’entité millénaire
Scindée en deux fragments par un serment brisé

Alors que resplendit l’astre couleur d’argent
Le songe disparait, emporté par la nuit
L’étreinte sur mon cou soudain s’évanouie
Le spectre rassasié regagne le néant.

février 11

Altercor

Sommets vertigineux, abymes insondables
Féériques splendeurs, horreurs abominables
Tout est dualité dans ce monde miroir
Reflets et contresens, doux songes, sombres cauchemars

Monochromes agressifs, tableaux impressionnistes
Douloureux souvenirs ou rêves optimistes
Tout se mêle et s’imbrique en un puzzle infâme
Où plus rien n’a de sens, où chaque heure tourne au drame

Les ombres enflent et s’agitent au gré de nos tourments
S’allongeant, refluant en un rythme effrayant
L’air s’étire, se condense pour enfermer l’instant
Emprisonnant l’espoir dans une bulle hors du temps

Les eaux noires, huileuses recouvrent les paradis
Ensevelissent la joie sous une sinistre pluie
Les plaisirs désertent un ilot isolé
Battu par les tempêtes, ruine abandonnée.

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