mai 29

Niobée

Saurais-je vous décrire la versatile beauté
De celle qui de tout temps a faites siennes mes heures
Pourrais-je vous conter la si subtile pâleur
Et la discrète teinte de sa peau veloutée

Vous esquisserais-je encore la douceur de ses lèvres
Leur dessin si léger sublimé d’incarnat
L’émeraude et le jade entremêlent leur éclat
Dans l’iris d’un regard jalousé des orfèvres

Existe-t-il des mots pour vous dire la lumière
Qui court sa chevelure d’ambre et de tangerine
Descendant en cascade sur ses épaules fines
Devant elle le soleil passe pour une chimère

Vous parlerais-je enfin de ses formes éthérées
Toutes en courbes et volutes, collines et vallons
Où le moindre mouvement devient ondulation
Yeux et mains y volettent sans jamais s’épuiser

Elle vit, cette perfection, drapée d’ombre et de brume
Au coeur d’une contré à l’automne éternel
En ses bras chaque instant est une joie nouvelle
Un sourire d’elle vous fait moins pesant qu’une plume

Mais cette belle n’existe qu’à l’autre bout des songes
Dans un pays lointain au creux de mes pensés
Où gisent les souvenirs et les rêves tissés
Loin de l’obscurité et des maux qui me rongent.

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mai 28

Occhi

Dans les noires profondeurs de l’immense univers
Il est une galaxie aux couleurs chatoyante
Où le subtil éclat d’étoiles envoutantes
Déploie dans ses volutes mille auras de mystère

Un peintre en sa palette n’aurait tant de nuances
Argent gris, bleu ondée, vert aqueux, bronze et or
Toutes entremêlées, assemblées mieux encor
Créant par leurs unions ce chef d’oeuvre intense

Au coeur de cet ensemble à la sublime beauté
Siège une perle sombre, saisissante, hypnotique
Marquant le caractère de son empreinte unique
Le siège de l’équilibre de ces astres liés.

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mai 19

Insomnia

Voici encore la longue nuit
Dans son voile obscur et pesant
Où les fantômes sont si présents
Les heures où le sommeil me fuit

C’est d’abord un souffle, un murmure
Une pensée qui s’insinue
Une ritournelle à l’air connu
Dont les notes crissent contre les murs

Les ténèbres épaisses et poisseuses
Qui viennent alourdir mon coeur
Puis les voix de mes tourmenteurs
L’écho de leurs paroles visqueuses

Bientôt leurs doigts froids, décharnés
Rampant, glissant sur mon visage
Telles des serres, prêtes au carnage
Cherchant à lentement m’étouffer

« Pantin fantoche, imposteur
Dépourvu de toute qualité
A quoi bon vouloir exister
Tu n’es pas même digne de tes pleurs! »

Assénées avec violence
En moi s’immiscent leurs noires pensés
Rongeant mon esprit épuisé
Sans lui laisser aucune chance

Alors reviennent les songes malsains
Les solutions de lâcheté
« Qu’il serait simple d’abandonner
Et d’anéantir le chagrin… »

Une promesse pourtant me retient
Une parole que j’ai donnée
Celle de ne jamais laisser
Quelqu’un qui m’a tendu la main.

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mai 19

Iris

Vous souvient-il, chère amie

Du soir où votre cœur faiblit

Vous chancelâtes dans mes bras

Perdue par quelque vif émoi

 

Vos yeux dont le mauve se voila

Quels autres cieux virent-ils là ?

Pour ne point vous voir à terre

Je maintins votre taille légère

 

Et contre mon épaule virile

Reposait votre cou gracile

L’ébène de votre chevelure

Rehaussant votre pâle nature

 

Pour vos couleurs retrouver

J’ai votre gorge libérée

Du carcan de votre col droit

L’ouvrant un peu plus pour cela

 

C’est là que le sens m’a manqué

À l’éclat de cette peau nacrée

Au creux de ce cou palpitant

Sans remords j’ai plongé les dents

 

La divine liqueur carmin

Attisant largement ma faim

À la fontaine de votre vie

Je me suis goulûment servi

 

Un frémissement de vos doux cils

Me surprit en cet acte vil

Dans vos yeux je vis la frayeur

À leurs bords l’esquisse de pleurs

 

Saisi par une grande émotion

Je sus mon abomination

Et comme au sortir d’un cauchemar

Me détournai de vos regards

 

J’appliquai une main sur vos plaies

Leur sang bien vite coagulait

Et vous voyant vous ressaisir

Je vous priai de me maudire

 

À ma surprise vous n’en fîtes rien

Plaçant sur mon bras votre main

D’une parole vous m’absolviez

Et d’un doux geste vous me sauviez

 

Si je rappelle ce souvenir

C’est qu’il me fait bien trop souffrir

N’aurai-je point dû vous achever

Plutôt que comme moi vous damner?

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mai 19

Amarante

À la pénombre de ma fenêtre
Je vois le monde s’éveiller
Sur le drap fin et satiné
Dansent les rais du soleil à naître

À ma mémoire vient un printemps
Le souvenir d’une heure passée
Cette couche aux tissus froissés
Par deux corps s’enlaçant

Cette même lumière ce matin là
Glissant sur ton âme assoupie
Qu’étaient tes rêves, belle endormie?
Une simple suite à nos ébats?

Je mirais, moi, les étincelles
Que le jour venait placer
Sur ta peau, d’étoiles constellée
Aux senteurs d’épices et de miel

Tendrement, pour ne pas troubler
Ton sommeil, si léger, si pur
Je mêlais en ta chevelure
Mes doigts blancs à sa teinte cuivrée

Je savourais encore le goût
De tes lèvres, fraîches et charmantes
Au teint des roses si enivrantes
À peine écloses, parfum si doux

De mes yeux je te dévorais
Aimant chaque courbe un peu plus
Et lorsqu’enfin le jour parût
Dans un frôlement je t’embrassais

Il est si loin ce matin là
En mon esprit toujours vivant
Je m’y blottirai en mourant
Laissant derrière chair et lit froid.

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avril 28

Avalon

Sur une terre sacrée, dans les brumes du Rêve
S’ouvre une verte colline au coeur des forêts
Où il y a peu encore s’élevait un palais
Surplombant de son ombre une soyeuse grève

Les murs de pierre douce accueillaient vigne et lierre
Se parant de tentures émeraude ou carmin
Mêlés des rayons d’or de l’astre azuréen
Qui éclaire ces lieux où naissent les chimères

Un splendide jardin entourait la demeure
Bosquet de jeunes arbres en pleine floraison
Champs de roses, de violettes, écloses ou en boutons
Délicates fontaines aux murmures enchanteurs

Ici et là, un banc, sous un saule ombragé
Pour savourer le calme, les merveilleux parfums
Qu’exhalait à toute heure ce havre élyséen
Dans sa pleine lumière où sous une brève ondée

Ce songe au coeur du songe, je l’avais érigé
Pour y faire fleurir des souvenirs précieux
Tisser entre deux mondes un peu de merveilleux
Offrir à une compagne un écrin enchanté

Mais lorsque mon regard, sans lumière, s’est terni
Le sublime palais, soudain, s’est écroulé
Plantes, fleurs et arbustes, tous se sont fanés
L’étoile resplendissant s’est trouvée obscurcie

Rien ne reste aujourd’hui de ce divin endroit
Que ruines érodées et grouillantes ténèbres
Les doux murmures passés se sont fait chants funèbres
Le charme s’est brisé en même temps que moi.

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avril 15

Sec

Je suis tel un encrier vide
Une plume à la pointe asséchée
Une page à la blancheur livide
Un coeur où la vie a cessée

Comme une plante prise par le gel
Mon encre s’est lentement figée
Lorsqu’à court d’étincelles
Mon âme n’a plus su vibrer

Le rêve tant souhaité a fuit
Ne laissant qu’un corps vide et froid
Un esprit livré à la nuit
Une carcasse que l’ombre noie.

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avril 1

Diptyque

Perles de jade et teint nacré
Cheveux de flamme et d’or mêlés
Délicatesse de porcelaine
Et port altier de grande reine

Pâleur d’ivoire, plumage de geais
Regard d’onyx aux milles secrets
Corps éthéré de muse antique
Lèvres carmin au charme unique

L’une de pourpre, l’autre de nuit
Porteuses de promesses infinies
Drapées dans des voiles aériens
Gardiennes d’un bien étrange chemin

Impératrices des autres sphères
Servant le peuple des chimères
Depuis leurs trônes richement ornés
Leurs yeux sur moi se sont fixés

Moi qui ne suis que face blême
Rimeur malingre aux plats poèmes
Que me veulent ces apparitions
Pour m’honorer de leur vision ?

Leurs beautés vont me consumer
Leurs charmes déjà m’ont subjugué
Serai-ce la Mort qui vient enfin
Sont-ce les juges de mon destin ?

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mars 30

Heartless

A force de blessures et de bien trop vibrer
Le joyau de cristal qui palpitait en moi
Qui voulait s’envoler vers de nouveaux émois
Sur un sol de pierre dure a fini fracassé

D’innombrables éclats, tel un millier d’étoiles
En tous sens ont jailli, fragments éparpillés
Petits oiseaux de verre qui se sont égaillés
Comme perles de rosée roulant sur une toile

Lentement, silencieusement, j’ai pris les bris épars
Dans un morceau d’étoffe, je les ai rassemblés
Au fond d’un vieux coffret je les ai remisés
Prêt à les oublier comme on chasse un cauchemar

Quel besoin en aurais-je, ils ne sont que souffrances!
Au moindre effleurement, j’ai ressenti mes peines
Leur poison court toujours dans chacune de mes veines
Me laissant sans répit, exacerbant mes sens

Dans le réduit aveugle où je les abandonne
Personne ne tentera de les réassembler
De leur terrible emprise je serai libéré
Sans coeur plus de douleurs, plus d’âme qui résonne.

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mars 13

Fuyard

Dans un simple coffret à la teinte patinée
Aux arrêtes armées de solides ferrures
Pansant ses plaies profondes, ses amères blessures
Sous un voile de satin sommeille mon cœur cassé

Le coffre, tel un cercueil, repose au fond d’un lac
Dans un lieu mystérieux, de mémoire oublié
Le refuge secret d’un seigneur exilé
Loin du chaos du monde, de ses tours démoniaques

Renonçant à l’espoir mes mains ont arraché
Ce fragile amalgame de cristaux et de chair
Déjà exténue d’avoir bien trop souffert
Rejetant les remords de mes fautes passées

Enfermé dans sa tombe, rien ne peut plus l’atteindre
Me voici libéré de ce si lourd fardeau
Je renie l’existence de ce triste fléau
Puisque me voici mort, la vie n’est plus à craindre

Ainsi soliloquai-je, pauvre carcasse vide
Avant de m’embarquer sur ce navire errant
Prêt à défier les Dieux, le Destin et le Temps

Je sillonne les mers depuis longtemps maintenant
Tant que le monde existe, nul de sait jusqu’à quand
Contemplant chaque jour une aurore livide.

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