janvier 7

Bad Lands -fiction épisodique- 9

Lors d’une de mes errances, j’ai du m’abriter pour la nuit chez un vieil infirme et sa fille. Bien que leur connaissance du monde remontent à presque aussi loin que moi, tout deux semblent sans âge. Le vieillard porte tout un attirail qui dissimule entièrement son corps, marqué, dit-il par les séquelles d’une existence rude. Pourtant, sa fille, qu’il nomme Chira, ne me parait pas le moins du monde marquée par la vie. Elle à l’apparence d’une jeune femme à la beauté simple, uniquement préoccupée par le bien-être de son père.
J’étais venu me réfugier chez eux pour échapper à une tempête et ils m’avaient généreusement offert le souper. Je suis d’un naturel méfiant et n’attire pas vraiment la sympathie de mes contemporains, surtout si ceux-ci aperçoivent mes « outils de travail » que je conserve à porter de mains. Mais, allez savoir pourquoi, je me sentais en confiance et parfaitement apaisé en leur présence. Après un diner plutôt convenable pour une ferme isolée si loin de tout, le vieil homme m’invita à m’installer près de la cheminée et commença à me faire la conversation. Nous échangeâmes des banalités sur le temps et le monde qui nous entourait. Puis il en vint à me raconter un peu l’histoire de son maître qui se révéla passionnante. Selon lui, son maître aurait vécu en des temps très anciens, était un grand héros faisant partie d’êtres élus. Mais à une période sombre de sa vie, il aurait succombé à la part d’obscurité existant en lui. Il aurait alors réveillé une créature démoniaque issue d’un âge oublié et commencé à répandre le chaos et la désolation sur le monde. Pourtant, alors que s’annonçait l’ultime affrontement entre le démon suivi de sa cohorte et l’armée des derniers êtres bons guidée par les anciens compagnons de son maitre, alors même que le sort du monde semblait scellé, un évènement imprévisible se produit. Dans une soudaine prise de conscience de ce qu’il avait déclenché, le héros fit volte-face quand le démon s’apprêtait à broyer une magicienne, ancienne amie dudit héros. Il dégaina son immense lame et fendit la créature en deux. S’en suivit une gigantesque explosion dans les cieux qui annihila la cohorte de la bête et vit le héros chuter dans un abyme, le corps consumé par les flammes. Jamais sa dépouille ne fut retrouvée au fond de cet abyme et l’on entendit plus parler de lui. Le vieil homme termina de conter son histoire avec quelques sanglots dans la voix. Il me dit que lorsque son maitre disparu, il vint s’installer ici pour vivre une vie simple et paisible, rendant chaque jour hommage à ce héros oublié. Lorsqu’il se tût, je surpris une étrange expression dans le regard de sa fille, une sorte d’inquiétude, comme si le vieillard avait violé un secret. Je n’y prêtai pas une grande attention mais le souvenir de ce regard me revint le lendemain, lorsque je croisai sur ma route une femme aux traits de l’espèce ancienne de faery depuis longtemps disparue. Cette voyageuse me demanda si j’avais entendu parler d’un héros des temps anciens, disparu au cours d’une grande bataille. Elle me dit qu’elle cherchait ses descendants car cet illustre aïeul avait sauvé sa mère d’un grand péril et l’avait protégée tout au long de sa vie. Je lui indiquai par pure politesse la ferme du vieil homme et passai mon chemin. Mais un chant léger qu’elle fredonnait me remit en mémoire une vieille histoire qui remontait aux débuts du monde où un être ailé tombé en disgrâce après un mauvais jugement, corrigea son erreur et se cacha aux yeux de tous sous l’apparence d’un infirme pour faire pénitence. Alors je compris le regard de la fille du vieillard et la quête de l’héritière des peuples de faery. Parfois ce monde en déclin me surprend encore de par les rares êtres purs qu’il protège.

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octobre 30

Emprise

A l’heure où l’équilibre meurt
Où le masque est fragilisé
Ressortent les sombres cotés
Océans de larmes intérieures

C’est l’instant où tombent les défenses
Les faux semblants sont révélés
Les douleurs qu’on pensait scellées
Ressurgissent en un froid silence

Les paysages se font cendres
Nuances de gris, d’obscurité
De lourdes chaînes viennent entraver
L’espoir qui voulait reprendre

Figé dans le vide éternel
L’esprit lentement se désagrège
En une suie couleur de neige
Couvrant une plaine irréelle

Le corps privé de son essence
Devient statue de pierre usée
Rongée par les peurs insensées
Corrompant cette enveloppe dense

Laminé par tant de souffrances
L’hôte est laissé à l’abandon
Cédant la place aux illusions
Qui s’emparent de sa substance

Les ombres ont alors un vaisseau
Livré à leurs noires volontés
Sous leur emprise il est tombé
A jamais damné, sans repos.

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octobre 19

Dégénéressence

Sous ma chair serpente une ténébreuse essence
Porteuse d’un poison perfide et insidieux
Une sombre entité aux sucs vénéneux
Menaçant l’équilibre de ma pauvre existence

Le mal rampe sous ma peau, s’étendant chaque jour
Glissant dans les méandres de mon esprit usé
Instillant en mon être de sinistres pensées
Qui s’ajoutent au fardeau de mon cœur si lourd

Une obscure mélodie aux accords funestes
Envahissant mon crâne, tournant en vase clos
Noyant toute réflexion sous de profonds sanglots
Corrompant toute idée comme une horrible peste

Ses solides racines sont fermement ancrées
Dans l’abyme insondable de mes propres cauchemars
Toujours prêtes à briser un éclair d’espoir
Pour broyer ma raison et mieux me dominer

Epuisé de lutter contre ses forces en vain
Puisqu’à chaque faiblesse je me sens vaciller
N’ayant plus l’énergie pour encore l’affronter
Je me laisse sombrer aux mains de mon destin.

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octobre 13

Dissolution du moi

A nouveau les flots noirs font leur œuvre sinistre. Idées, mots, pensées, tout me semble fade et plat. Mes rêves sont faits de gris, ciels vides, plaines désertes. Rien ne bouge, rien ne vie. Le temps est figé dans cette lumière froide. Tout reflète le vide, l’absence, l’abandon. Si Muses il y avait, elles ont disparues. Même ce paysage de désolation semble sur le point de se désintégrer. Ses contours s’effritent, rongés par des ténèbres profondes, envahissantes. Je flotte dans ce néant de plus en plus sombre, me perdant peu à peu, niant bientôt ma propre existence, dissolvant ma substance dans ce vide absolu. Je suis l’écran sans images, l’instrument sans atmosphère, l’objet inutile n’ayant rien à faire là. Je suis absence, vide, néant, obscurité, silence. Mon être a disparu, dévoré par les ombres. Je suis une coquille vide, enveloppe sans contenu. Je ne suis plus rien. Moi n’existe plus. Je a disparu. Ne reste qu’un automate de chair.

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octobre 11

Rêveries inassouvies

Le temps défile sur cette terre
Je m’immerge dans l’imaginaire
Cherchant l’étincelle ténue
De mon inspiration perdue

Je parcours les chemins des songes
Egrène les cauchemars qui me rongent
Pour des réponses espérées
Aux questions qui viennent me hanter

Je tourne mes pensées en tous sens
Puise dans des souvenirs intenses
Pour en extraire l’antique feu
Qui m’emplissait de merveilleux

Lorsqu’enfin reviennent les idées
Que jaillissent les sources oubliées
Mes méditations sont brisées
Par une porte soudain claquée

Ma délicate concentration
Est entravée par l’intrusion
Du bruit, des rumeurs du monde
Dans la bulle où je vagabonde

Alors ne restent que des débris
Frustration, agressivité
Une envie de tout écraser
Qui me submerge et m’étourdis.

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octobre 10

L’Autre

Mon esprit lourd et fatigué
Conçoit d’étranges scénarii
Prenant corps au seuil de la nuit
Me viennent de bien étranges idées

Des histoires noires, sanguinaires
Où se mêlent carmin et ombre
Je m’abymes dans les dédales sombres
D’une folie froide et passagère

Broyés par la réalité
Mes songes se muent en cauchemars
Fissurant le fragile miroir
Qui retient mon être abhorré

Cet occupant à l’âme damnée
Désire ne plus être entravé
Assouvir ses pulsions bridées
Libérer ses morbides pensées

Tout n’est que chaos et violence
Dans son cœur rempli d’horreur
Il ne connait que la douleur
Ne souhaite que créer la souffrance

Parfois lorsque fuit le sommeil
J’entends son sinistre murmure
Je le sens affaiblir le mur
Qui l’emprisonne. Alors je veille.

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septembre 15

Malheur

La vieille plume d’argent s’est rompue cette nuit
La muse contrariée a fuie avec la lune
L’encre larme d’étoile s’est toute évaporée
Et le beau parchemin tout à coup s’est ridé

L’écritoire enchanteur se retrouve penché
Les mots bien ordonnés se sont éparpillés
Les doigts se sont crispés sur une rime importune
Les vers deviennent bancals sur le papier meurtri

La toile s’est fendue dans un long déchirement
Les rêves se sont brûlés à la flamme des bougies
Dans un profond soupir le monde s’est racorni
L’inspiration se terre dans un silence pesant

Le poète se morfond sur ses outils ruinés
Sur ses oeuvres en friches qui ne murissent plus
Ses songes se sont ternis, ses illusions perdues
Il se sent orphelin, triste, dépossédé

Qui donc a décidé de lui voler ses dons?
Pour quelle obscure raison lui sont-ils retirés?
Quelle est donc son erreur, pourquoi le rejeter?
Ses écrits sont l’unique pilier de sa raison

« Oh Muse, pourquoi fuir? Pourquoi m’abandonner? »
« Nos associations furent pourtant merveilleuses. »
« Qu’ai-je donc bien pu faire qui vous rende malheureuse? »
Ainsi il se lamente, ses espoirs brisés.

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septembre 13

Failles

Le masque quotidien brusquement se fissure
Les ténèbres reviennent triturer mes entrailles
D’éternelles blessures suintent à nouveau le sang
Le poison se répand de nouveau dans mes veines

Les angoisses ressurgissent, exacerbant ma peine
Une crise nouvelle attise mes tourments
Un flot de souvenirs, une nouvelle bataille
Une pluie de souffrances déchire mon armure

Toujours les mêmes maux, les même cicatrices
Qui se rouvrent à mesure que tombe les défenses
Rien ne peut arrêter ces vagues déferlantes
Ni les sombres murmures du démon intérieur

La subtile apparence ne cache plus les pleurs
Les larmes couleur de cendre fruits d’erreurs qui me hantent
Mon corps couturé révèle sans élégance
Ses myriades de fractures, ces failles révélatrices

En surface s’expose l’horreur dissimulée
Le poids de cette vie, plus lourd à chaque instant
Ma détresse intérieure, mes rêves de dément
Sortent en pleine lumière, submergeant mes pensées

Ma nature occultée par tant de subterfuges
Resurgit en hurlant son immense solitude
Alors je me cloitre, me noie dans l’hébétude
Me replie hors du monde dans un secret refuge

Ces échos récurrents, reflets de mon mal-être
S’agitent et puis se calment comme l’eau d’un océan
Quand s’apaise le tumulte, que le silence s’étend
Une autre carapace me permet de renaitre.

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septembre 11

Geôle vide

Pas envie de sombrer dans les bras de Morphée
Pas sans écrire une ligne, sans attiser mon feu
Je ne veux reposer sans compléter un peu
Mon grand œuvre secret, ma part d’éternité

Chaque jour je tente d’atteindre l’état d’inspiration
Où le monde s’efface, cède la place au rêve
Chaque nuit sur le papier c’est le vide et j’en crève
Mon corps, mon esprit sont pris de convulsions

A peine quelques vers, mais d’histoires, plus question!
Les portes d’Outre Monde restent closes, scellées
Ma conscience divague, se perd dans mes pensées
Croyant apercevoir des fragments de visions

Lentement, mon univers se fane, se réduit
Sous des flots de ténèbres, effacé par le temps
Les songes se désagrègent, plongent dans le néant
Une chape de plomb les a ensevelis

Mon âme se délite en l’absence du frisson
Ma cervelle s’étiole, ma passion m’emprisonne
S’enferme dans un cycle où l’ennui m’empoisonne
Non, pas un jour de plus où meurt ma création!

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septembre 9

Nécromantisme

Mon tendre amour, douce beauté,
Comme tu es pâle sous cette lune
Couchée sur le sable des dunes
On jurerait une poupée

L’éclat de ta bouche purpurine
L’océan émeraude de tes yeux
Resplendissent de mille feux
Sous les étoiles qui t’illuminent

Pourtant tu sembles mal à l’aise
Le vin t’a-t-il enivrée ?
La Mort t’a-t-elle incommodée?
Ou est-ce le poison dans les fraises?

Il fallait bien une grande nuit
Pour adoucir ton trépas
Tu rejoindras dans l’au-delà
Cet homme de qui tu t’es épris

Mon tendre amour, douce beauté
Lorsqu’avec lui tu t’ébattais
Lorsque dans ses bras tu dansais
Pensais-tu pouvoir m’échapper?

Sur cette plage au bout du monde
Loin de toute présence importune
Tu reposeras sous les dunes
Ton amant t’attend dans la tombe

Mais rassures-toi, ne prends pas peur
Je demeurerai près de toi
A midi ma nuque se brisera
Sous la hache de l’exécuteur

Alors enfin mon pauvre cœur
Connaitra la paix désirée
J’entrerai dans l’éternité
Rachetant ta vie au passeur.

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