avril 25

Songe printanier

Perle zébrée de brun, longue chevelure d’ivoire
Menton rond, visage fin, yeux aux reflets d’azur
Doucement alanguie sur cette ile de verdure
Tu repose, royale, vision de nulle part

Ta fine robe de lin ondule sous la caresse
D’une légère brise effleurant les ramures
Dans ce bosquet fleuri, cet écrin de nature
L’astre du jour pâlit devant une telle déesse

Sur ta peau opaline glissent de fines arabesques
Tracés par aucune main, d’un pinceau délicat
Ces lignes parent ton corps d’un savant entrelacs
De fibres naturelles et de fantasques fresques

Quelques gouttes de rosée brillent dans la lumière
Couvrant ton derme pâle d’éclats multicolores
Livrant à nos regards le secret de ton corps
Sans honte et sans regrets, magnifique chimère

Tu t’exposes sans regrets à nos yeux de profanes
Beauté faite de marbre, divinité païenne
Et le lierre t’enveloppe de sa robe sylvaine
Toi, dormeuse éternelle, ensorcelante Diane.

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avril 1

Insomnie

Trop de pensées s’entrechoquant dans mon cerveau
Trop d’excitants, si peu de temps pour m’ordonner
Mes nuits s’étirent et se délitent sur le papier
Tentant en vain de me livrer un sang nouveau

Les pages s’empilent avec une rigueur chaotique
Blanches ou noircies de vagues essai, inabouties
Mon écritoire s’ombre de rêves inassouvis
Songes fugaces, chimères esquissées, fantasmatiques

Et le temps file, sans s’arrêter, le sommeil fuit
L’horloge tourne, laissant mes œuvres inachevées
Au creux des veines, mon étrange encre s’est raréfiée
Le souffle de mon inspiration s’est tari

Mes mots sont fades, mes rimes creuses et asphyxiées
Des idées vides se télescopent, vils stratagèmes
Poète maudit, ta plume s’étiole, tes vers sont blêmes!
Ton âme vacille sous le poids de futilités!

Implore tes maitres, Muses, Génies, Sages et mentors
Reviens aux sources, aux origines de ta folie
Retrouve la flamme, ton feu sacré, ton énergie
Où avant peu les Dieux diront: «Cet Art est mort! »

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mars 23

Resucée

Sur les chemins de ma mémoire
Danse des milliers de souvenirs
Rêves heureux, tendres soupirs
Douloureux songes, pales cauchemars

Certaines ombres du passé
Ressurgissent un jour, tout soudains
Comme quelque sinistre importun
N’ayant de cesse de nous hanter

Oh tristes fantômes au cœur froid
Issus des miasmes méphitiques
De mes humeurs mélancoliques
Vos visions me glacent d’effroi

J’ai trop bu les amères larmes
De mes espoirs mainte fois brisés
Et gouté le sombre baisé
D’un ange odieux dévoreur d’âmes

Il s’en fallut parfois d’un rien
Pour que je ne finisse happé
Par les bras obscurs et glacés
De l’abyme dont on ne revient

Toutes ces blessures, ces illusions
M’ont structuré et façonné
Et s’imbriquant dans ma psyché
Conditionnent mes réactions

Parfois, doucement mon esprit glisse
Vers cette part d’ombre qui vit en moi
Ne me laissant pour seul choix
Que de perdre dans ces abysses.

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février 10

Le prisme

Comme un rais de lumière dans un prisme taillé
De multiples facettes font ma réalité
Mille masques se mêlent pour former mon image
Tantôt sombre ou clairs, tranquilles ou bien sauvages

D’abord le passe-partout, roi de l’insignifiant
N’exprimant que le vide, l’absence de sentiments
Dissimulant la peur et la timidité
Les tourments d’un rêveur perdu en société

Puis vient le travailleur, exigeant, méthodique
Forcé de se plier aux règles et techniques
Assurant la survie de sa mortelle enveloppe
Hébergeant l’inconstance des songes qui s’y développent

Suivent l’ami et l’amant au cœur toujours fidèle
Qui bercent ou réconfortent, répondent à chaque appel
Leurs tendres paroles voilent une grande crainte
La peur de l’abandon, d’une solitude feinte

Derrière eux vivent aussi le poète séducteur
L’écrivain à court d’encre, romantiques et charmeurs
Aimant plaire, séduire, d’un vers, d’un trait d’esprit
Criant à mots couverts les douleurs de leur vie

Viennent encore l’ermite, le lâche, le paresseux
L’accro informatique, le clown, l’impétueux
Le cynique, l’ordinaire, le dépressif chronique
L’orgueil mégalomane, l’étranger chimérique

Tous s’animent et se jaugent, se disputent mon égo
Prenant place tour à tour au creux de mon cerveau
Leurs valses incessantes, sarabandes infernales
Me poussent vers l’extrême et sa limite fatale

Un jour proche ou lointain leur manège m’entrainera
Et brisant les barrières leur flot m’emportera
Noyant mon existence dans l’abîme douloureuse
Et les tristes contrés de la folie furieuse.

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février 8

Les yeux noirs

Dans un écrin ciselé d’opale
Brûlent deux perles couleur d’ébène
D’étranges reflets masquent leur peine
Estompant la douleur d’un voile

Derrière ces gemmes d’obscurité
Se cache une âme aux mille blessures
De beaux atours parent son armure
Leurrant un œil non initié

Aucun bijou, nulle dorure
Ne peut soutenir leur éclat
Tout devient pâle, factice et plat
Face à ces deux joyaux obscurs

Ils ne portent pas d’artifices
La Nature seule les a taillés
Son frère le Temps les a nimbés
D’une étrange lumière salvatrice

La vie s’anime sous ce regard
Grands océans, ciels étoilés
Des mondes meurent, d’autre se créent
Dans la pureté de ces yeux noirs.

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octobre 8

A nos morts

A toi fier marin happé par les eaux sombres
Emporté par les flots vers de lointains abymes
Où dansent les naufragés sur les échos sublimes
De mélodies liquides où leurs cris sont en nombres

A toi pauvre soldat qu’un obus a brûlé
Lancé dans le combat sans t’en voir revenir
Pour d’absurdes idéaux tu t’es laissé occire
Sur un champ de bataille tu péris, oublié

A toi le voyageur, errant sur les chemins
Que la brume a un jour occulté de ce monde
Pour mieux t’enchevêtrer dans ses voiles vagabondes
Te perdre dans ses volutes et t’entraîner au loin

A toi le bel aïeul à la grande sagesse
Ton corps fut écrasé, voûté par le labeur
Et le temps t’a usé, brisé par le malheur
Chargeant tes derniers jours de peines et de tristesse

A toi le romantique au coeur percé d’épines
Rongé par tes remords, tes souffrances cachées
L’insidieuse douleur t’a longtemps consumé
Avant de t’emporter d’une pique assassine

A vous tous, disparus, nos chers trépassés
Nos glorieux ancêtres, amis tendres et sincères
En nos coeur, nos pensées, telles d’étranges chimères
Vivent vos souvenirs pour l’éternité

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octobre 7

Rencontres

Cela vient subtilement, d’abord un frôlement
L’éclat bref d’un regard mêlé d’obscurité
Isolé dans une foule d’êtres inanimés
L’âme perdue lentement esquisse un mouvement

Un appel silencieux dans l’air surchargé
Porté par une fragrance, un parfum si léger
A peine perceptible, étherique messager
Si ce n’est par l’esprit qui sait l’interpréter

Puis vient un autre effort, l’ombre d’une expression
Preuve d’encouragement, étrange invitation
Doucement un lien se tisse entre deux entités
Reflet d’alliance antique, d’ententes oubliées

Alors viennent les mots, l’histoire, les gouts communs
Que se trouvent l’un et l’autre au fil de leurs destins
Ils viennent à reconnaitre des chemins partagés
Comme si vers cette rencontre ils étaient poussés

De ces croisements fortuits naissent bien des relations
Des amitiés durables, des amours, des passions
Il s’en faudrait d’un rien, pourtant, qu’ils soient manqués
Occultés par les craintes et la timidité

Alors prenons plus garde, ayons plus d’attention
Pour ne pas laisser perdre ces belles occasions
La vie donne peu de temps aux joies improvisées
Mais charge de regrets pour chaque acte manqué.

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mai 25

Epitaphe

Parce que j’ai trop vécu sur ces terres désolées
J’ai trop longtemps frayé avec Mort et Malheur
De cryptes en catacombes j’ai vu mille douleurs
Et bu jusqu’à la lie le sang des condamnés

J’ai couvert tant de pages de mes sceaux infamants
Forgeant les idées noires de mes sombres héros
Triturant les ténèbres, les gravant sur ma peau
Enivré par le songe de glorieux instants

J’ai monnayé mon âme pour quelques illusions
Usant de persuasion, de malicieuses promesses
Pour contraindre mon art, cela, je le confesse
A clamer la grandeur de mes lamentations

Du fin fond de l’abyme je revins en hurlant
Lorsque la noire cloche a soudain résonnée
Mon esprit à jamais en demeura marqué
Par l’empreinte sinistre de l’être agonisant

A l’aube d’un jour nouveau, couché sous cette pierre
Retentira l’écho de mon si long tourment
Et l’oiseau noir perché sur la stèle, dignement
Affutera son bec pour dévorer ma chair.

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mai 24

Roi endormi

Sur un guéridon trône un vase aux fleurs passées
Emplissant l’atmosphère d’effluves suffocantes
Chargeant l’air d’une fragrance capiteuse, écrasante
Changeant le moindre souffle en calvaire parfumé

De pesantes tentures repoussent l’astre du jour
Transformant cette chambre en un caveau fait d’ombres
Seules quelques chandelles à la clarté sombre
Luttent contre les ténèbres dans cette obscure tour

Sur un lutrin de bois, un vieux grimoire jauni
Au papier abimé par les outrages du temps
L’encre presque effacée s’est vue teintée de sang
Couverte ici et là par des symboles bannis

Au fin fond de ce lieu git un cercueil de fer
Dans lequel repose une momie enchainée
Un corps desséché au derme parcheminé
Sans une once de vie, comme figée dans la pierre

Pourtant dans ses orbites brule un Feu éternel
Attendant patiemment qu’enfin sonne son heure
De dévorer la terre, pour que germe la terreur
Que son plus vieil ennemi, son Père enfin chancèle.

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avril 27

Pactisant

Au croisement des chemins j’ai mis genoux à terre
Et les yeux vers le sol j’ai dis cette prière
Dans ce langage ancien aux accents gutturaux
Venus des âges lointains et des premiers tombeaux

Dans la poussière mes mains ont tracé tous les signes
Grecs, babyloniens, assyriens, tant de lignes
Pour que tu daignes enfin répondre à mon appel
Toi l’archange disparu, toi l’oublié du Ciel

Et sous la lune sanglante je t’ai fait mon serment
Notre accord fut conclu, scellé d’une goutte de sang
Ton prix contre mon don, ma réussite, ma gloire
Me paru si minime, si simple et dérisoire

Le temps a fait son œuvre, effacé cette promesse
J’ai eu mes récompenses, entassé les richesses
J’ai occulté bien vite les sinistres présages
Ignoré les miroirs renvoyant ton image

Mais quand l’heure a sonné de son lugubre accord
Mon esprit s’est soudain remémoré son sort
La porte, les bruits de pas sonnent mon dernier acte!
Plus de doutes, tu es là! Que soit maudit ce pacte!

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